Auteur Sujet: L’AMBULANCIER FACE À LA MATÉRIO-DÉPENDANCE  (Lu 17808 fois)

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L’AMBULANCIER FACE À LA MATÉRIO-DÉPENDANCE
« le: 30 janvier 2024, 10:14:07 »
DÉFINITION DE LA MATÉRIO-DÉPENDANCE
La matério-dépendance, nous entendons par ce néologisme, la nécessité de se référer à des matériels et outils spécifiques à la prise en soin de nos patients au dépend, peut être d’une prise en soin plus simplifiée.

L’HOMME OU LA MACHINE ?
Le multi-paramétrique, ou scope, équipe de plus en plus nos ambulances. Il est un outil merveilleux, permettant de centraliser en un seul et même appareil, l’oxymétrie de pouls, la pression artérielle, la fréquence cardiaque, et parfois même la fréquence respiratoire, la température corporelle, l’électrocardiogramme ou encore la capnographie.

Seulement, qui de l’homme ou de la machine a le dernier mot ?

Comme tout appareil électronique, le scope est soumis aux contraintes de son utilisation, les secousses, les désinfections, les poussières, parfois même la pluie… Alors quel crédit lui apporter ? Doit-on, de principe s’imaginer que chaque inscription sur son écran constitue une vérité ?

S’il est une chose qu’il ne faut oublier, c’est qu’avant de traiter des chiffres, nous soignons des patients. Malheureusement, il est bien trop récurent d’enseigner à nos nouveaux ambulanciers, l’utilisation quasi exclusive de ce matériel. Seulement, il réside derrière ces pratiques, un vrai danger.

Imaginons la scène, le SAMU déclenche votre ambulance, une belle nuit claire d’hiver, pour un patient exprimant un plainte peu précise au téléphone. Vous êtes alors dépêchés au domicile du patient pour une notion de malaise.

Vous arrivez sur place, saluez votre patient, allongé sur son canapé, il tremble, il semble transit de froid. Pendant votre anamnèse, votre binôme prend les constantes à l’aide de son appareil, mais … Malheureusement le froid l’empêche de s’allumer … Comment faire alors ?

Et bien, simplement, en évaluant la clinique du patient, comme vous l’avez probablement appris durant votre formation. Il n’y à pas besoin de chiffres pour comprendre que votre patient polypnéique, en sueur avec des cyanoses digitales et péri-buccales nécessitera une oxygénothérapie.

Vous n’avez nullement besoin d’une tension pour demander une équipe de SMUR dès lors que votre patient présente d’importantes pâleurs, une température corporelle abaissée, un pouls radial filant ou absent, rapide, un temps de recoloration cutané allongé, des marbrures et autres signes cliniques amenant à une notion d’état de choc.

Pensons toujours à écouter, regarder, toucher voir sentir notre patient avant d’affiner notre bilan avec des chiffres. Et ces chiffres, vérifions les toujours en les confrontant à la clinique, toujours. Il est évident qu’une saturation en oxygène indiquée à 75% en air ambiant sur votre appareil n’aura aucune espèce de valeur si votre patient est parfaitement eupnéique, parfaitement coloré, sans aucun bruit respiratoire audible.

Il est inimaginable de prendre un pouls annoncé par le scope comme acquis sans le palper avant sur le patient pour l’apprécier au mieux.

Il en va de même pour une tension annoncée basse alors que la clinique est plus que correct.

UN PROBLÈME UNIQUEMENT AMBULANCIER ?
Non, le problème de la matério-dépendance est un problème qui touche tous les soignants. De l’ambulancier au médecin, en passant par l’aide-soignant, l’infirmier et l’ARM.

Il est utile de rappeler que si notre bilan se doit d’être le plus étoffé et précis possible, c’est pour favoriser une orientation adaptée du patient. Pour ce faire, chaque intervenant de cette chaîne d’urgence doit être attentif. Il est encore bien trop régulier de se faire switcher son bilan par l’ARM pour avoir les constantes.

Il est encore bien trop régulier d’entendre le médecin refuser l’envoie d’une équipe médicale, ou à l’inverse, envoyer une équipe médicale sur des constantes seules alors que la clinique suggère tout l’inverse. Et ça, c’est le boulot de l’ambulancier de pousser chaque intervenant à prendre en compte correctement son bilan. Vous êtes les seuls sur place, vous êtes les seuls à « sentir » votre patient.

