La gendarmerie nationale met en place, sur décision du ministre de la défense, des détachements prévôtaux permanents aux côtés des forces françaises stationnées à l'étranger dans le cadre d'accords de défense, ainsi que des détachements prévôtaux de circonstances pour accompagner les forces engagées en opérations extérieures.
Les militaires de la gendarmerie déployés dans ce cadre disposent de prérogatives judiciaires sous le contrôle du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris. Ils perdent alors leur qualité d'agent ou d'officier de police judiciaire pour adopter celle d'agent ou d'officier de police judiciaire des forces armées (OPJFA).
Depuis le début des années 2000, des centaines de gendarmes ont été engagés au Kosovo, en Afrique, en Afghanistan afin de participer au processus de stabilisation sécuritaire dans ces zones. Ce volet OPEX de l'action de la Gendarmerie à l'étranger constitue un marqueur identitaire fort et démontre concrètement la pertinence de son statut militaire et de son outil capacitaire.
Enfin, le modèle « gendarmerie » Française suscite un intérêt marqué sur la scène internationale car son engagement est riche de sens. Avec 600 personnels engagés dans plus de 80 pays, son investissement est important et vise trois objectifs principaux.
Chaque jour, nous constatons la part grandissante de la dimension internationale ou transfrontalière dans l'exécution des missions de la gendarmerie : menaces terroristes, immigration irrégulière, impact de la criminalité organisée, etc.
Dans ce contexte, il est important que l'institution conduise une coopération internationale utile. En effet, l'enjeu est essentiel car notre sécurité intérieure se construit, désormais, aussi à l'extérieur de nos frontières. C'est tout le sens de son déploiement à l'étranger au sein des services de sécurité intérieure de 31 ambassades ou des instances de coopération policière internationale comme EUROPOL ou INTERPOL.
Le modèle « gendarmerie » suscite un intérêt certain sur la scène internationale il faut donc le valoriser et le promouvoir. Cela passe d'abord par le soutien aux gendarmeries de l'espace euro-méditerranéen au travers de la FIEP (1) ou de la FGE (2). Cela passe ensuite par l'accompagnement des gendarmeries sœurs-notamment en Afrique. Il convient en effet de se rendre compte que dans certaines régions, ce sont les forces de gendarmeries locales qui sont au contact des bandes armées ou des mouvements terroristes. Les gendarmeries nigérienne, tchadienne et camerounaise par exemple sont en première ligne face à Boko Haram.
Pour les curieux
La gendarmerie est présente dans les OPEX de nos Armées, soit en unités constituées, soit en détachements individuels. Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur n'a pas remis en cause sa participation aux missions de défense et en particulier aux opérations extérieures (OPEX).
En tant que force de police à statut militaire capable d'agir dans tout le spectre de la crise, de la guerre à la paix, la gendarmerie est en effet, particulièrement adaptée à ce type d'opérations. Leurs compétences spécifiques leur permettent d'intervenir en accompagnement des forces ou dans le cadre de la gestion civile des crises.
Les OPEX en unité constituée :
- Les escadrons de gendarmerie mobile interviennent de plus en plus souvent en accompagnement des forces lorsque celles-ci sont confrontées à des enjeux de maintien de l'ordre public. Quand le besoin s'en fait sentir, la gendarmerie met sur pied des pelotons de gendarmerie de surveillance et d'investigation, à base de gendarmes départementaux et de gendarmes mobiles, comme ce fut le cas en Bosnie et au Kosovo. Enfin, la gendarmerie est toujours représentée au sein des unités de l'armée de terre déployées en OPEX. Comme il n'existe pas de police militaire au sein de l'armée française, les missions judiciaires au sein des forces armées sont assurées par des détachements prévôtaux. Les prévôts sont des gendarmes départementaux, en moyenne 2 ou 3 pour une unité de la taille d'un régiment et servent comme conseillers légaux du chef de corps.
Les OPEX en détachement individuel :
Les opportunités de servir à l'étranger en détachement individuel sont très nombreuses, surtout pour les gendarmes qui possèdent une spécialité (transmissions, intervention-maintien de l'ordre etc.). La gendarmerie a mis sur pied un réservoir de spécialistes anglophones qui sont employés pour des missions longues d'au minimum 6 mois dans le cadre des opérations de l'ONU, de l'OTAN ou de l'Union européenne. Les gendarmes qui appartiennent à ce Groupement des opérations extérieures (GOPEX) sont une quarantaine et effectuent 3 ou 4 missions différentes de 6 mois à un an et demi lors de leur affectation. Il faut bien sûr être gendarme de carrière (titulaire du CAT), bien noté et angliciste. Les gendarmes affectés au GOPEX viennent de toutes les subdivisions de la gendarmerie.
