Vers une remunicipalisation de la sécurité ? Vous avez dit "Sécurité"
Le débat qui s'est ouvert à l'occasion des premières « rencontres nationales de la police municipale » a une longue histoire, qu'il n'est pas inutile de rappeler.
Sous l'Ancien régime, les villes avaient leurs polices municipales et la Maréchaussée gardait la campagne et les « grands chemins ».
La lieutenance de police de Paris, créée par Colbert en 1667, était une exception. La construction de l’État républicain s'est au contraire toujours accompagnée de l'idée d'une « force publique étatique ».
La IIIème République commence à l'élaborer. Après Paris, Marseille voit sa police étatisée en 1908. A la même époque, la Préfecture de police de Paris développe des brigades mobiles de police judiciaire (les fameuses « bridages du Tigre ») ainsi qu'une première école professionnelle.
Ralenti dans l'entre-deux-guerres, le mouvement reprend sous le régime de Vichy qui crée en avril 1941 la police nationale en étatisant les polices municipales de toutes les villes de plus de 10 000 habitants, et met aussi sur pieds un corps civil de maintien de l'ordre (les groupes mobiles de réserves, qui deviendront les CRS à la Libération).
Une loi de 1966 établit enfin l'architecture quasi définitive de la police nationale. La cause semblait donc entendue. Or voici que les polices municipales ont fait un retour remarqué sur la scène publique au cours des deux dernières décennies.
Suivons le bilan récent de Virginie Malochet. En l’espace d’une vingtaine d’années, le nombre de communes dotées d’un service de police municipale a doublé : elles sont aujourd’hui près de 3 500. Sur la même période, les effectifs des policiers municipaux ont triplé : ils seraient aujourd'hui officiellement plus de 18 000, auxquels il faut ajouter 1 800 gardes champêtres. Au total, environ 20 000 fonctionnaires territoriaux donc. Ces chiffres globaux cachent néanmoins des réalités très disparates.
Sur l’ensemble des services de police municipale, les trois quarts disposent de moins de cinq agents, cependant qu’une dizaine seulement compte plus de cent agents. La distribution des effectifs est en outre très inégale sur le territoire national, avec une forte concentration dans le Sud-Est et en Île-de-France. Cette très forte disparité est le reflet d'une absence de doctrine générale, d'où découlent la plupart des autres problèmes aujourd'hui posés.
Entre « cow-boys » et police de proximité : l'absence de doctrine d'emploi
L'extrême disparité entre les services de police municipale ne se constate pas seulement en termes d'effectifs et de localisation géographique. Elle s'observe avant tout dans les missions plus ou moins diverses et étendues attribuées aux policiers municipaux et dans la façon globale de « faire la police municipale ».
Certes, dira-t-on, l'activité des polices municipales est encadrée par la loi. De fait, le législateur s'est efforcé à plusieurs reprises depuis les années 1990 de clarifier la situation.
La loi du 15 avril 1999, notamment, a fixé un cadre juridique assez précis. Elle a amorcé aussi un mouvement d’accroissement continu des missions qui s'est accéléré depuis 2002 et qui a atteint son point d'orgue actuel avec la Loppsi 2.
Le Conseil constitutionnel a cependant mis provisoirement un coup d'arrêt à cette tendance en annulant deux dispositions centrales de la Loppsi 2 en la matière : la possibilité de réaliser des contrôles d'identité par les policiers municipaux et l'attribution de la qualité d'agents de police judiciaire attribuée aux directeurs de police municipale.
Pour le moment, les policiers municipaux demeurent donc des agents de police judiciaire adjoints et leurs pouvoirs de verbalisation se limitent au champ contraventionnel.
En cas d’interpellation sur crime ou délit flagrant, ils doivent s’en remettre aux instructions des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie auxquels ils sont tenus de rendre compte immédiatement.
Mais derrière ce cadre juridique, la réalité du terrain révèle d'énormes contrastes. La diversité et le « bricolage local » sont tels que l'on peine à construire une typologie. Pour simplifier, disons que les situations se situent le long d'une échelle bornée par les deux extrêmes suivants.
