Alors qu'un rapport sur la façon d'améliorer la médecine de proximité pour combattre les déserts médicaux suscite la polémique avec une tarification à la carte, Nicolas Sarkozy se rend aujourd'hui dans le Calvados.
Comment lutter contre les déserts médicaux et obtenir une répartition harmonieuse des médecins généralistes sur l'ensemble du territoire, alors que 10 % des Français peinent à trouver un médecin près de chez eux selon une enquête du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) réalisée en octobre ?
Ce n'est pas la première fois que ce casse-tête se présente mais l'urgence semble désormais bien là avec le prochain départ en retraite de nombreux médecins. En Midi-Pyrénées par exemple 700 praticiens partiront à la retraite dans les dix ans qui viennent sans que l'on sache comment ils vont être remplacés…
Nicolas Sarkozy, qui effectue un déplacement aujourd'hui dans le Calvados, doit annoncer un certain nombre de mesures qui entreraient en vigueur dès 2011 pour améliorer l'exercice de la médecine générale, notamment en matière de formation, de rémunération ou d'aide à l'installation.
Pour prendre ses décisions, toujours très sensibles dès qu'il s'agit de santé publique, le chef de l'État dispose de deux rapports récents.
Le premier, réalisé par le Conseil national de l'ordre des médecins, est le 4e Atlas de la démographie médicale. « Cette année, les indicateurs montrent un écart croissant entre les médecins entrants (+1,8%) et sortants (+6,6%), soulevant des inquiétudes quant au renouvellement des effectifs des professionnels de santé », observe le Conseil.
« Parallèlement, le désintérêt pour l'exercice libéral se confirme.
[Et] l'augmentation du nombre de médecins remplaçants (10 006 soit 4,5 % des 261 378 médecins en France) illustre les craintes et les attentes des nouvelles générations dans le choix de ce mode exercice » Le second document dont dispose Nicolas Sarkozy est le rapport sur la médecine de proximité remis vendredi dernier par Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération Nationale des Établissements d'Hospitalisation à Domicile (FNEHAD).
Pour lutter contre les déserts médicaux, l'ancienne ministre de la Santé propose notamment une tarification à la carte, qui pourrait se traduire par des consultations facturées de 11 € pour une consultation sur internet jusqu'à 70 € pour des examens « difficiles » durant au moins une heure. Même si les syndicats de médecins généralistes ont réagi favorablement, cette mesure a d'ores et déjà suscité l'incompréhension des associations d'usagers comme la CLCV (lire ci-dessous). Le rapport Hubert préconise par ailleurs d'autres mesures « temporaires » pour les zones rurales désertées par les médecins comme installer de jeunes médecins sortis de l'internat dans des locaux de collectivités locales et mettre à la disposition des populations « des moyens de transport pour se rendre chez le médecin le plus proche. » Le rapport évoque aussi des mesures à 8-10 ans pour réformer les études médicales et développer la télémédecine.
Philippe Rioux - reportage
Labruguière, ils se regroupent pour attirer un jeune docteur
Labruguière, jolie petite ville de 6 000 habitants, aux portes de Castres et au pied de la Montagne noire tarnaise. Une commune qui offre un cadre de vie très agréable, loin du cliché du village rural perdu au fin fond de la campagne. Et pourtant, le docteur Michel Ser peine à trouver un repreneur pour sa nombreuse clientèle qu'il s'est constituée en 37 ans de carrière.
Du coup, ce médecin de 64 ans qui espère prendre sa retraite d'ici un an a lancé une opération séduction. Pour mettre toutes les chances de son côté, il a proposé à ses trois confrères exerçant à Labruguière de se regrouper dans un seul et même cabinet. Courant décembre, les quatre médecins généralistes recevront leurs patients dans un ancien garage de 200 m2 entièrement réaménagé avec trois salles d'attente et cinq cabinets.
D'autres professionnels de santé (infirmières, kinés, dentistes…) avaient été contactés pour intégrer cette maison « médicale » mais ont décliné l'offre. « J'ai initié ce projet pour rendre plus attrayant l'installation d'un jeune médecin, explique Michel Ser qui jusqu'à présent avait son cabinet chez lui. Car les jeunes ne veulent plus travailler seuls pour éviter de gérer les problèmes des gardes et des absences liées aux vacances. Ainsi avec ce regroupement, les patients trouveront toujours un médecin de 8h à 19h ».
Mais même en offrant ce « confort » de travail et une clientèle déjà toute faite dans une ville en plein boom démographique, Michel Ser n'est pas sûr de trouver un successeur. « Si on n'est pas dans la périphérie d'une grande ville on a du mal à trouver quelqu'un, confirme-t-il. La profession se féminise et les jeunes médecins sont souvent en couple.
