Une mutation de l'ADN apparue il y a 8 000 ans au Tibet y protège les habitants contre le mal des montagnes. Une particularité que ne possèdent pas les Chinois de souche vivant dans la même région.
L'étude d'un gène chez les Tibétains lève le voile sur le mystère de leur résistance physiologique face à la survie en haute montagne. Des chercheurs de l'université de l'Utah ont trouvé que la modification par hybridation
INFOS d'une simple base de l'ADN, apparue il y a environ 8000 ans, était responsable de leur formidable adaptation à la vie à plus de 4000 m d'altitude.
Nous avons longtemps cru que nos ancêtres ne s’étaient pas rapprochés des espèces plus "archaïques" comme Neandertal. Il s’avère aujourd’hui qu’Homo sapiens serait hybride, issu de croisements avec ces espèces. Un métissage salvateur.
Dans un article publié dans Nature Genetics, les scientifiques rapportent la présence d'une variation d'un gène localisé sur le chromosome 1, EGLN1, chez près de neuf Tibétains sur dix. La mutation est rare dans le reste de la population mondiale, et n'est pas non plus présente dans le code génétique des autres ethnies de l'Himalaya, chez les Hans chinois en particulier, qui représentent pourtant environ un tiers de la population tibétaine.
Dans les zones de haute montagne, où l'air se fait plus rare, où la quantité de dioxygène disponible diminue, le corps humain compense en fabriquant plus de globules rouges, en augmentant le taux d'hémoglobine dans le sang, et en accélérant le rythme du cœur et de la respiration, afin de transporter autant de carburant vers les organes que dans les plaines. Pour des hauteurs modérées, ce phénomène permet à la grande majorité des humains de s'acclimater et de vivre normalement.
Les propres mécanismes d'adaptation du corps peuvent parfois lui jouer des tours, lorsque les conditions deviennent extrêmes, dans l'Himalaya ou la Cordillère des Andes, où se trouvent les plus hauts massifs du monde.
L'hypoxie - manque dans l'apport d'oxygène aux tissus - incite la moelle osseuse à produire toujours plus de globules rouges. Le taux d'hémoglobine monte, et le sang s'épaissit pour devenir visqueux, traduisant un nombre trop important de cellules dans le sang.
Ces anomalies biologiques sont décrites par la maladie de Monge, autrement appelée mal chronique des montagnes, qui se déclare chez certaines personnes lors d'un séjour prolongé sous une pression atmosphérique très faible.
Ce désordre, réversible en retournant au niveau de la mer, induit une hypertension artérielle pulmonaire, et mène parfois jusqu'à l'insuffisance cardiaque. Mais les Tibétains, vivant pourtant à plus de 4000 m d'altitude, présentent un taux d'hématocrite - volume occupé par les globules rouges dans le sang - semblable à celui des hommes vivant au niveau de la mer, alors qu'ils évoluent dans un environnement plus pauvre en dioxygène d'environ 40 %.
Seulement un Tibétain sur cent souffrirait de la maladie de Monge, alors que leurs équivalents montagnards de la Cordillère des Andes sont 15 fois plus nombreux. Les Sud-Américains, ayant migré beaucoup plus récemment vers les hauteurs, n'ont pas développé de mutation.
Cette étude génétique réalisée, principalement depuis les États-Unis, n'a pas été facile à mettre en place. Les chercheurs ont dû faire face à la réticence des populations tibétaines à donner leur sang à des étrangers. Josef Prchal, médecin à l'université de l'Utah et auteur principal de la publication, a d'abord tenté en vain de convaincre les représentants des Tibétains exilés en Inde à l'aider à recruter des participants volontaires. Il s'est finalement aperçu qu'un nouveau collaborateur à l'institut de recherche contre le cancer de son université, Tsewang Tashi, était né au Tibet. Très intéressé par l'expérience, celui-ci a aidé à réunir des Tibétains vivant dans les États de Virginie et de l'Utah.
Le Dr Prchal a aussi reçu l'aide inespérée du dalaï-lama, rencontré en République tchèque par l'intermédiaire du président Vaclav Havel, aujourd'hui décédé, ami commun du médecin et du chef spirituel.
Source : Jonathan Herchkovitch - le 20/08/2014 -
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/08/20/22709-ladaptation-tibetains-laltitude-est-unique-genetique