Pokemon Go ... pour ou contre ?
Des voix s'élèvent contre l'utilisation faîte de l'application à la mode «Pokemon Go» notamment au volant.
Aux États-Unis, des procès judiciaires sont déjà lancés contre le jeu.
On compte désormais près de six millions d'utilisateurs du jeu sur smartphones Pokemon Go.
Au-delà de l'addiction que semble créer cette nouvelle application, de plus en plus de voix s'élèvent sur les risques parfois insensés que prennent les joueurs chasseurs, notamment au volant. Hier, l'association 40 millions d'automobilistes a chiffré à 3,4 millions de Français qui jouent tout en conduisant.
Un vrai danger sur les routes qui pointe l'application Pokemon Go comme un potentiel responsable de l'accidentologie. La gendarmerie nationale a même dû twitter en guise de prévention : «Conducteurs, ne jouez pas à #PokemonGo» !
Dans l'Aisne, une "dresseuse" a perdu le contrôle de son véhicule sur l'autoroute alors qu'elle tentait d'attraper un de ces personnages virtuels. A Besançon, un jeune homme de 22 ans percutait un muret avant d'admettre face à la police qu'il était alors en pleine chasse.
"Cette application en réalité augmentée transforme la route et la rue en un immense terrain de jeu sans se soucier du danger que cela représente", souligne Christophe Ramond, le directeur études et recherches de l'association Prévention routière. Partout dans le monde, les autorités multiplient les messages de prévention. "L'autoroute n'est pas une arène"
"Don't Pokemon and drive", préconisent certains panneaux lumineux au bord des routes américaines. En France, la SANEF rappelle que l’usage du téléphone au volant multiplie le risque d’accident par 5 et que l'inattention a engendré 16% des accidents mortels en 2015. La distraction la plus commune est l’utilisation du téléphone au volant.
Le groupe autoroutier conseille de faire une pause sur une aire d'autoroute si l'on souhaite jouer. Ses réseaux en compte une toutes les dix minutes en moyenne. S’il n’y a quasiment pas de Pokemon sur l’autoroute, il y a peut-être des arènes et des Pokestop sur les aires.
Dresseur ou conducteur, il faut choisir
Lors de ces pauses, soyez vigilants et restez sur les espaces exclusivement réservés aux piétons. Par ailleurs, pensez à vos enfants qui, les yeux rivés à leurs écrans, pourraient ne pas voir un véhicule arriver. De retour derrière votre volant, n’oubliez pas : dresseur ou conducteur, il faut choisir !
Au-delà des risques routiers, des associations s'inquiètent non seulement de l'addiction que provoque le jeu mais aussi du coût de la capture de petits monstres (les Pokémon). En effet si l'application est bien gratuite au téléchargement, l'UFC Que Choisir vient d'alerter sur les achats supplémentaires qui peuvent alourdir la facture. Les achats «in-app» qui aident le joueur à progresser peuvent coûter de 0,99 € pour un lot de 100 Poképièces en passant par 4,99 € et jusqu'à 99,99 € pour 14 500 pièces.
Par ailleurs, les échanges de données nécessaires pour jouer à Pokemon Go sont estimés à 250 Mega octet par mois pour les joueurs assidus. Il vaut mieux disposer d'un forfait adapté afin d'éviter toute surprise à la facturation par l'opérateur.
Si le réalisateur américain Oliver Stone a qualifié le jeu de «totalitaire» en raison du manque de confidentialité, l'UFC Que choisir sans aller jusque-là a rappelé l'intrusion numérique de Pokemon Go dans la vie des joueurs.
En effet, il est nécessaire de créer un compte ou bien de se connecter avec son compte Facebook ou Google. Les sociétés éditrices Nintendo et Niantic accèdent alors aux noms, prénoms, e-mail, numéro de téléphone, adresse IP et au numéro d'identification du téléphone. Autant de données marketing qui peuvent se transformer en mine d'or pour les firmes logicielles.
Par ailleurs, la politique de confidentialité prévient que la plateforme peut récupérer votre âge, sexe et localisation pour pouvoir envoyer des publicités ciblées. Autre problème : un Américain du New Jersey vient de porter plainte contre Nintendo car depuis le lancement de l'application des dizaines de joueurs pénètrent dans son jardin pour capturer des créatures. D'autres plaignants se sont regroupés en class action et réclament déjà 5 M$ de dommages et intérêts.
«Arrêtons de voir le verre Pokemon à moitié vide.»
Laurence Allard, Sociologue de l'innovation et ethnographe des usages des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Le jeu Pokemon Go n'est-il pas en train de visser un peu plus la jeunesse à son smartphone ?
Il faut en finir avec cette critique stérile est récurrente du numérique. Certes l'image que l'on retient est celle du jeune qui déambule aléatoirement, l'œil rivé sur l'écran de son téléphone. Mais du numérique découle surtout une pratique communautaire, celle de l'échange et de la coopération !
