[VU DANS LA PRESSE] Confessions d'un maître de chien
Midilibre.fr est allé dans le Gard à la rencontre de l'adjudant-chef Bruno Mourier, maître de chien d'un Saint-Hubert âgé de 7 ans, Hugo.
Il explique dans quel cadre il intervient avec son chien « piste ». Loin d'un langage formaté, il précise sa manière de procéder, toujours identique qu'elle que soit la personne disparue, même s'il avoue ressentir une émotion plus vive quand il s'agit d'un enfant.
« Le chien n'est pas un robot ». A travers le témoignage de l’adjudant-chef Bruno Mourier, on distingue la sensibilité qui doit animer le maître de chien dans sa relation avec l'animal, tout en restant méthodique et professionnel dans la conduite des recherches opérationnelles. Une passion avant tout, qui devrait être comblée l'année prochaine par l'arrivée de Jupiter, 7 mois, en relève d'Hugo.
Photo Objectif Gard/ Boris De la Cruz. Le célèbre enquêteur Hugo, un chien Saint-Hubert (à droite sur la photo) part à la retraite.
Son maître l'adjudant chef Bruno Mourier fera dorénavant équipe avec Jupiter (à gauche photo) Sa carrière se termine au bout de 7 ans de bons et loyaux services. Sa réputation n'est plus à faire, son seul nom permettait de rassurer les familles qui avaient perdu un proche. C'était l'enquêteur de la dernière chance, celui que l'on appelait à la rescousse à chaque disparition inquiétante. Son flair a permis de retrouver des personnes, des enfants disparus en Corse, dans tout le Sud et jusqu'à Orléans. Hugo a marqué la gendarmerie du Gard.
Il nous a réservé une interview exclusive en guise d'au revoir. https://www.objectifgard.com/2016/12/20/gard-meilleur-enqueteur-sud-part-retraite/
Des confessions issues de midilibre.fr : Propos recueillis par ALISSANDRE ALLEMAND
Gard : la recherche de disparus, "beaucoup d’émotions quand ce sont des enfants"
Jupiter, 7 mois, devrait entrer en service dans un an, aux côtés de son aîné Hugo, sous les ordres de Bruno Mourier. L'adjudant-chef Bruno Mourier est le conseiller technique de l'équipe cynophile de la gendarmerie du Gard. Il est aussi le maître d'Hugo, dont le flair de Saint-Hubert est recherché.
À quel moment intervenez-vous dans le cadre d'une disparition ?
Dans chaque disparition, il y a deux phases : l'enquête et les recherches opérationnelles. Dans cette dernière, on utilise tous les moyens à notre disposition pour retrouver la personne. L'hélicoptère, le ratissage au sol par les forces, et le chien de recherches. C'est à ce moment-là que j'interviens avec Hugo, mon Saint-Hubert de 7 ans. Nous sommes l'un des moyens mis en œuvre.
Y a-t-il des différences dans les recherches qu'il s'agisse d'un enfant, d'un adulte ou d'une personne âgée ?
Il n'y a aucune différence dans la façon de procéder. La seule différence réside peut-être dans l'émotion très forte que l'on ressent quand on cherche un enfant disparu.
Justement, quel est le mode opératoire que vous mettez en place avec votre chien ?
Je commence par me rendre tout seul au domicile de la personne disparue. Avec énormément de précautions pour ne pas laisser de traces ou détériorer d'éventuelles preuves en cas de crimes, je récupère draps, vêtements, brosse à dents, brosse à cheveux, chaussons ou peluches. En fait, je prends un objet qui porte l'odeur de référence de la personne à retrouver.
C'est quoi l'odeur de référence ?
Chaque être humain a une odeur qui lui est propre et qui est unique. Même des vrais jumeaux se différencient par leur odeur. C'est une carte d'identité olfactive.
Une fois que vous avez trouvé l'objet qui vous convient, comment se passe la suite ?
Avant de définir mon choix, je fais en sorte de rencontrer la famille du disparu pour pouvoir discuter de la pertinence de mes choix. M'assurer, par exemple, que la brosse à cheveux ne sert bien qu'à la personne que nous recherchons, etc. Puis, je questionne aussi ses proches avec des interrogations de base. Comment le disparu était-il habillé la dernière fois où il a été vu ? Quelles sont ses habitudes ? Les lieux où il aime bien se balader, etc. Autant de petites choses qui vont m'aider, ensuite, dans mon travail avec le chien.
À quel moment le chien intervient-il justement ?
Une fois que j'ai recueilli les informations nécessaires, je prends mon chien. Je l'équipe d'un harnais et d'une longe puis je lui fais sentir l'objet imprégné de l'odeur de référence. Et je le lance.
Qu'attendez-vous de votre chien à partir de là ?
Il doit être capable de remonter l'itinéraire emprunté par la personne disparue à une centaine de mètres près. L'objectif numéro 1 c'est que le chien donne une direction. Ensuite, qu'il débusque des objets appartenant à la personne qu'on recherche et évidemment, cerise sur le gâteau, qu'il la retrouve.
Quels sont les éléments en faveur de la réussite de la recherche du chien ?
D'abord que le délai entre le moment où la personne disparaît et celui où nous intervenons soit le plus court possible. Les conditions climatiques tiennent également un rôle très important. Le pire pour le chien, c'est lorsqu'il fait chaud et qu'il y a du vent. Parce que ça sèche les muqueuses du chien et que ça contribue à faire disparaître les odeurs. Il faut imaginer que lorsque le chien recherche, il est presque en apnée, concentré uniquement sur l'odeur de celui qu'il recherche. Il fatigue donc plus vite et on ne peut parcourir de trop longues distances. Dix kilomètres pour un chien c'est déjà énorme. Alors en plus, quand il fait très chaud…
Le fait que vous cherchiez en ville ou à la campagne a-t-il également une incidence pour le chien ?
Parfaitement. C'est en général plus simple à la campagne. En ville, il y a énormément d'odeurs différentes qui se mélangent. Tout comme le fait que peu de gens soient passés sur la piste ou au contraire qu'elle ait été ratissée lors de battues a une grande importance. Moins il y a eu de passages, plus il y a de chances que les odeurs soient nettes. Il est primordial de rappeler que le chien n'est pas un robot. C'est un moyen parmi d'autres d'aider à retrouver des disparus, mais malheureusement il n'est pas la solution miracle.
Parmi vos interventions beaucoup concernent-elles des mineurs ?
Heureusement, ce n'est pas la majorité non. Je dirai que depuis six ans, j'ai dû effectuer une centaine de recherches concernant des mineurs dans le grand sud, ma zone d'intervention. Le plus jeune d'entre eux avait 2 ans et demi et avait échappé à la surveillance de ses parents. Hugo l'a retrouvé au petit matin. Puis, il y a eu les jumeaux en Corse, âgés de 3 ans et demi, qui avaient aussi déjoué la surveillance de leur famille d'accueil. Hugo a retrouvé l'un des deux après 36 heures, sain et sauf dans le maquis.