hum... pas très sympa de se faire rentrer dedans comme ça... Mais bon jouons le jeu et répondons points par points :
jiaire : Cette définition, transmise par le CESU est celle qui me semblait bien pour redonner une orientation à la question de départ.
Mais sache cher Jiaire que l’espace du monde de l'ambulance est tout entier investi par deux logiques qui ne sont pas nécessairement contradictoires mais dont l’ostensible coexistence dessert et renforce l’une et l’autre. L’articulation de ces deux dimensions, commerciales et médicinales (ou médicales si tu preferes), inscrit les pratiques dans un paradoxe qui est au cœur et, dans une certaine mesure, à l’origine du sens dans notre profession d'ambulancier. La logique marchande se symbolise et la logique symbolique se marchandise, en d’autres termes, ils font du commerce du symbolique la symbolique de leur commerce. Sans m’attacher à la démonstration exhaustive de cette coexistence, j’illustrerai cependant mon propos en soulignant la « bisémie » des termes qui figurent sur ce forum : accueil, écoute, confiance.
Accueil : La qualité de l’accueil est une condition nécessaire pour que le malade se sente à l’aise, qu’il vienne sans crainte et qu’il se sente en sécurité. C’est aussi par là que commence la prise en charge du client, on s’occupe de lui pour qu’il soit à l’aise et qu’il ait envie de revenir. L'ambulance est un "centre d’accueil" où l’on est chargé de recevoir des malades afin de les emmener dans un lieu (medecin, kiné, CH, etc...) qui contribueront à leur guérison, on leur accorde un traitement chaleureux pour s’assurer qu’ils reviennent.
Écoute : L’écoute est la capacité de consacrer un temps au patient afin de savoir ce qu’il recherche exactement et de lui donner le meilleur conseil. L'ambulancier prête attention aux paroles et aux comportements du malade, mais l’écoute, c’est aussi investir dans un lien, une relation qui assure la fidélisation de la clientèle.
Confiance : Il faut que le client ait l’assurance que celui à qui il se fie soit sûr, qu’il puisse avoir foi en lui. La confiance est un registre de foi en la médecine et entre le l'ambulancier et son malade. L'ambulancier veut apparaître comme la figure charismatique de l’homme de santé et pour cela il doit, lui-même, témoigner d’une certaine considération envers son client, il doit pouvoir l’assurer de l’une ou l’autre marque de confiance, lui permettre de payer le lendemain, d’apporter son bon de transport plus tard etc. Le client, remet aux soins de l'ambulancier une partie de lui-même, il lui confie et se confie de sa santé dans un climat confidentiel. Cette dimension est, elle aussi, un passage obligé du volet commercial.
Le charisme de l'ambulancier correspond assez bien à la définition weberienne (Weber 1995, mais en as tu deja entendu parler mon cher Jiaire ?)). Les clients voient la confirmation de la maîtrise de l'ambulancier dans leur guérison, celle-ci devient la reconnaissance de sa compétence et de sa connaissance. Son charisme est tributaire de son efficacité comme homme de médecine. La réflexion de Weber rejoint notre propos lorsqu’il précise que le « charisme pur est spécifiquement étranger à l’économie. Il constitue, où il apparaît, comme une ‘vocation’ au sens emphatique du terme : en tant que ‘mission’ ou ‘tâche’ intérieure. Dans son type pur, il dédaigne et rejette l’utilisation économique de la grâce comme source de revenus ce qui, certainement, est souvent plus une prétention qu’une réalité » (Weber).
Intuitivement, la représentation de la profession d'ambulancier comme vocation est liée à la santé avant d’être pensée dans sa perspective commerciale. C’est pourtant celle-ci qui constitue la force mobilisatrice déniée qui fait tourner le commerce.
Nul doute que l’efficacité de Jiaire, outre sa formation en gestion et l’analyse marketing dont-il pretend m'apprendre (dont il est probablement le seul à avoir pu intérioriser les résultats parce qu’ils correspondent à ses dispositions et à sa représentation de la pratique du métier), doit beaucoup à son refus, contrairement à moi, d’afficher directement ses (en tout cas celle de notre profession) velléités commerciales.
C’est cette attitude qui permet de laisser penser aux clients qu’ils ne sont pas dans un magasin au sens générique du terme, mais dans une ambulance.