Il faut également prendre en compte le bien-fondé de la prise de constantes. Elle est devenue un réflexe. Pourtant, elles ne sont pas toujours utiles, et peuvent parfois même devenir dangereuses pour les intervenants. Prenons l’image de la Bouffée Délirante Aigüe avec un patient qui risquerai de devenir violent lors de la prise de tension.

LA MATÉRIO-VIGILANCE
Il est important de préciser l’obligation légale d’une matério-vigilance pour les dispositifs médicaux.

Il n’existe aucune règle générale concernant des délais entre deux calibrages ou de vérifications des dispositifs médicaux. En revanche, l’arrêté du 3 mars 2003  du code de la santé publique, fixant les listes des dispositifs médicaux soumis à l’obligation de maintenance et au contrôle de qualité, définit une classification précise des dispositifs médicaux en fonction de critères précis. Cette classification se divise en 4 catégories :

Catégorie I : Elle regroupe les dispositifs médicaux non invasifs (compresses, gants, électrodes ECG …)
Catégorie IIa : Elle  regroupe les dispositifs médicaux invasifs ( sondes d’intubation, cathéter  de folley, pansements hémostatiques …)
Catégorie IIb : Elle regroupe les dispositifs médicaux actifs, c’est à dire fonctionnant avec une source d’énergie (Multiparamétriques, pousse-seringues électriques, Respirateurs, oxymètres de pouls, couveuses …)
Catégorie III : Elle regroupe les dispositifs médicaux spéciaux, avec notamment les outils de chirurgie, ou bien les prothèses intra corporelles.
L’arrêté du 3 mars 2003 du code de la santé publique  stipule alors que la matériovigilance s’applique sur les dispositifs médicaux des classes IIa à III. Cette matériovigilance se traduit notamment par le respect des dates de péremption de ces équipements. En revanche, les dispositifs médicaux actifs (de classe IIa) sont obligatoirement soumis à un échéancier d’entretien proposé par le constructeur du produit.

Le respect de cet échéancier à alors valeur légale en cas de litige sur le fonctionnement des équipements médicaux actifs.

 L’arrêté du 3 mars 2003
Explication des dispositifs médicaux
LES ALTERNATIVES À LA MATÉRIO-DÉPENDANCE
Ce problème n’est pas uniquement français. On constate dans le monde entier l’essor de l’utilisation des appareils de diagnostique plutôt que l’évaluation clinique primaire. Par contre, les formations initiales des intervenants de l’urgence pré-hospitalière à travers le monde, qu’ils soient EMT, infirmiers ou paramedics ont une base d’enseignement technique bien supérieur aux ambulanciers français.

Une solution à cette sous-formation existe déjà, et est largement proposé par la NAEMT (National Association of Emergency Medical Technicians), au travers de LSF (Life Support France) qui propose des formations destinées à développer le raisonnement clinique.

On y apprend alors que la méthode du X-ABCDE (méthode d’évaluation la plus largement utilisée dans le monde) permet d’anticiper la suite de la prise en charge en évaluant sa gravité, uniquement de manière clinique. Le seul appareil utilisé est le stéthoscope.

A ce titre, les PHTLS, AMLS, ACLS, EPC, TECC et d’autres encore, permettent de s’initier et surtout d’affiner largement sa sensibilité clinique. On ne le répètera jamais assez … Nous traitons des patients, pas des chiffres !

LES BÉNÉFICES ET DANGERS DU MATÉRIEL
Pour terminer, il est utile de faire un point sur le matériel de l’ambulancier au sens large. Nous avons tous nos préférences, si tant est que nous ayons le choix, d’utiliser un matériel plus qu’un autre. Cela peut dépendre d’habitudes de travail, de facilité d’utilisation, d’obéissance à des protocoles, des ordres….

Abordons, par exemple, le sujet de l’évacuation des patients. Ou on constate l’utilisation fréquente de moyens dans des situations inappropriées.

