Les nouvelles drogues psychédéliques mortelles :
tout ce qu’il est bon de savoir sur les NBOMe.
12 juin 2017jeanyvesnau addictions, Conscience, Médecine, Médico-légal, Pharmacie, Police, Psychologie, Toxicomanies
https://jeanyvesnau.com/2017/06/12/nouvelles-drogues-psychedeliques-mortelles-tout-ce-quil-est-bon-de-savoir-sur-les-nbome/Bonjour
L’annonce de la mort, survenue il y a quelques jours à Paris, d’une jeune femme anglaise ayant consommé ce qu’elle pensait être de la cocaïne vient de mettre en lumière les dangers inhérents aux NBOMe, nouvelle catégorie de drogues de synthèse. Réunis sous l’égide de l’Agence nationale de sécurité du médicament les responsables sanitaires en charge de ce sujet ne découvrent pas le sujet. En témoigne le compte rendu de la séance du Comité technique des Centres d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance (CT022015043, séance du 17 septembre 2015).
Nous en donnons ici les principaux éléments.
Les composés NBOMe sont de nouvelles substances psychoactives de synthèse, de type phénéthylamines. Ils sont décrits comme de puissants hallucinogènes sérotoninergiques (récepteurs 5-HT2A). Vingt dérivés de type NBOMe ont déjà été identifiés au niveau européen.
Ces nouvelles drogues psychédéliques se présentent sous des formes galéniques variées : buvard, liquide, poudre, comprimé, gomme gélifiée. « Ils sont encore difficiles à détecter et à caractériser du fait de l’absence de tests de dépistage courant dédiés et l’absence de réaction croisée avec ceux existants, écrivaient alors les spécialistes. Leur identification nécessite des techniques chromatographiques avec une sensibilité élevée en raison de concentrations sanguines ou urinaires faibles : de l’ordre du ng/mL voire inférieures. »
Impressions de mort imminente
Ces spécialistes ajoutaient que dans les cas humains publiés, les voies d’administrations décrites sont les voies sublinguale/buccale, orale (controversée) et nasale ; les voies injectable, rectale ou vaginale sont décrites dans des « forums d’usagers ». Les doses annoncées sont très faibles, inférieures au milligramme, avec une marge étroite entre effets recherchés et surdosage. Les données relatives au délai d’apparition des signes cliniques ou à leur durée sont empiriques. A titre indicatif, le site Erowid mentionne les données suivantes : les effets hallucinogènes apparaîtraient dans les 15 minutes à 2 heures suivant une prise par voie sublinguale/buccale et durent 6 à 10 heures. Ils apparaîtraient dans les 5 à 20 minutes après une consommation par voie nasale pour une durée d’action de 4 à 10 heures.
A l’automne 2015 aucune étude chez l’animal, ni chez l’homme n’avait été publiée évaluant la toxicité aiguë ou chronique, ni le potentiel d’abus et de dépendance des NBOMe. Il était toutefois établi que les personnes intoxiquées présentent un toxidrome sympathomimétique et sérotoninergique avec un tableau associant des signes neuropsychiques (agitation, hallucinations, confusion, accès psychotique, convulsions…), neurovégétatifs (tachycardie et hypertension, mydriase, hyperthermie, hypersudation…) et musculaires (hyperréflexie/rigidité, clonies, tremblements…). Dans les cas sévères, on peut craindre un risque d’évolution vers une atteinte polyviscérale, voire le décès.
Des témoignages de patients alléguant la consommation de 25D-NBOMe, de 25E-NBOMe, de 25N-NBOMe ou encore de RH-34 sont disponibles sur des forums Internet et rapportent des effets négatifs à type de palpitations cardiaques, d’agitation, de tension musculaire ou encore de sensation de panique avec malaise et impression de mort imminente. Fin 2015 la littérature médicale rapportait cinq décès impliquant le 25I-NBOMe et sept décès liés aux 25B-NBOMe, 25C-NBOMe et 25H-NBOMe. Deux autres décès étaient rapportés par les centres antipoison nord-américains. Le compte rendu de la séance ajoutait toutefois :
« D’après les médias (presse locale/Internet) de langue anglaise, 45 décès impliquant un dérivé NBOMe (35 aux Etats-Unis, 6 au Royaume Uni et 4 en Australie) ont été rapportés entre 2012 et juin 2015. »
Confusion avec le LSD, la mescaline ou l’ecstasy
Depuis 2010, différents NBOMe ont été détectés dans quarante-huit pays (Amérique, Asie, Europe et Océanie). Une enquête en ligne (Global Drug Survey) menée en 2012 rapporte plus de 22 200 réponses, la majorité des participants (68,6 %) est de sexe masculin pour un âge moyen de 31,4 ans. 2,6 % ont déclaré avoir déjà consommé un NBOMe, contre 39,4 % du LSD et 43,1 % des champignons hallucinogènes. Le mode d’approvisionnement est Internet dans près de la moitié des cas. Le conditionnement et/ou la revente sur place peut ensuite être assuré par des tiers. Les NBOMe peuvent être proposés comme tels (avec toutefois possibilité de confusion entre les différents dérivés) ou encore annoncés comme d’autres produits d’abus, principalement le LSD ou la mescaline, mais également comme un dérivé 2C ou encore de l’ecstasy.
En France, six échantillons contenant un NBOMe ont été analysés par le dispositif SINTES (Système d’Identification National des Toxiques et Substances) en 2013 et 2014. Les douanes et la police ont déclaré en France cinq saisies de composés NBOMe en 2012, douze en 2013 et quinze en 2014.
Fin 2015, en Europe, plusieurs messages d’alerte précoce avaient été diffusés aux professionnels du secteur socio-sanitaire à propos de la circulation de buvards de 25I-NBOMe ou 25B-NBOMe (notamment en Belgique en 2013, 2014 et 2015). En France, des mises en garde sur la circulation et la dangerosité des dérivés NBOMe ont été relayées par des associations d’usagers. A la suite d’une évaluation des risques par l’OEDT, le Conseil de l’Union européenne avait décidé le 25 septembre 2014, de soumettre le 25I-NBOMe à des mesures de contrôle dans toute l’Union européenne.
En France, le 25I-NBOMe est inscrit sur la liste des stupéfiants depuis le 29 septembre 2015.