Dirigée par deux femmes, la compagnie de gendarmerie de Riom fait figure d’exception, dans un corps de métier où la féminisation stagne à 18 %.
Stéphanie Serrat, commandant la compagnie de gendarmerie de Riom, et Marielle Méténier, son adjointe, sont des femmes dans l'air du temps.
Mères de famille, sportives, et toujours opérationnelles, elles incarnent deux modèles de réussite et de persévérance dans un milieu à fort taux de testostérone…
Vous vous prédestiniez à devenir gendarme ?
• Stéphanie Serrat : Petite, je voulais être hôtesse de l'air ou pilote de chasse. Mais comme j'ai peur de l'avion… Après le bac, je me suis orientée dans le droit. J'ai eu un coup de cœur pour la procédure judiciaire. Cet attrait, et une éducation stricte, m'ont conduite au métier de gendarme.
• Marielle Méténier : Je me destinais à être ingénieur chimiste. J'étais logée chez un mamie qui habitait à côté d'une caserne à Montluçon. Le métier de gendarme a fait son chemin… Je suis très sportive (championne de France cycliste de la gendarmerie en 2007) et j'ai été élevée dans une famille nombreuse, où la discipline régnait : le côté militaire m'a attirée.
Votre binôme, 100 % féminin, est exceptionnel dans ce milieu ?
• Stéphanie Serrat : Oui, une compagnie dirigée par deux femmes est une exception !
Quelle est la force de votre binôme ?
• Stéphanie Serrat : Nous sommes très complémentaires. Je suis passée par l'université, ce qui m'a permis de me spécialiser sur la stratégie de la sécurité, l'analyse de la délinquance, la pédagogie. J'ai aussi essuyé les mêmes bancs que les magistrats. Cela me donne une ouverture sur l'extérieur.
• Marielle Méténier : Je suis militaire de formation. J'apporte mon expérience de terrain. J'ai travaillé dans deux unités judiciaires, j'ai été deux fois commandant d'une communauté de brigades, j'ai aussi une expérience d'État-major… La combinaison de nos qualités fait notre force.
Comment expliquez-vous que ce métier ne soit pas plus féminisé ?
• Stéphanie Serrat : Il existait un quota fixé à 5 % d'officiers féminins. Ce seuil a été abandonné. Depuis 2002, le recrutement universitaire à bac + 5 a ouvert des portes. J'en suis issue. Les contraintes physiques, familiales, de mobilité tous les quatre ans attirent peu les femmes.
• Marielle Méténier : L'entrée des femmes sous-officier en gendarmerie date de 1983. C'est assez récent. Dans ma promotion de sous-officier en 1987, nous étions 22 femmes sur 124. Aujourd'hui, il en reste 8 en service. Il y a beaucoup d'abandons.
Difficile de concilier vos métiers et vos vies de famille ?
• Stéphanie Serrat : Comme dans tous les couples, on doit faire des concessions. On avance à tour de rôle dans nos carrières. On ne peut pas être un bon pro sans avoir une vie de famille équilibrée, et inversement. Il faut être impérativement un couple moderne. Je suis partie en détachement quand mon fils avait 7 mois. Son papa a pris le relais.
• Marielle Méténier : Nous sommes toutes les deux mariées à des gendarmes. De mon côté, je le suis depuis 30 ans… Tout est lié, le bonheur se trouve dans un équilibre entre travail et famille.
Ressentez-vous du machisme dans une institution majoritairement masculine ?
• Stéphanie Serrat : Lors de l'oral de recrutement, on m'a demandé si je voulais des enfants et comment j'organiserai ma vie… Je ne pense pas que l'on pose ces questions aux hommes. Encore aujourd'hui, il arrive que l'on me demande si je m'en sors avec mon fils… Étonnamment, on ne pose jamais la question à mon mari qui est gendarme (elle sourit). Il faut avoir du caractère pour réussir, des idées et des arguments pour les défendre.
• Marielle Méténier : J'ai été major de ma promo en 1987 ; il a fallu se battre. Je fais partie des premières femmes officiers de rang, et je ne raconterais pas mon oral à Melun… Cela m'a forgé le caractère. Sans parler de machisme, une femme est beaucoup plus observée. Elle doit convaincre deux fois plus qu'un homme au même poste. Plus on monte en grade, plus la pression monte, car il y a seulement 5 % de femmes officiers !
Gendarme, un métier d'homme ?
• Stéphanie Serrat : Oui, c'est un métier d'homme, avec un grand H, car il faut aimer l'Humain. C'est aussi un métier d'armes. Il ne faut donc pas avoir peur de se salir. Je n'ai pas été élevée en petite fille dans une robe blanche. J'allais plutôt à la pêche, je regardais la formule 1 à la télé et j'étais casse-cou.
• Marielle Méténier : Dans l'armée, il n'y a pas de sexe, il n'y a que des militaires. Il ne faut pas avoir peur de se casser un ongle c'est sûr. On n'est pas des potiches. Ce qui ne nous empêche pas du tout d'être féminines en dehors. Attention, l'habit ne fait pas le moine… (elle rit).
Les femmes ont-elles un petit plus ?
• Stéphanie Serrat : J'ai connu des femmes tyrans et des hommes trop gentils. Il n'y a pas de règle. La vraie richesse c'est d'avoir des hommes et des femmes.
• Marielle Méténier : Si le chef est compétent, il est bon ! Peut-être avons-nous un tout petit avantage en matière de psychologie (elles sourient, complices).
Votre conseil aux jeunes filles qui souhaiteraient devenir gendarme ?
• Stéphanie Serrat : C'est passionnant ! Notre cœur de métier qui est l'assistance aux autres est diversifié, exigeant, mais très épanouissant.
• Marielle Méténier : On ne connaît pas la routine. On s'investit beaucoup, mais on reçoit en retour. Il nous arrive même d'être remerciées dans les avis d'obsèques. C'est dire...
Source : Carole Eon-Groslier
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