Syndicats de salariés et d'employeurs de l'industrie musicale se rencontreront pour la première fois mardi à Paris afin d'aborder les problèmes liés à la crise dans ce secteur à la veille d'une série de mesures qui devraient se traduire par une baisse de 20 à 25% des effectifs.
Après Ophélie Winter, récemment remerciée par Warner Music France en raison de ventes insuffisantes, plusieurs artistes -et pas seulement des jeunes talents- pourraient faire les frais de cette politique de restrictions. Les signatures de nouveaux contrats ont été ainsi divisées par 4 l'an dernier.
La rencontre, demandée par les syndicats (CFDT, CGT, FO), se tiendra au siège du Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP), qui regroupe "majors" ou multinationales (environ 85%) du marché et indépendants (15%). Les syndicats désirent notamment aborder la question de l'élaboration d'une convention collective dans un secteur d'emploi (environ 5.000 salariés) très peu syndiqué et réglementé.
La CFDT défend depuis plusieurs mois le principe d'une convention collective propre aux salariés de l'industrie musicale. Actuellement, les salariés de ce secteur dépendent soit de la convention collective du secteur de la métallurgie (héritage de l'époque où les supports phonographiques étaient fixés sur des cylindres métalliques), soit de celle de l'édition (livres).
Cette rencontre -une première dans l'histoire de l'industrie phonographique de l'hexagone- intervient à un moment où ce secteur affronte une importante crise. Le marché français du disque a connu en 2003 un recul de près de 15% et de 20% au premier trimestre 2004.
Les éditeurs accusent le téléchargement illégal, ou piraterie numérique. Les ventes de disques dans le monde ont baissé de 11% en 2003 alors que parallèlement, le trafic sur internet a augmenté de 400%. Il se vend en France, selon le SNEP, quotidiennement 300.000 supports phonographiques ("singles" + albums) alors que simultanément 16,4 millions fichiers musicaux sont téléchargés.
"Il y a une corrélation évidente entre l'augmentation du nombre des internautes et la chute simultanée du chiffre d'affaires de l'industrie du disque", a estimé Eric Daugan, directeur des nouveaux médias chez Warner Music France, lors d'une table ronde à l'occasion du 28e Printemps de Bourges.
De passage au festival, le ministre de la Culture et de la Communication Renaud Donnedieu de Vabres a souligné "le danger du piratage qui pèse au dessus des épaules" de l'industrie phonographique. "Il faut (...) savoir fixer des lignes jaunes, car la piraterie met en cause la création, la diffusion de la musique comme du cinéma", a dit le ministre. Ce dernier a annoncé "dans les jours qui viennent" une série de contacts avec les professionnels pour aborder ce dossier.
Les professionnels demandent la rapide adoption de la Loi sur l'économie numérique, seul moyen selon eux, de placer les fournisseurs d'accès aux services en ligne devant leurs responsabilités. Parallèlement, le SNEP a indiqué, qu'avant l'été, il entend poursuivre -comme cela a été fait courant 2003 aux Etats-Unis, où les ventes de disques ont repris de 10%- les internautes pirates devant les tribunaux.
"La piraterie musicale n'explique pas seule la crise, l'industrie du disque paie également ses errements", tempère de son côté le chanteur Dominique A, qui considère que "les artistes sont aussi les complices de cette situation". Ce que confirme un cadre de l'édition phonographique, pour qui, "à force de proposer des disques avec seulement une ou deux bonnes chansons, les maisons de disques ont fini par décourager le public".
source AFP 27/04/2004 - 7:50