Auteur Sujet: Des chercheurs au chevet de Geneviève "la miraculée"  (Lu 8602 fois)

0 Membres et 1 Invité sur ce sujet

Hors ligne Jeano 11

  • Administrateur
  • *****
  • Messages: 7074
  • Sexe: Homme
  • Retraité
Des chercheurs au chevet de Geneviève "la miraculée"
« le: 25 novembre 2010, 11:34:53 »
 


En 1999, Geneviève, une infirmière aveyronnaise, fait un arrêt cardiaque. Elle est plongée dans un état végétatif, jusqu'à ce qu'un... somnifère la réveille ! Le CHU de Purpan à Toulouse a fait une publication sur l'effet paradoxal de cette molécule.

Cette femme revient de loin. De l'inconnu. D'un long sommeil. D'une longue nuit. Qui sait ? Qui peut décrire le coma ?

Même pas elle, ni tous ceux qui en sont mystérieusement revenus.

Geneviève Pagès, une Aveyronnaise de 54 ans, a passé des mois dans un état quasi-végétatif. Elle a « ressuscité » grâce à un… somnifère censé l'endormir.

Le cas de Geneviève fait l'objet d'une publication scientifique du CHU de Purpan à Toulouse… et rend son mari euphorique. « Aujourd'hui, dit-il, nous sommes au paradis ».

Hier, c'était le désespoir, sans doute.

Hier. C'était il y a onze ans. Le 4 octobre 1999. Gaby Pagès, agriculteur près de Réquista dans l'Aveyron, rentre chez lui. Il trouve sa femme inanimée. De battre son cœur s'était arrêté.

« J'avais des notions de secourisme, alors j'ai pratiqué un massage cardiaque », dit Gaby Pagès. Ambulance. Hôpital. Soins intensifs.

Geneviève est réanimée. Mais son cerveau, qui n'a pas été irrigué pendant plusieurs minutes, a des lésions. Elle reste hospitalisée pendant deux ans.

Son mari se souvient : « Ma femme restait couchée. Elle avait subi une trachéotomie. Elle avait une sonde gastrique. Geneviève était dans un état végétatif ». Coma post-anoxique.

Gaby Pagès se retrouve à la maison avec ses trois filles, âgées de 18, 12, et 7 ans. « Pour les petites, ce n'était pas facile », dit-il. Chaque dimanche, le père amène les enfants à l'hôpital pour voir leur mère. Qui reste sans réaction.

« En mars 2001, je récupère ma femme à la maison. Parce qu'ici, tout lui parle ! Geneviève passait les journées dans un fauteuil, apathique », poursuit Guy Pagès.

Cet agriculteur âgé de 56 ans, qui exploite une ferme située à l'écart du petit village de Rullac, n'est pas du genre à baisser les bras. Costaud, volubile, curieux.

Il parle… pour deux. Meublant sans doute l'absence de paroles de son épouse.

Geneviève, l'absente. Elle est pourtant là. Dans un coin du salon. Assise, tassée sur un fauteuil. Une silhouette frêle. Un joli visage… qui parfois s'illumine. On devine alors l'infirmière alerte qu'elle était avant son accident.

Gaby raconte : « En 2003, nous sommes partis en vacances dans les Pyrénées. Tous ensemble. Un soir, mes filles entrent dans la chambre de leur mère, à qui on venait de donner un somnifère. Geneviève était en train d'écrire. Elle parlait ! C'était inouï ! Un miracle… »

Gaby Pagès rapporte l'incroyable nouvelle à des praticiens, il écrit au laboratoire qui fabrique le somnifère. Jusqu'à ce qu'un médecin de la Mutualité sociale agricole du Tarn fasse des recherches, et lui rapporte la publication du Pr Laurent Cohen, neuropsychologue à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris. Gaby Pagès le contacte. Le professeur fait hospitaliser Geneviève.

Le cas de cette Aveyronnaise l'intéresse. Car plusieurs équipes de recherche, en France et dans le monde, travaillent sur les pilules dites de Lazare, des molécules capables de ramener des patients à la vie. Après Paris, Geneviève est transférée au CHU de Purpan à Toulouse, au service de neuropharmacologie.

