Épisode 3 : dans les Alpilles, les gendarmes patrouillent à dos de cheval de Camargue
En 2023, la Compagnie de gendarmerie départementale (CGD) d’Arles s’est dotée d’un Poste à cheval (PAC) estival. Ce dispositif vise à préserver le Parc naturel régional des Alpilles des incendies.
Créé en 2007 et situé dans le triangle formé par les villes d’Avignon, d’Arles et de Salon-de-Provence, le Parc naturel régional des Alpilles s’étend sur dix-sept communes pour une superficie totale de 510 km². Il renferme une biodiversité exceptionnelle à l’image de l’aigle de Bonelli, l’un des rapaces les plus menacés sur le territoire français. En juillet 2022, un important incendie ravage le massif de la Montagnette, situé en face de celui des Alpilles. Cet évènement traumatisant enclenche de nombreuses réactions locales, dont la création d’un Poste à cheval (PAC) estival, à l’initiative du commandant de la Compagnie de gendarmerie départementale (CGD) d’Arles, le chef d’escadron Florian Gerbal. Spécialement dédié à la protection des Alpilles, ce dispositif innovant a été déployé pour la deuxième année consécutive.
Une convention atypique
Le chef d’escadron Gerbal a été affecté à la tête de la compagnie en 2022, l’année de l’incendie de la Montagnette. À l’époque, il existait un PAC à Arles. « Le positionnement de ce poste par rapport à la zone d’action la plus sensible d’un point de vue environnemental n’était pas pertinent. Les missions qui lui étaient confiées pouvaient l’être à des patrouilles à pied ou en véhicule, explique l’officier. À mon arrivée, j’ai échangé avec les élus locaux qui ont immédiatement manifesté leur crainte concernant le massif des Alpilles. Nous avons alors mené une réflexion qui a abouti à la première convention instituant ce nouveau poste à cheval, inauguré par le préfet de police des Bouches-du-Rhône. »
Le financement de ce poste est partagé entre les communes constituant les Alpilles et la gendarmerie nationale. Les dix-sept communes ont investi une dizaine de milliers d’euros, permettant de financer la location des deux chevaux, leur transport à l’aide d’un van et leur hébergement ainsi que celui des gendarmes. Dans ce cadre, la mairie des Baux-de-Provence met à disposition un logement à titre gracieux. La gendarmerie arme le poste avec quatre gendarmes, dont un réserviste, pendant une période d’un mois, cette année du 15 juillet au 18 août 2024. Ces militaires viennent de plusieurs unités du Groupement de gendarmerie départementale (GGD) des Bouches-du-Rhône.
Le caractère atypique du poste ne s’arrête pas là. En effet, les chevaux montés dans les Alpilles sont des chevaux locaux, adaptés à leur environnement. « Je n’avais pas de dispositif similaire comme élément de comparaison, poursuit le chef d’escadron. Je me suis adapté au contexte local, en m’appuyant sur le fait que nous étions sur une terre de chevaux. Ceux du poste à cheval proviennent d’une manade (terme provençal, qui désigne un élevage de taureaux et de chevaux, NDLR) de Camargue. »
Les gendarmes servant dans le cadre de ce dispositif doivent être titulaires d’un galop 5 et obtenir ensuite leur Certificat d’aptitude à la pratique équestre en gendarmerie (CAPEG), à l’issue de la formation dispensée par le centre d’instruction du régiment de cavalerie de la Garde républicaine, basé à Saint-Germain-en-Laye.
« En coordination avec le groupement, j’identifie les gendarmes ayant le profil recherché, précise le commandant de compagnie. Je recherche en priorité des sous-officiers envisageant un maintien dans les années à venir, afin d’amortir le coût de la formation. Il s’agit d’une ressource rare. En conséquence, ce poste constitue une opportunité pour des cavaliers souhaitant servir dans les Bouches-du-Rhône. À long terme, j’espère qu’il pourra être armé pendant deux mois entiers, ce qui serait très pertinent d’un point de vue opérationnel et en raison du risque incendie. »
Une mission centrée sur la prévention des incendies et la préservation de l’environnement
Créé en grande partie en réponse à l’incendie de la Montagnette, le PAC concentre une partie de son action dans le domaine de la prévention des feux de forêt, à raison de quatre heures de patrouille par jour.