Le centre d’instruction de la Force de Gendarmerie Européenne : http://www.defense.gouv.fr/documentaire_afghanistanPar Lieutenant-Colonel Antoine BREART DE BOISANGER commandant le centre d’instruction de la FGE
http://www.ntm-a.com/blog/categories/police/688-le-centre-dinstruction-de-la-force-de-gendarmerie-eu?lang=Mazar-é-Sharif, AFGHANISTAN - La décision du président de la République française, à l’automne 2008, de projeter une force de cent cinquante militaires de la gendarmerie nationale en Afghanistan, répond à une préoccupation internationale de renforcement de l'État de droit dans un pays sujet à une recrudescence du nombre des insurgés. Placés sous le commandement opérationnel du chef d'état-major des Armées, dans le cadre de la force de gendarmerie européenne et sous la tutelle de la force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) de l’OTAN, les gendarmes français ont été chargés à la fois de former la toute nouvelle gendarmerie afghane et de conseiller les forces de police déployées sur le terrain. Aussi, à la fin de l'année 2009, trente d’entre eux ont-ils été déployés à Mazar-é-Sharif, dans le nord de l’Afghanistan, pour créer un centre de formation initiale.
Quelle est cette école ? Le centre d’instruction de la gendarmerie européenne basé dans le nord du pays, à Mazar-é-Sharif, forme des élèves sous-officiers et officiers pour la gendarmerie afghane . L’école compte aujourd'hui 34 formateurs européens : 27 gendarmes français, 5 gardes civils espagnols et 2 militaires de la maréchaussée néerlandaise. Quatorze instructeurs afghans et une dizaine d'interprètes assistent leurs collègues européens dans leurs tâches d’encadrement et d’instruction. La mission de formation dévolue aux gendarmes européen est effectuée en liaison avec le commandement américain CSTC-A (Combined Security Transition Command in Afghanistan / Commandement multinational de sécurité et de transition en Afghanistan) et avec l'état-major Otanien NTMA-A (Nato Training Mission in Afghanistan / Mission OTAN de formation en Afghanistan). A Mazar-é-Sharif, à la différence des autres centres de formation en Afghanistan, le rôle des instructeurs occidentaux ne se limite pas à du "mentoring" . Bien au-delà de simples conseillers, ils assurent des fonctions de formateurs spécialisés ou de cadres de contact (commandant de peloton ou adjoint) et dispensent directement leur enseignement aux élèves.
Qui sont les élèves ? Les premiers élèves sous-officiers et officiers (recrutement semi-direct) afghans ont débuté leur formation le dimanche cinq décembre 2009. L'école qui compte aujourd'hui plus de trois cents élèves devrait doubler ses effectifs dès l'été prochain. Tous les élèves officiers ont été recrutés sur concours et sont âgés de 19 à 30 ans. Tous sont d’anciens sous-officiers et ont déjà servi entre 2 et 7 ans dans la police de leur pays. La toute première promotion a été diplômée le 6 mai 2010 à Kaboul. Forte de 200 élèves officiers, la deuxième promotion devrait débuter son cycle de formation à la mi-juin. Les élèves sous-officiers sont quant-à-eux âgés de 18 à 36 ans. 13% sont d'anciens policiers ou d'anciens militaires. Les élèves sont originaires de toutes les provinces d’Afghanistan. Les élèves sous-officiers suivent quatorze semaines de formation et les élèves officiers vingt-deux semaines
Quelle formation ces élèves reçoivent-ils au sein de l’école ? La mission consiste à aider l'Afghanistan à se doter d’une police efficace, professionnelle et soucieuse de respecter certains fondamentaux. Dans ce pays où la police a la réputation d'être violente et corrompue, la tâche des gendarmes français est immense. Peu de policiers afghans, en effet, ont reçu une formation initiale alors que la police est la force de sécurité la plus exposée . L’objectif principal de l’école est de conduire les élèves à un niveau de compétence et de professionnalisme tel qu’ils puissent répondre aux besoins de la gendarmerie afghane. Ces futurs gendarmes afghans auront pour rôle, au sein de leurs nouvelles unités, de créer et de pérenniser un esprit d'équipe, de renforcer la cohésion et de conforter la fraternité d'arme. Ils ont, dès maintenant, à cœur de montrer l'exemple. Ils savent qu’il ne leur est pas seulement demandé d’être des techniciens aguerris mais surtout que leur pays attend d’eux qu’ils s’affirment comme des référents dignes de confiance. Au sein de l’école les matières enseignées sont pluridisciplinaires et les cours qui touchent à la fois au domaine policier et au combat sont essentiellement pratiques : maintien de l'ordre, police de la route, tirs et armement, études tactiques, connaissance des Engins Explosifs Improvisés, pratique du renseignement, étude des matières juridiques, sensibilisation à l’éthique et à la déontologie du policier, pratique du sport, etc... Cependant ces jeunes élèves ont surtout reçu une formation opérationnelle tactique nécessaire à la bonne exécution de toutes les missions qui leur seront confiées, qu’elles soient conduites dans un environnement apaisé ou dans des situations très dégradées. Les cadres de l’école se sont attachés à développer en eux deux qualités fondamentales : l’intelligence de situation et le sens de la décision. Pour les élèves officiers, l’effort a notamment été porté sur le processus intellectuel permettant, au final, de donner des ordres intelligents et cohérents et par là efficaces. La formation dispensée a également visé à faire acquérir à ces élèves la rusticité et la robustesse nécessaires pour pouvoir et savoir réagir et agir en tous lieux et en toutes circonstances. Assurément, l’entraînement qu’ils ont suivi les aura bien préparés à accomplir leur mission en totalité, dans des conditions d’engagement parfois éprouvantes tant sur le plan physique que sur le plan psychologique.