Comme pour l'imprimerie ou le cinéma, le discours de panique moral et de subversion de la jeunesse est inévitable.
Peut-on comparer une simple application à un livre ou un film ?
Bien sûr ! C'est juste un tube de l'été, ultra-populaire, au même titre que ceux des années quatre-vingt voire mai 68. Tout média de masse commence par poser question à la société. Et cette simple application à des effets positifs et directs ! L'espace géographique de la socialisation du jeune a été divisé par trois en quarante ans. Désormais c'est depuis sa chambre d'ado, en invitant des amis ou par internet que le jeune discute, échange et se socialise. Pokemon Go les lance au dehors.
L'apport pédagogique est assez minime…
Mais depuis combien de temps n'avions-nous pas vu de cohortes de jeunes dans les parcs ? (mais qu'y voient ils ?) Ils se réapproprient la cité, ils redécouvrent leur propre ville ! (pas sur ? )
Je rejette aussi l'idée que ce jeu abrutirait la jeunesse, ou la rendrait plus individualiste. Ses adeptes jouent à plusieurs, ils discutent, échangent, entre amis (de quoi...? ) comme avec les jeunes touristes. Ils s'observent, et s'analysent ensuite par retour sur eux-mêmes. Pas sûr que la télévision nous rende si actifs !
À chaque jour son lot de dresseurs Pokemon inconscients. Un simple jeu mérite-il autant de folie ?
Toute nouvelle mode sociale s'exprime d'abord de manière brute et désordonnée, avant de se civiliser. L'automobile a eu ses premiers chauffards. Dans les années quatre-vingt-dix, quand le téléphone portable s'est démocratisé, les gens parlaient fort, téléphonaient n'importe où (hélas ça a peut changé !! ). Puis il y a eu des campagnes de sensibilisation, notamment dans les transports en commun. Il y a toujours un temps d'adaptation où les premiers pratiquants peuvent être très bruts dans leur utilisation. Oui les dresseurs sur smartphone doivent rester mesurés. Mais la génération de leurs parents doit aussi comprendre que le numérique n'enferme pas. Il ouvre différemment aux autres.»
«Les joueurs doivent être responsables !»
Pierre Chasseray, Délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes... Comment savez-vous que 3,4 millions de conducteurs jouent à Pokemon au volant ?
Nous avons tout simplement croisé différentes données : celles du nombre d'utilisateurs de l'application en France soit près de six millions et celles issues d'un récent sondage au cours duquel 56 % des joueurs déclaraient jouer au volant.
L'application Pokemon Go est-elle en soi dangereuse ?
Attention, notre association ne met pas en cause l'application Pokemon Go mais plutôt l'utilisation qui en est faite par les joueurs !
En soi, l'application n'a rien de dangereux c'est la conjugaison du jeu et la conduite qui est un cocktail à proscrire. Le message que nous envoyons est clair : quand on est derrière son volant, on ne joue pas à Pokemon, pas plus qu'on ne téléphone. L'utilisation d'une application au volant est éminemment dangereuse car elle incite le joueur à quitter la route des yeux. L'impact sur nos routes est déjà négatif en terme d'accidentalité. Ce n'est pas parce que le jeu cartonne que l'on va accepter que ça cartonne aussi sur les routes.
Comment avez-vous obtenu qu'un message de mise en garde soit rendu obligatoire sur l'application ?
Nous avons saisi la Pokemon Company pour leur demander d'afficher systématiquement un message à l'ouverture du jeu appelant les utilisateurs à ne pas jouer au volant. Une mise à jour obligatoire a donc permis d'afficher depuis aujourd'hui (NDLR : jeudi) ce message.
La technologie permet de détecter les utilisateurs qui jouent en roulant. Ne doit-on pas bloquer leur partie ?
C'est vrai qu'avec le GPS embarqué dans les smartphones, la technologie permettrait de bloquer des joueurs qui se déplacent à des vitesses qui ne sont pas celles d'un piéton. Mais nous n'y sommes pas favorables car on peut imaginer que des enfants assis à l'arrière d'un véhicule jouent alors que les parents conduisent. Nous sommes contre toute mesure de répression. Il faut sensibiliser les joueurs qui doivent être responsables... hélas beaucoup y sont imperméable à toute éducation !
Le positionnement de personnages à capturer ne pose-t-il pas un problème ?
Effectivement, positionner des personnages à capturer à proximité immédiate voire sur une autoroute est à bannir. Nous allons là encore démarcher la Pokemon Company pour mettre fin à ce qui peut conduire à des pratiques dangereuses comme un arrêt sur la bande d'arrêt d'urgence. C'est aux fans de Pokemon de savoir se fixer des limites et de prendre conscience des risques.