En début de saison, les cavaliers s’approprient le territoire à l’aide de cartographies. Des échanges quotidiens ont également lieu avec les brigades locales, les polices municipales, les Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), les gardes du Parc naturel régional des Alpilles, ainsi que les bénévoles du Comité communal feux de forêt (CCFF), qui connaissent parfaitement le massif. Ces interactions permettent d’orienter les patrouilles en fonction des comportements constatés.
« Nous menons des actions de prévention, explique la gendarme Chloé, affectée au Peloton d’autoroute (P.A.) de Salon-de-Provence, et détachée au PAC. Nous demandons aux gens qu’on croise s’ils sont de la région, s’ils ont vérifié l’accès au massif et par quel moyen. À chaque entrée, se trouvent les coordonnées téléphoniques de la préfecture ainsi qu’un QR code précisant les éventuelles restrictions d’accès au massif. Nous les sensibilisons sur la réglementation en vigueur. »
« Des infractions sont fréquemment relevées, souligne le chef d’escadron Gerbal. Par exemple, la semaine dernière, des touristes ont organisé un barbecue en plein cœur du massif et ont fait l’objet d’une amende. Lorsque celui-ci est fermé en raison du risque incendie, les cavaliers effectuent des patrouilles et verbalisent les gens qui bravent l’interdit. »
En dehors des patrouilles à cheval, les gendarmes du poste mènent, à vélo, des actions de prévention de proximité et de préservation de l’environnement ainsi que de lutte contre les atteintes aux biens (vols à la roulotte notamment, liés aux nombreux stationnements situés à proximité des sites touristiques).
En fin de saison, un bilan est adressé aux élus. Ils sont également informés des comportements dangereux constatés par les cavaliers au cours de leurs patrouilles.
Le cheval camarguais, parfaitement adapté au terrain
En raison du relief et de l’importante superficie du Parc naturel régional des Alpilles, les chevaux camarguais se révèlent particulièrement adaptés à la mission. « Bien que ces chevaux soient plus petits que les chevaux selle français, ils s’avèrent rustiques et adaptés au terrain, précise le commandant de compagnie. Ils sont notamment habitués aux moustiques. »
Les cavaliers profitent de la hauteur que leur donnent les équidés pour identifier les individus contrevenant à la réglementation. Ils leur permettent également de parcourir des distances importantes en emportant de la nourriture et de l’eau.
« Le cheval facilite le contact avec le public tout en créant une distance de sécurité, explique la gendarme Chloé. Les touristes se montrent curieux, ce qui permet d’engager le dialogue. »
Léonie, habitant la commune de Bourgoin-Jallieu, est venue en vacances. « En tant qu’ancienne cavalière, je trouve que ce dispositif est appréciable. Le contact avec les animaux est plaisant et ludique pour les enfants. Les gendarmes nous sensibilisent sur les risques incendie. »
Les gendarmes du PAC ayant terminé le 18 août, leur absence est en partie compensée par le détachement de cavalerie de la Garde républicaine de Marseille, qui réalise des patrouilles ponctuelles dans le massif, ainsi que par le Peloton de surveillance et d’intervention de gendarmerie (PSIG) d’Arles, dont les militaires effectuent des actions de prévention à pied.
Vivre de sa passion pour les animaux en gendarmerie
À 23 ans, le poste à cheval des Alpilles permet à la gendarme Chloé de concilier son métier et sa passion. « Je suis cavalière depuis 20 ans et propriétaire de chevaux depuis 10 ans. Je participe à des compétitions amateurs dans toute la France. Le contact avec les animaux est essentiel dans ma vie, c’est donc un honneur et une fierté de servir au sein de ce poste à cheval. »
« J’hésitais entre devenir gendarme et exercer un métier en lien avec les animaux, explique le gendarme de réserve Victor. J’ai choisi la seconde voie afin de devenir ostéopathe animalier et dentiste équin, mais la réserve me permet quand même de servir en gendarmerie. Cette année, on m’a donné l’opportunité de passer le CAPEG et de renforcer le poste à cheval pour la première fois. Celui-ci me permet de lier équitation et gendarmerie. J’ai aussi été particulièrement marqué par l’incendie de la Montagnette, qui s’est déroulé non loin de chez moi et de l’endroit où mon cheval est en pension. »
Source
https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/sur-le-terrain/immersion/2024/preserver-l-environnement-des-bouches-du-rhone-episode-3-dans-les-alpilles-les-gendarmes-patrouillent-a-dos-de-cheval-de-camargue