Haute-Savoie : en patrouille avec le PGHM de Chamonix sur la voie normale du mont Blanc
Afin de protéger un site exceptionnel devenu victime de sa fréquentation, un Arrêté de protection des habitats naturels (APHN) sur le site du mont Blanc est entré en vigueur en octobre 2020. Aux côtés d’agents municipaux de la ville de Saint-Gervais-les-Bains, les militaires du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix-Mont-Blanc sont chargés de le faire respecter, tout en menant sur les sentiers des missions de surveillance, de contact et de prévention. Reportage en altitude.
Il est un peu plus de 7 heures du matin au départ du téléphérique de Bellevue. Les usagers sont déjà nombreux à s’engouffrer dans la première benne du jour. Cinq minutes plus tard, les voici arrivés sur le plateau, à 1 800 mètres d’altitude. De là, ils récupèrent le Tramway du Mont Blanc (TMB) qui monte jusqu’au Nid d’Aigle pendant l’été, point de départ de l’ascension par la célèbre voie normale.
Parmi les passagers, deux gendarmes : le maréchal des logis-chef (MDC) Samuel, du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix-Mont-Blanc, et le major de réserve Jacques, ancien du PGHM et du Centre national d'instruction de ski et d'alpinisme de la gendarmerie (CNISAG). Ils y retrouvent Philippe, agent municipal de la ville de Saint-Gervais-les-Bains, également ancien militaire en PGHM, à la tête désormais de la brigade blanche, service créé par la mairie pour réguler l’accès au mont Blanc.
Onze missions de trois jours pendant l’été
Flash-back. Avant 2020, le mont Blanc était, selon les points de vue, un espace de liberté absolue ou une zone de non-droit. Le résultat étant le même : il y régnait une forme d’anarchie, avec des ribambelles de tentes installées pour la saison, formant un camping qui ne disait pas son nom, et générant de nombreux déchets. En poussant la porte des refuges, le général De Gaulle aurait sans doute parlé de chienlit. Ceux qui avaient des réservations découvraient en arrivant que tous les lits des dortoirs étaient déjà occupés, et ceux qui voulaient prendre un petit-déjeuner avant d’attaquer l’ascension devaient composer avec les alpinistes… dormant sur les tables ! Des situations qui pouvaient causer quelques tensions. Sans parler des bouquetins, marmottes, choucas et autres lagopèdes, passablement perturbés par cette fréquentation digne du métro aux heures de pointe.
Le point de non-retour était atteint en septembre 2019, quand un ancien membre des Royal commandos anglais eut la riche idée de gravir le sommet avec… un appareil de musculation de 26 kg sur le dos. Épuisé, le dénommé Matthew Disney, qui en raison de son patronyme devait confondre la montagne avec un parc d’attractions, avait fini par abandonner son rameur… à 4 362 mètres d'altitude ! La Grande-Bretagne avait dû s’excuser, et l'association des vétérans britanniques avait proposé d'indemniser la commune de Saint-Gervais-les-Bains pour le rapatriement du matériel en hélicoptère.
Interpellé à ce sujet par l’édile, le président de la République, Emmanuel Macron, avait annoncé, lors de sa visite officielle à Chamonix-Mont-Blanc et Saint-Gervais-les-Bains, les 12 et 13 février 2020, la création d’un Arrêté de protection des habitats naturels (APHN) sur le site du mont Blanc, qui est entré en vigueur en octobre 2020. C’est cet arrêté que sont chargés de faire respecter les membres de la brigade blanche, seuls ou avec le renfort des gendarmes du PGHM. Ces derniers effectuent en effet, à tour de rôle, pendant la saison estivale, onze missions de trois jours sur la voie normale.
« S’il y a bien un endroit où nous devons être, c’est celui-là, estime le chef d’escadron Étienne Rolland, commandant du PGHM de Chamonix-Mont-Blanc. Notre mission va bien au-delà du cadre de l’APHN, qui consiste essentiellement à vérifier que les ascensionnistes disposent d’une réservation en refuge et qu’ils adoptent un comportement et un équipement respectueux de la réglementation en vigueur. Notre rôle est aussi de faire du contact et de la prévention auprès des pratiquants et des professionnels de la montagne, les guides et les gardiens de refuge. C’est une mission de surveillance générale qui nous permet de recueillir des informations précises sur les conditions du moment et le niveau de fréquentation de la voie normale du mont Blanc. Cela nous permet également d’être sur place en cas d’accident, pour alerter précocement et faciliter l’arrivée de l’équipe de secours médicalisée en cas de besoin. »
Sans réservation ou sans équipement d’alpinisme… Demi-tour !
Depuis l’arrêté, la donne a donc changé. Finis les bivouacs, auparavant autorisés du coucher au lever du soleil. Désormais, pour monter au sommet, il faut une réservation dans l’un des deux refuges, celui du Goûter ou celui de Tête Rousse. Dans le cas contraire, demi-tour ! Demi-tour aussi, pour des raisons évidentes de sécurité, pour ceux qui voudraient s’attaquer au mont Blanc en baskets, sans casque, sans corde, sans piolet, sans baudrier…
Et le refuge Vallot, à plus de 4 300 mètres d’altitude, a aussi pu retrouver sa vocation d’abri de secours pour les alpinistes en détresse. « Avant l’arrêté, les gens dormaient là-bas, et c’était un vrai dépotoir, rappelle le major Jacques, qui connaît la voie normale comme sa poche. Or, Vallot est destiné uniquement à accueillir les alpinistes en difficulté, épuisés ou atteints du mal des montagnes. La cordée peut ainsi se séparer et les récupérer au retour. » Une balise radio de secours est disponible pour appeler la vallée ou être appelé. Le refuge est équipé d’une sirène et d’un flash pour pouvoir le trouver dans le brouillard, et d’une armoire fermée par code avec du matériel de bivouac, des médicaments, de la nourriture, ainsi qu’un caisson pour faire redescendre artificiellement l’altitude, en cas de mal sévère des montagnes.
Le MDC Samuel, le major Jacques et Philippe se sont installés à la cabane de contrôle, à l’entrée du glacier de Tête Rousse. « C’est un passage obligé avant d’accéder aux deux refuges, décrit Samuel. Nous vérifions que les personnes ont bien leur réservation, qu’ils sont dans une cordée de trois maximum, et qu’ils ont tout le matériel d’alpinisme nécessaire, parce qu’après le dernier refuge, il faut des chaussures à crampons, des piolets, de quoi se couvrir en cas d’intempérie… On fait aussi de la prévention en leur transmettant les dernières informations communiquées par les guides sur l’état de la partie supérieure, en neige ou en glace, et les risques de chutes de pierres. Le mont Blanc est un site sensible, avec de nombreux enjeux de sécurité et environnementaux. Sa surveillance fait partie des missions du PGHM, au même titre que le secours en montagne. »
De la cabane, les gendarmes ont ainsi une vue sur le couloir du Goûter, sans grand danger quand il est enneigé, mais très instable quand il est, comme ce jour-là, sec comme un saucisson. Un couple se voit refuser l’accès, la réservation du refuge ayant été faite, par erreur selon eux, pour le lendemain. Ils tentent de négocier, mais les gendarmes se montrent inflexibles et ils doivent redescendre vers le Nid d’Aigle. En montagne aussi, dura lex, sed lex*.
*La loi est dure, mais c'est la loi ".
Source
https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/sur-le-terrain/immersion/2024/haute-savoie-en-patrouille-avec-le-pghm-de-chamonix-sur-la-voie-normale-du-mont-blancPar Antoine Faure
Publié le 18 septembre 2024