Après une première intervention sur les dangers d’Internet, Céline Cuvillier, gendarme à la brigade de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ), est revenue ce jeudi matin au centre d’éducation des jeunes sourds d’Arras, rue des Augustines, pour parler citoyenneté et justice des mineurs.
En langue des signes, la gendarme a rappelé pourquoi la loi interdit certaines choses, et expliqué comment se répartissaient les actes délictueux (infractions, délits, crimes...), tout en indiquant les peines encourues. Céline Cuvillier s’adressait à plusieurs élèves de classe de quatrième, section « pré-professionnalisation », l’équivalent de la SEGPA dans l’éducation nationale.
D’autres gendarmes de la BPDJ sont actuellement en formation en langue des signes pour faire de cette unité la première en France intégralement formée.
Garantir l’égalité des droits
À force de multiplier les démarches, le capitaine Petit a décroché une subvention de la part de la Fondation de France, évaluée à 23 600 €. Les gendarmes suivent une formation de huit modules, soit huit semaines (cent vingt heures). L’objectif est de multiplier les interventions au CEJS, structure qui accueille quelque 270 enfants. Et surtout garantir l’égalité des droits des sourds, pas toujours bien informés.
Hier les gendarmes Bourbon, Dupont et Petit en étaient à la moitié de leur formation. Des formations en décalé, réalisées en période de vacances scolaires, pour ne pas perturber le fonctionnement de la BPDJ. « Ils sont très motivés, ils posent beaucoup de questions, je suis aussi très à l’affût de ce qu’ils disent, je profite de leur présence, confie Carmen Flament, la formatrice. Par exemple je leur ai posé des questions sur l’obligation d’avoir un gilet fluo dans la voiture, je ne savais pas s’il en fallait plusieurs ou pas. »
Ce qu’en pensent les gendarmes :
Le capitaine Petit : « la grosse difficulté arrive »
« C’est comme un langue, il faut apprendre le vocabulaire, c’est beaucoup de mots, il faut réviser. La grosse difficulté qui arrive, c’est la syntaxe, la grammaire, la place des mots dans les phrases, surtout quand on mélange plusieurs actions. Mais le milieu est très sympa. À terme, ce n’est pas le tout d’avoir cette formation, il faut aussi pratiquer. On a la chance d’avoir l’école des jeunes sourds à Arras. On voudrait y faire plus de formations, notamment en sécurité routière. »
Le gendarme Anthony Dupont : « pas de ridicule, au contraire ! »
« Il y a une super ambiance, l’accueil est familial, c’est la pédagogie qui est importante. Je n’y connaissais rien du tout. On y a passé beaucoup de temps. On ne se prend pas au sérieux, il n’y a pas de ridicule, bien au contraire. Je suis formateur anti-drogues. Il y avait une frustration car la formation était traduite, et donc pas directe. J’ai été surpris des questions très pertinentes des jeunes. Je tire mon chapeau aux interprètes. Mais c’est aussi à nous, service public, de faire l’effort ».
David Lobry, président de l’association Trèfle : «La société s’ouvre un peu aux sourds»
Cela vous touche de voir des gendarmes en formation ?
« On est content. C’est un accès supplémentaire pour les sourds à l’information, aux droits. On forme aussi des professeurs pour sourds, des éducateurs, c’est important d’aller vers les sourds. »
Est-ce un signe encourageant ?
« Cela montre que la société s’ouvre un peu. Il y a dix ans, c’était inenvisageable, la langue des signes n’était pas reconnue. On parlait de langage des signes. C’est la première fois qu’on voit des gendarmes se former en tant que gendarmes. Cela serait bien que la police ou d’autres administrations publiques soient formées. On a déjà eu quelqu’un de la Caisse d’allocations familiales. On a aussi des démarches d’entreprises, parfois à but mercantile, mais c’est de plus en plus fréquent. »
Y a-t-il des règles quand on est interprète ?
« Il y a une déontologie. Il faut être neutre, ne pas donner son avis. S’il y a un lapsus, il doit être traduit. Le deuxième principe, c’est le secret professionnel, comme les avocats, les médecins. Le troisième, c’est la fidélité. On traduit tout, on ne doit pas simplifier ou enlever des propos parce qu’on les juge pas intéressants. Cela serait inconcevable de ne pas traduire l’intégralité des propos d’Obama. »
Source
http://www.lavoixdunord.fr/region/arras-intervention-des-gendarmes-en-langue-des-signes-ia29b0n2748975