Le rapport de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies pointe la dangerosité extrême de certains de ces nouveaux produits.
L'envolée des nouvelles drogues se poursuit inexorablement. Des substances psychoactives d'un genre nouveau ont été détectées au rythme de deux par semaine en 2014, alerte le dernier rapport de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA), rendu public jeudi à Lisbonne.
En tout, 101 nouvelles substances psychoactives ont donc été repérées par l'organisme l'an passé, grâce au système d'alerte précoce (EWS), selon les chiffres recueillis auprès des 28 États membres, mais aussi de la Norvège et de la Turquie. Un chiffre en progression, puisque 81 de ces nouvelles drogues, souvent présentées et vendues comme des euphorisants légaux, avaient été mises en évidence par l'Observatoire en 2013. En tout, 450 sont désormais fichées et suivies.
Parmi ces produits, on retrouve dans une grande majorité des cathinones de synthèse et les cannabinoides synthétiques, vendus comme des substituts légaux de drogues stimulantes, comme les amphétamines, et du cannabis. Elles se présentent sous d'innombrables visages - poudre, cachet, cristaux, herbes, médicaments - et viennent de marché très variés. 35.000 saisies de ces produits, qui foisonnent sur la toile aussi bien que dans la rue ou dans de petites boutiques spécialisées, ont été effectuées dans l'union européenne en 2013. Un chiffre qui serait sans doute bien plus impressionnant si tous ces produits étaient contrôlés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Hallucinogène comme le NBOMn, opioide comme le AH-7921, stimulant comme MDPV...
Dans son bureau de Lisbonne, Roumen Sedefov, qui dirige l'unité consacrée à ces drogues si difficiles à traquer, suit au scalpel leur apparition. Au 4 juin 2015, soit pour les cinq premiers mois de cette année, 41 nouveaux produits ont déjà été pointés par ses services. «Un chiffre qui peut évoluer tous les jours», souligne Roumen Sedefov.
Leur détection constitue aujourd'hui un enjeu important de santé publique. Car si leur consommation reste encore limitée, elle s'avère très préoccupante au vu de la haute toxicité de certains de ces produits. L'unité «nouvelles drogues» de l'EMCDDA lance donc également des alertes aux autorités sanitaires des différents pays - au nombre de 17 en 2014 - quand une substance particulièrement nocive perce le marché. Ce fut par exemple le cas avec le 44-DMAR et le MT-45, qui, sortis de l'ombre, ont entraîné à eux deux la mort de 59 personnes en un an. Cette année, le service de Roumen Sedefov vient de lancer une étude de calcul des risques sur le dernier né de ces «poisons», le FLAKKA, de son nom «de rue».
«Certains de ces consommateurs sont séduit par la possibilité d'achat sur le net»
8% des jeunes de 15 à 24 ans indiquent avoir déjà goûté au moins une fois à ces nouvelles drogues et 3% en avoir fait l'expérience au cours de l'année dernière, selon les données du Flash Eurobarometer recueillies en 2014 auprès de 13.000 personnes dans toute l'Union européenne. La France figure en tête du tableau des usagers récents, avec 8 % de jeunes ayant ingéré une de ces substances au cours de l'année dernière, à égalité avec l'Espagne et juste derrière l'Irlande (9%). L'Hexagone fait également partie des pays ou la consommation a le plus augmenté depuis 2011. «Certains de ces consommateurs sont séduit par la possibilité d'achat sur le net, qu'ils jugent moins dangereuse, d'autres pensent que c'est légal, d'autres encore, à l'armée ou dans les prisons, utilisent ces produits pour échapper au «drug testing». Enfin, un groupe non négligeable de consommateurs goûtent ces produits sans rien en savoir, note Roumen Sedefov.
Jeudi matin, lors de la sortie de ce rapport, le commissaire européen à la Migration, aux affaires intérieures et à la citoyenneté, a estimé que l'Europe se devait de jouer «un rôle de premier plan» dans la lutte contre le phénomène des nouvelles drogues, notamment grâce à la prochaine législation européenne en la matière, en cours de négociation. Le directeur de l EMCDDA, Wolfgang Gotz, a pour sa part estimé que ces nouvelles drogues continueraient de monter en puissance dans les années à venir. La croissance de la vente en ligne de ces produits, comme celle de drogues plus traditionnelles, appelle une activité de surveillance accrue, a-t-il souligné.
Source Le Figaro.fr