Auteur Sujet: Attentats et SAMU : le dr Bonnot en colère  (Lu 3303 fois)

0 Membres et 1 Invité sur ce sujet

Hors ligne intense

  • Excellente participation
  • ****
  • Messages: 863
  • Sexe: Homme
Attentats et SAMU : le dr Bonnot en colère
« le: 20 novembre 2015, 03:34:55 »
Riverain de deux restaurants cibles, vendredi soir, de fusillades, le Dr Michel Bonnot s'est précipité sur les lieux vendredi soir et s'est trouvé bien démuni, même après l'arrivée des pompiers.

Il a fait parvenir son témoignage au « Quotidien ». Le voici :
citation : « Je suis anesthésiste–réanimateur et il se trouve que j’ai une grande expérience des blessures de guerre. J’habite à quelques dizaines de mètre de la rue de la Fontaine au Roy. J’ai tout de suite reconnu le staccato des fusils d'assaut et sans perdre une minute je me suis précipité pour porter secours. La Casa Nostra n’avait pas encore été attaquée et 4 corps gisaient à la terrasse de la « Bonne Bière ». Je découvrirai les autres corps et blessés à l'intérieur plus tard. Les deux hommes étaient morts. Sans appel. Deux jeunes femmes agonisaient. Avec un sapeur en civil nous avons essayé de réanimer la première. Massage, bouche à bouche… L'autre allongée sur le côté respirait et parlait à faible voix... J'ai pensé qu’elle allait s’en sortir seule.citation"

citation : "Que le temps a semblé long d’attendre l’arrivée des camions de sapeur ! 20 minutes c’est une éternité ! J’ai demandé d’urgence le renfort du médecin. Il n’y en avait pas. Le brigadier m’a dit que le SAMU arrivait. Alors j’ai demandé du matériel pour commencer le déchocage de la petite : pour la perfuser et l'intuber afin de la mettre sous assistance cardio-respiratoire. Il n’y avait rien ! Seulement de l’oxygène, des couvertures de survie et des garrots pour les membres. Même pas de morphine pour les blessés qui hurlaient de douleurs ! La petite a alors lâché et est partie entre mes mains… La fusillade à la Casa Nostra a commencé et il a fallu en catastrophe se replier à quatre pattes dans la brasserie en tirant les corps des morts et des blessés graves dans les éclats de verre et le sang comme des sacs de pommes de terre.citation"

citation : "La deuxième jeune femme a commencé à sombrer… nous l’avons massée et ventilée au masque … en vain elle est partie aussi… Que pouvions-nous faire de plus avec seulement de l’oxygène ! Alors on a empilé son corps sur ceux des autres, à coté du bar… cela m a rappelé les charniers en Bosnie.citation"

citation : "Monsieur Pelloux, inutile de faire de la gloriole sur notre système de secours et de jouer au héros. Je n’ai jamais vu arriver vos camions qui étaient tous concentrés Place de la République ou il n’y avait pas grand-chose et pas encore l’attaque du Bataclan.citation"

citation : "Et en résumé, je dirais que tous les blessés graves de la Fontaine au Roy sont morts. Certains auraient pu être sauvés. Seuls les blessés légers (balles dans les jambes ou bras) sont survivants. Pas de quoi pavoiser. Et guère mieux que les secours de la guerre de 14-18 il y a plus d’un siècle ! Nous n’avons pas assez de moyens de SAMU, allez vous me répondre ! Alors pourquoi ne pas donner aux véhicules de sapeur pompier une trousse d’urgence et de réanimation en dotation, avec morphine et perfusions, afin que des les médecins présents sur les lieux des attentas puissent faire leur travail. Fini le temps ou les secours devaient transporter des entorses ou des malaises cardiaques… maintenant il convient de véhiculer des corps affreusement mutilés par des blessures de guerre. Cela ne s’improvise pas ! Il faut tout repenser. »citation"

http://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2015/11/15/pour-le-dr-bonnot-intervenu-la-bonne-biere-certains-blesses-auraient-pu-etre-sauves-_780646

Hors ligne intense

  • Excellente participation
  • ****
  • Messages: 863
  • Sexe: Homme
Re : Attentats et SAMU : le dr Bonnot en colère
« Réponse #1 le: 20 novembre 2015, 03:44:42 »
Bonjour :)

Peut-on mieux faire dans ce genre de situation, je ne sais pas honnêtement n'étant pas un spécialiste de ce genre de cas. Les SAMU sont préparés disent les médecins.
Mais au-dela de ça, notre système est-il le plus efficient dans ce genre de situation ? C'est une vraie question. Peut-être est-ce cela que le dr pose comme question maladroitement en parlant de la limite d'action des ambulances BLS de premier niveau.

D'ailleurs je serais curieux de voir comment sont organisés les secours étrangers sur des situations à multiples victimes. Peut-être de la même manière ?