Leurs conjoints travaillent déjà ou ont des difficultés à trouver un emploi sur place et pensent avoir plus d'opportunités dans les grandes villes. Du coup, ils sont moins mobiles. » Et Michel Ser, qui ne partira que quand « j'aurais trouvé quelqu'un pour éviter que mes confrères soient débordés », s'inquiète. Dans des communes alentours à Viviers-les-Montagnes ou à Saïx, des confrères sont partis à la retraite dernièrement sans trouver de repreneur. « Et même à Castres où 90 % des médecins ont plus de 50 ans, cela va être difficile ».
Brian Mendibure
Aide aux zones sous-médicaliséesSi le conseil national de l'ordre des médecins, dans son Atlas de la démographie médicale 2010, montre que Midi-Pyrénées dispose d'une moyenne de 327 médecins pour 10 000 habitants - donc plus que la moyenne nationale de 309 - il n'en demeure pas moins qu'il y a de très fortes disparités comme dans le Gers ou les Hautes-Pyrénées. Selon une étude de la Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques, la densité médicale en Midi-Pyrénées aura chuté de 22 % d'ici 2030 et les effectifs de personnels médicaux et paramédicaux doivent augmenter de 50 % d'ici 2013, pour répondre aux besoins.
338 communes en difficultés en Midi-Pyrénées
Face aux problèmes de pénurie en terme de démographie médicale et de personnels paramédicaux, la Région a mené une mission de Santé, qui a identifié 25 zones comme sous-médicalisées et 338 communes qui rencontrent déjà des difficultés pour recruter durablement des médecins. Depuis 2006, le conseil régional a donc lancé un plan pour ces zones qui comprend, entre autres, 13 Maisons de santé pluridisciplinaires (1,3 M€ d'investissements) ; une prime à l'installation de 8 000 € versée contre l'engagement d'exercer en zone sous-médicalisée durant 5 ans minimum ; des indemnités aux étudiants en médecine générale effectuant leur stage de 3e cycle en milieu rural.
En Aquitaine, « d'ici 2015, si rien n'est fait, c'est plus d'une centaine de cantons qui pourraient ne plus avoir de médecin, d'infirmière ou les deux à la fois », observe la Région, qui agit pour ces territoires en leur mettant à disposition des outils (étude démographique, guide méthodologique…) et en finançant « des projets proposés par les Pays et les communautés de communes. » De son côté, la région Languedoc-Roussillon appuie « la création de Maisons de Santé de Proximité regroupant les professions médicales » pour que les populations des zones menacées par la désertification médicale aient accès aux soins.
Ph. R.
« Tout pour le médecin, rien pour l'usager »Les propositions de l'ancienne ministre de la Santé Élisabeth Hubert dans son rapport sur la médecine de proximité a suscité de vives critiques parmi les associations de défense des usagers. « Tout pour le médecin, rien pour l'usager », lance la Confédération logement et cadre de vie (CLCV), qui dénonce cette tarification « à la carte ». « La CLCV, qui n'a pas été consultée par l'ancienne ministre, est défavorable à une mesure qui ne profitera qu'aux médecins puisqu'aucune contrepartie ne leur est demandée, et pèsera très lourd dans le budget des usagers, au risque de leur faire encore retarder des soins en nombre plus important », estime l'association, qui dénonce la perspective de la consultation à 70€. « Alors que l'Assurance maladie cherche désespérément à faire des économies, on l'imagine mal rembourser une consultation jusqu'à 70 euros. »
Les nouvelles mesures « ne les inciteront pas à couvrir équitablement le territoire français, et on peut douter qu'ils consacrent plus de temps à leurs clients en fonction de la durée de consultation », assure l'association qui déplore qu'« encore une fois, une telle mesure va faire reposer sur les usagers une charge supplémentaire, qu'ils paieront par une augmentation du tarif de leur mutuelle, et qui mettra ces mutuelles encore plus inaccessibles pour nombre d'entre eux. »
Le chiffre : 70 euros > la consultation.
Tel est le montant le plus élevé que propose le rapport Hubert pour « une consultation longue et difficile » d'environ une heure. La tarification à la carte est l'une des pistes pour lutter contre les déserts médicaux.
La phrase :
« L'augmentation du nombre de médecins remplaçants illustre les craintes et les attentes des nouvelles générations ». Le Conseil national de l'ordre des médecins qui a dévoilé la semaine passée son 4e Atlas de la démographie médicale.
Code de la santé publique * Partie législative
o Sixième partie : Établissements et services de santé
+ Livre III : Aide médicale urgente, permanence des soins, transports sanitaires, télémédecine et autres services de santé
# Titre Ier : Aide médicale urgente, permanence des soins, télémédecine et transports sanitaires.
Chapitre VI : Télémédecine
Article L6316-1 - Créé par LOI n°2009-879 du 21 juillet 2009 - art. 78
La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au patient.
Elle permet d'établir un diagnostic, d'assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d'effectuer une surveillance de l'état des patients.
La définition des actes de télémédecine ainsi que leurs conditions de mise en œuvre et de prise en charge financière sont fixées par décret, en tenant compte des déficiences de l'offre de soins dues à l'insularité et l'enclavement géographique.