Quels sont les principaux problèmes rencontrés par les formateurs pendant la période d'instruction ? Notre travail de formateur à Mazar-é-Sharif est à la fois très enrichissant et singulièrement frustrant, car l'enseignement se déroule à un rythme effréné et il est difficile parfois de revenir sur les leçons qui ont été mal assimilées. En outre, élément d’importance, nos élèves ont été recrutés sans enquête de moralité et par conséquent ils nécessitent une surveillance pratiquement permanente. À peine une difficulté paraît-elle aplanie, qu'une autre, qui se formait justement pendant qu'on réglait la première, appelle une réaction immédiate. Chaque problème doit être pris en charge et résolu immédiatement pour éviter une dégradation inévitable de la situation.
Pourquoi le centre de formation fut-il confié à la force de gendarmerie européenne ? Pour répondre à cette question, il faut rappeler que la gendarmerie afghane, créée en 2006, regroupe les meilleures unités de la police nationale Afghane. Elle est déployée en priorité dans les zones où sont présents les insurgés afin d'y maintenir ou d'y rétablir l'ordre et la sécurité. Elle doit voir ses effectifs multipliés par trois en un an et demi. Dans ce contexte, la gendarmerie française et à ses cotés, d’autres gendarmeries membres de la force de gendarmerie européenne, sont logiquement apparues comme les plus compétentes pour former l'élite de la police afghane dans sa mission première de lutte contre l'insurrection. En effet, le modèle gendarmerie peut faire valoir de nombreux atouts qui n’existent pas dans d’autres forces de sécurité. Leur organisation, leur culture, leur savoir-faire, leur savoir-être militaires, leurs équipements, leurs armements, confèrent aux gendarmeries européennes une aptitude toute particulière à la gestion des situations très dégradées et notamment aux changements de posture qui caractérisent le rétablissement de l’ordre mais aussi le combat. Elles savent réagir efficacement de façon toujours strictement proportionnée, elles peuvent conduire des actions dynamiques et ciblées mais elles sont également formées pour intervenir dans le cadre d’opérations d’envergure. Assurément, l'engagement des gendarmes européens en Afghanistan est un évènement tout-à-fait remarquable.
Premier bilan 6 mois après l'ouverture de l'école Ces derniers mois, dans le pays, les chantiers de transformation des forces de police afghanes se sont multipliés à un rythme soutenu. Les réformes qui ont été engagées, les progrès qui ont été accomplis, ont eu pour objectif de donner à l’Afghanistan une police moderne, efficace et compétente, une police qui doit prendre toute sa place au sein du dispositif de défense et de sécurité intérieure. Si l'on veut poursuivre sa modernisation, il faut continuer à investir sur la formation au commandement, et à travers elle à miser sur le développement de la valeur de la responsabilité. Ces futurs sous-officiers et officiers représentent un formidable élan d’espoir pour l'Afghanistan, j'en suis convaincu. Ils sont prêts à œuvrer pour participer à l’élaboration d’un avenir de paix, de stabilité et d’humanité dans ce beau pays qu’est l’Afghanistan.
Je me permettrais de conclure en reprenant un proverbe populaire afghan que m'a appris un de mes élèves « Qatra, Qatra, Darya Meshawad » ce qui signifie « c’est goutte à goutte que se forment les rivières ». À mes yeux, ce dicton résume bien le parcours que nous partageons ici avec nos camarades afghans : patience, dévouement et espoir.
1 - European Gendarmerie Force ou « EUROGENDFOR » est une organisation qui regroupe les forces de gendarmerie des cinq pays de l'Union européenne qui en disposent. Les forces de gendarmerie en Europe sont des forces armées chargées d'une mission de sécurité intérieure et de missions de défense.
2 - Appelée officiellement ANCOP (G) pour « Afghan National Civil Order Police - Gendarmerie ».
3 - Les "mentors" ou "advisers" ont un rôle de conseiller. Ils n'assurent généralement pas directement les cours mais sont chargés de surveiller leur bonne exécution (sur la forme et sur le fond) par des instructeurs afghans.
(1) Créée en 1994 la
FIEP est une association de 14 forces de police à statut militaire de l'espace euro-méditerranéen. Elle permet l'échange d'informations et de bonnes pratiques.
(2) Créée en 2004, la Force de Gendarmerie Européenne est un instrument européen de gestion de crise, regroupant 9 pays de l'UE.