Les chercheurs trouvent que l'état de Geneviève s'améliore grâce à au zolpidem, la molécule du Stilnox. Depuis, plusieurs fois par jour, Gaby Pagès administre le somnifère à son épouse.

Geneviève revient alors à elle. Cette femme sourit, discute, tourne les pages de « Femme actuelle », regarde la télévision. Ce mercredi matin, elle prend son café. Amélie, jeune auxiliaire de vie, la fait boire à la cuillère.

« Asseyez-vous », propose Geneviève d'une voix endormie… La veille au soir, l'agriculteur a amené sa femme à Toulouse entendre Hugues Aufray. À l'évocation du chanteur, Geneviève fait une moue…

Devant l'objectif de l'appareil photo, le regard fuit. Puis Geneviève tend le bras vers son mari. Un geste de tendresse. Elle se met à papoter avec l'infirmière qui vient de rentrer. Une ancienne collègue. Les deux femmes se tutoient.

«Tiens, dehors, il gèle », dit l'infirmière.

- « Cela fait deux jours déjà », répond Geneviève.

Quelques instants plus tôt, on aurait juré qu'elle était ailleurs.

Ainsi va maintenant la vie de Geneviève. Avec ses allers et retours dans le présent.

Geneviève, dont l'état nécessite une aide constante, sort peu à peu de la nuit.

« Quel bonheur ! »s'exclame Gaby.
La première patiente traitée en France

Comment un somnifère peut-il ramener à la vie des patients? Le magazine «Sciences et Vie», qui consacre son numéro de novembre aux recherches menées sur le cerveau, fait état du cas de Geneviève Pagès. Car cette Aveyronnaise est la première patiente à avoir bénéficié en France d'un traitement expérimental et paradoxal.

Plusieurs équipes de recherche, dans le monde, testent des molécules capables de «ressusciter» des malades plongés dans un état végétatif.

L'effet paradoxal du zolpidem avait ainsi été constaté par deux médecins sud-africains.

Le cerveau réserve bien des surprises à la recherche.
Le CHU mène l'enquête

Le CHU de Purpan à Toulouse a mené l'enquête pour comprendre l'effet paradoxal du somnifère, le Stilnox. Geneviève Pagès a été hospitalisée. Un protocole de recherche établi.

L'imagerie médicale, par tomographie par émission de positrons, a permis de visualiser l'effet de la molécule du Stilnox, le zolpidem, sur le cerveau de l'Aveyronnaise.

« Nous nous sommes aperçus que le Stilnox rétablit la fonctionnalité du niveau des zones cérébrales qui sont impliquées dans la motivation », explique Christine Brefel-Courbon, médecin au service de neuropharmacologie au CHU, et chercheur à l'Unité 825 de l'Inserm.

Alors le zolpidem pourrait-il « réveiller » les morts ? Ramener à la conscience tous les comateux ? « Non, répond catégoriquement le Dr Brefel-Courbon. Le zolpidem peut avoir une action uniquement sur les personnes en coma post-anoxique, c'est-à-dire les patients dont le cerveau n'a pas été oxygéné après un arrêt cardiaque. Et encore. Dans certains cas, la molécule a un effet positif, et immédiat. Dans d'autres, aucun ».

Un effet paradoxal du zolpidem était déjà connu : cette molécule agit sur le sommeil de 95 % de patients, mais dans 5 % des cas, elle aboutit à une excitation, et un « hyper-éveil ».

Pour Geneviève, cette molécule a eu un effet paradoxal en la réveillant et en agissant sur les zones cérébrales impliquées dans la motivation.

« Ce cas nous donne un espoir : la découverte d'un effet du zolpidem est un chemin qui s'ouvre pour améliorer l'état de patients qui sont dans un état végétatif », conclut le Dr Brefel- Courbon.
Le chiffre : 2 000

Créations> de l'Institut des sciences du cerveau à Toulouse. Cet institut mène des recherches sur la maladie de Parkinson et d'Alzheimer notamment. Il croise des recherches menées dans plusieurs disciplines.

« C'est un chemin qui s'ouvre pour améliorer l'état de patients qui sont dans un état végétatif».

Dr Christine Brefel-Courbon, médecin au CHU de Purpan à Toulouse.