Le MID (Matelas Immobilisateur à Dépression) par exemple, quasi constamment utilisé lors du transport de patients intubés et ventilés. Fréquemment par injonction du SMUR. N’oublions pas que nous sommes les responsables de l’évacuation de nos patients. Et qu’il nous revient à nous de choisir l’évacuation la plus sécuritaire, rapide, et la moins traumatisante. A ce titre, il nous revient de proposer, voir parfois, d’imposer un équipement plutôt qu’un autre.

Un MID à deux n’est pas un moyen d’évacuation adapté. Il est préférable d’utiliser un plan dur, voir un scoop qui, s’il n’est censé être qu’un outil de relevage, peut selon sa qualité de fabrication (Ferno par exemple) être parfaitement adapté, de par sa forme, sa légèreté, sa facilité d’adaptation, devenir le meilleur moyen d’évacuation pour ce type de patient.

Rappelons aussi que le relevage ou le portage d’un traumatisé rachis à deux ne doit jamais se faire avec un MID seul. Encore une fois, les scoop et plans dur sont les seuls dispositifs adaptés dans cette utilisation.

CONCLUSION ET PISTES DE RÉFLEXION
L’évolution constante du matériel médical est une avancée nette dans le métier d’ambulancier, elle augmente sa capacité opérationnelle, sa précision, elle permet d’éviter les Troubles Musculo-Squelettiques, d’améliorer le confort du patient et sa sécurité.

Mais à l’aube de l’ère du tout numérique, de l’avancée de la télémédecine et des innovations ruptures qui révolutionneront notre métier, il nous appartient à chacun, ambulanciers, secouristes, infirmiers, médecins… De comprendre que notre patient est notre seule priorité, et qu’il est le seul élément fiable de nos interventions.

L’AVIS DE NICO SUR LE SUJET DE LA MATÉRIO DÉPENDANCE
Nous sommes de plus en plus équipées de matériel électronique (tensiomètre, saturomètre, thermomètre….) ce qui n’est pas un mal en soit. Sauf que j’ai l’impression qu’on se focalise trop sur les chiffres de ces fameux appareils, en oubliant presque la victime. Je voit beaucoup les soignants, les ambulanciers, les pompiers les yeux rivés sur les appareils sans avoir touché, regardé, écouté la victime. Et pourtant, ce sont les bases même du secourisme.

Ces approches permettent d’avoir une appréciation simple et efficace des signes cliniques. Et quand ces appareils sont en panne, défaillant ou autres problèmes, on arrive plus à gérer la situation. Il y a aussi la fiabilité de ces appareils, certains ne sont jamais calibrés, ou fonctionne selon une position bien précise (tensiomètre poignet) ce qui engendre des chiffres erronées. Il faut savoir que ces appareils doivent être calibré au moins une fois par an pour une meilleure fiabilité.

A l’ère de la télémédecine est ce que cela sera accentué ? On peux se poser la question en effet car les habitudes de travail et d’approche de la victime seront différents.

Quand on voit certaines formations outre atlantique comme le PHTLS, qui enseigne une approche de la victime avec la technique ABCDE dans un bilan primaire afin de savoir si la victime est critique ou non critique. Une utilisation du stéthoscope pour une écoute des poumons et surtout pour une prise de tension manuelle qui devient la référence avant que les appareils prennent le relais pour un bilan secondaire, qui lui sera plus complet.

On peux même pousser la réflexion en y incluant les habitudes et la méconnaissances de certains matériel. On peux ainsi parler du matériel d’évacuation, plus précisément du MID qui est toujours utilisé pour évacuer un intuber/ventiler de plusieurs étages, ordre donné par le médecin SMUR, qui je rappelle, ne connaît pas le matériel embarqué dans chaque ASSU. Alors que la planche d’évacuation avec le système d’araignée, utilise moins de bras et est beaucoup plus maniable et beaucoup plus ergonomique contre les TMS.

Et sachez que vous êtes les professionnels qui gèrent la prise en charge pour l’évacuation ou le conditionnement, chacun son travail. On peux parler du SCOOP ou civière de relevage qui évolue avec un système de bloc tête, ce qui permet d’avoir une meilleure ergonomie et une prise en charge optimum à deux intervenants.

Nicolas DEJOIE
https://www.ambulancier-lesite.fr/materio-dependance-ambulancier/?fbclid=IwAR2Uy4RdM6VGITU_3iSVTH5tJbpNUxfnHaJ-Z0HSvuZvgIV79Rf5Rb_8QQc