Hors ligne Jeano 11

  • Administrateur
  • *****
  • Messages: 7064
  • Sexe: Homme
  • Retraité
Re : Attentats et SAMU : le dr Bonnot en colère
« Réponse #2 le: 24 juin 2016, 18:00:32 »
Le premier médecin arrivé, en voisin, à la brasserie La Belle Equipe raconte :

Le Dr Stéphane Chicheportiche a son cabinet de généraliste au 55 de la rue de Charonne, à une centaine de mètres de la brasserie La Belle Equipe. Il raconte au « Quotidien » :
citation : « Vendredi, peu après 21 h 30, un ami me téléphone pour me dire qu’il vient d’entendre des tirs automatiques. J’étais sur place quelques minutes plus tard. Ce que j’ai vu est indescriptible, une scène d’horreur totale. J’ai beau avoir l’expérience de situations ultra violentes et des urgences absolues, ayant fait six ans à la BSPP (Brigade des sapeurs pompiers de Paris) et quinze ans de SAMU dans les Hauts-de-Seine, je me suis trouvé totalement démuni. J’ai tenté de garder mon sang froid. Mais comment intervenir sans matériel de secours ? Vous êtes comme un plombier sans ses outils. Après un pré-tri ultra rapide, tout ce que j’ai pu tenter, ce sont des points de compression sur des personnes qui saignaient abondamment. J’ai tenté d’arrêter des hémorragies comme j’ai pu. Et puis les premières sirènes ont retenti très vite. Les pompiers et les équipes du SAMU se sont précipitées. »citation"

citation « C’est comme si mon expérience de vingt ans d’urgentiste ne m’avait pas préparé à ça,citation"

commente le Dr Chicheportiche, qui est encore PH dans un service d’urgence, en plus de son activité libérale.

citation "Quand vous êtes missionné dans une structure et que vous débarquez sur une scène violente, vous êtes mentalement protégé par votre fonction, c’est le job. Mais là, j’étais en quelque sorte comme chez moi. C’est à la Belle Equipe que je prends tous mes déjeuners avec mon épouse, dont le cabinet de psychologue se trouve aussi à proximité. Les serveurs sont des amis. Aujourd’hui, je suis… assez perturbé. »

citation : La voix du généraliste urgentiste s’est nouée. Brisée. Ce dimanche matin, il part chez un patient qu’il avait reçu vendredi après-midi. « Il était au Bataclan. Il m’a appelé pour me dire qu’il avait besoin de me voir. »

Hors ligne Jeano 11

  • Administrateur
  • *****
  • Messages: 7064
  • Sexe: Homme
  • Retraité
Re : Attentats et SAMU : le dr Bonnot en colère
« Réponse #3 le: 24 juin 2016, 18:02:11 »
Après sa nuit d'attentats aux urgences, un interne témoigne :
« Quand on aime, on compte. Les uns sur les autres »

Ce récit a pour but de rendre hommage aux confrères et consœurs de l’ombre, qui hier soir, parmi toute la pagaille et les patients ensanglantés, ont réchauffé mon cœur.

Jeune interne, je rentre le vendredi soir pour trouver les mauvaises nouvelles. À l’annonce de la prise d’otage, je sais ce qui va suivre – un afflux important de blessés.

Je me rends donc dans le service d’urgences le plus proche vers minuit : brancarder un patient, voir les urgences « habituelles »… en gros vider le service en attendant d’avoir des nouvelles du coeur de Paris.

C’est là que l’annonce du raid est donnée, que tout le monde s’organise en binômes, en attente de patients, car tout une vague de patients va arriver.

Entre temps, un grand nombre de collègues ont eu la même idée : généralistes, spécialistes, hospitaliers comme libéraux, internes et externes des hôpitaux, se ruent pour aider l’équipe de garde. J’y retrouve des camarades de la faculté, cela redonne un boost énorme au moral. Chacun selon ses moyens, ses connaissances, ses réflexes, nous travaillons, quasiment dans le silence, simplement quelques cris lancés pour un bilan, pour une radio, pour un transfert… Personne n’a jamais fait face à une telle crise, et malgré cela, tout le monde est là et travaille.

On ne connaît même pas nos prénoms, seulement celui de son binôme, et on se serre les coudes. On fait face à l’afflux de plaies par balle. Le patron est là, organise, dirige, surveille le bon déroulement, encourage les équipes. On nous ramène un pack d’eau pour respirer une minute.

Et puis, d’un coup, il est 5 heures du matin, les patients ont été triés, orientés, suturés, rassurés. Et les urgences se vident. Tout le monde est reparti, il n’y aura pas d’autre vague de blessés, les chirurgiens opèrent, les lits dans les étages sont prêts. Les infirmiers, les aide-soignants, les brancardiers, les cadres, auront fait preuve d’une efficacité à couper le souffle, sans broncher, sans s’arrêter. Le plan blanc fonctionne.

Merci de tout mon coeur à cette équipe naturelle qui s’est formée, sans mots, sans se remercier à la fin, sans débriefer. Tout le monde est parti et je n’ai pas même pu leur serrer la main.

Merci à ces médecins hommes et femmes, courageux de la nuit, anonymes qui dans l’ombre ont tenté de limiter les dégâts. Se sentir utile direz-vous ?
Pas tant que ça. Soigner un carnage qui n’aurait jamais dû avoir lieu, évitable, pas de quoi être fier.
Se sentir unis ? Ah, ça oui.... Comme jamais.  :)