D'un côté, l'on trouve des villes dans lesquelles des policiers municipaux ne portant généralement pas d'armes à feu et ne travaillant généralement pas de nuit assurent avant tout la surveillance du stationnement et de la circulation, des jours de marché, des sorties d'école et des manifestations sportives, culturelles ou autres qui rythment la vie de la commune.
On pourrait appeler ce pôle le « pôle proximité ».
Les maires qui les emploient sont généralement soucieux de rassurer leurs administrés par une présence à certains endroits importants de la journée, de gérer le flux des activités ordinaires de la commune et de s'assurer d'un personnel municipal disponible pour d'éventuelles missions de secours. Mais ils ont une conscience relativement claire du partage à opérer et considère que la mission de sécurité publique reste une compétence des forces étatiques.
Ils différencient nettement la tranquillité de la sécurité.
A l'autre bout de l'échelle, l'on trouve des villes dans lesquelles des policiers municipaux assurent non seulement certaines des missions de proximité qu'on vient de citer, mais reçoivent aussi de la municipalité une mission générale de sécurisation de la ville et de lutte contre la délinquance.
On voit alors des policiers municipaux s'organisant sur le modèle des policiers nationaux, s'équipant et s'armant comme eux, travaillant de nuit comme de jour, investissant le terrain au maximum jusqu'à récupérer peu à peu certaines missions que délaissent alors progressivement des policiers ou des gendarmes qui ne manquent pas de travail par ailleurs.
Dans certains cas (dans certaines villes de la Côté d'Azur et de la région parisienne, et même ailleurs - comme à Woippy par exemple), on trouve même ce qu'une partie de la population voire des policiers et des gendarmes eux-mêmes appellent des « cow-boys », surarmés (pistolets, taser et flash-ball, véhicules type 4x4, etc.) et à l'ambiance collective volontiers « virile » insufflée par le maire lui-même.
Au-delà de la très grande diversité existant, ces deux pôles opposés structurent les représentations ou la culture professionnelle des policiers municipaux, provoquant un problème évident d'identité professionnelle chez ces femmes et ces hommes qui sont de fait l'otage des atermoiements du pouvoir politique.
Le symbole-piège de l'armement et la confiscation du débat de fond, Si la question de l'armement est aujourd'hui au cœur des débats contradictoires, loin devant la question pourtant primordiale de la doctrine d'emploi, comme de celles de la formation et des statuts qui en découlent, c'est parce qu'elle symbolise cette hésitation fondamentale entre ces deux modèles.
Le choix du pouvoir politique actuel est de favoriser l'armement des polices municipales et d'élargir leurs missions, au risque d'en faire une sorte de « sous-police nationale » éternellement insatisfaite de cette infériorité.
Les municipalités sont autorisées par décret à armer leurs policiers avec des armes de 4ème catégorie (armes de poing type revolver et pistolets électriques - taser), de 6ème catégorie (matraques - tonfa -, projecteurs de gaz lacrymogène) et de 7ème catégorie (flash-ball).
Chaque limite posée par le Conseil Constitutionnel ou le Conseil d’État est aussitôt contournée. Et les propositions les plus extrêmes ne manquent pas (comme celle de Patrick Balkany, maire UMP de Levallois-Perret demandant en janvier 2010 que les policiers municipaux puissent accéder aux fichiers de police au même titre que les nationaux). Aussi la dernière déclaration de Claude Guéant (souhaitant généraliser le port d'arme) ne surprend t-elle pas. Depuis 2002, l’État pousse clairement dans le sens du second pôle, sans que l'on comprenne bien quelle est l'analyse qui mène à cette position : s'agit-il d'une simple affaire comptable chargeant de fait les municipalités de compenser les effets de la RGPP ?
Ou bien plus profondément s'agit-il de remunicipaliser la sécurité ?
Le risque d'une remunicipalisation de la sécurité, variable selon les territoires ;
Si les intentions exactes de l'entourage de Nicolas Sarkozy et Claude Guéant ne semblent pas bien claires, celles de certains élus locaux sur lesquels ils s'appuient le sont, elles.
Alors quoi, police exclusive de tranquillité-proximité ou bien police nationale bis ?
Complémentarité et partage clair des tâches ou bien continuité voire concurrence ?
Ces questions sont les plus importantes dans ce débat or elles sont régulièrement escamotées, les slogans et les « petites phrases » remplaçant trop souvent l'analyse de fond.
Si le pouvoir actuel souhaite vraiment une remunicipalisation au moins partielle de la sécurité, au risque de créer de très fortes inégalités selon les territoires, il serait irresponsable de ne pas l'assumer clairement et de ne pas expliquer aux Français la façon dont il propose de l'organiser à l'avenir.
-http://www.laurent-mucchielli.org/index.php?post/2010/05/28/Police-municipale-%3A-le-dossier
La sécurité en France doit rester l'affaire de l'État. Ces derniers temps les polices municipales revendiquent la parité avec la gendarmerie et la Police nationale. Mais ces polices municipales effectuent elles le même travail?
Le problème des polices municipales réside dans le fait qu'elles ont voulu trop ressembler aux deux forces de police d'État que compte la France à savoir : La Police Nationale et la Gendarmerie Nationale.
La sécurité est une des fonctions régaliennes que la Gendarmerie et la Police nationale remplissent parfaitement.
Ces deux forces ont des compétences bien définies en matière de sécurité publique, en secteur urbain pour la Police nationale et en zone rurale pour la Gendarmerie nationale.
Ces deux forces sont par ailleurs compétentes sur l'ensemble du territoire de la République en matière judiciaire.
Les polices municipales se rajoutent à ces deux forces et augmentent la confusion au niveau des concitoyens qui ne comprennent pas bien le rôle des polices municipales ainsi que leurs prérogatives.
Nous parlons d'ailleurs de la Police nationale et des polices municipales, car ces dernières ont leurs moyens et leurs salaires qui diffèrent selon les communes, ainsi que leurs effectifs qui peuvent être multipliés par 100 selon les Maires.
Le Maire a donc le pouvoir de créer une police municipale, mais aussi une police rurale avec les gardes champêtres et des agents de surveillance de la voie publique (A.S.V.P.).
Pourquoi alors les policiers ruraux ne revendiquent ils pas à leurs tour le fait d'être à parité avec la police nationale et la gendarmerie nationale ?
Avant 1999, les polices municipales se contentaient de faire appliquer les arrêtés du Maire et n'avaient que des pouvoirs restreints dans le domaine du code de la route.
Leurs missions étaient principalement la recherche d'infractions au stationnement, la sécurisation des sorties d'écoles et l'application des arrêtés du Maire.
La Loi no 99-291 du 15 avril 1999 va redéfinir le rôle ainsi que le statut de ces polices. C'est le Ministre de l'intérieur Jean-Pierre Chevènement qui va redéfinir les fonctions de ces polices territoriales en leurs donnant pour la première fois des pouvoirs en matière de code de la route presque à parité avec la Gendarmerie et la Police nationale.
A partir du moment où les polices municipales ont eu ces pouvoirs de verbalisation au code de la route au même titre que la Police et la Gendarmerie nationale, elles ont commencé à vouloir s'équiper et ressembler à ces deux forces avec un mimétisme portant la confusion chez nos concitoyens.
-http://www.policenationale-france.fr/article-redefinition-du-role-des-polices-municipales-51467001.html
http://www.maire-info.com/organisation-gestion-communale/polices-municipales/police-municipale-et-intercommunale-la-nouvelle-convention-type-de-coordination-avec-les-forces-de-securite-de-etat-est-publiee-article-14434http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=6F6F8F46FB9C15B54AAA0E76E09C7994.tpdjo12v_1?cidTexte=JORFTEXT000025083497&dateTexte=20120519