Souvent dramatiques, les accidents de la route provoqués par les personnes âgées relancent régulièrement le débat sur leurs aptitudes à conduire. Une proposition de loi veut instaurer un contrôle médical à partir de 70 ans. Mais cette catégorie de la population ne provoque pas plus d'accidents que les autres.
ENQUETE Route : les seniors dans le viseur - L’Assemblée envisage un contrôle médical pour les personnes âgées.
Europe.1 Publié le 20 janvier 2012
Les personnes âgées doivent-elles moins utiliser leur voiture ?
Les accidents de la route impliquant des retraités au volant se multiplient en France.
Faut-il contrôler à partir d'un certain âge, les capacités du conducteur ? :hein36:
Une proposition de loi, permettant d'instaurer un contrôle médical pour les 70 ans et plus avec un renouvellement tous les 5 ans, devrait être discutée au Sénat en juin, selon RTL. L'idée n'est pas nouvelle. Elle rejaillit régulièrement et s'appuie sur une réalité: 60% des retraités ont une voiture et cette population vieillissante est confrontée à des problèmes de vue, d'audition, mais aussi à des maladies nécessitant des traitements qui peuvent altérer les réflexes
Exemple d'accidents :
Un Nantais est condamné à cinq ans d'interdiction de conduire. Il avait percuté à contresens une voiture après 40 heures de conduite. Il avait 73 ans.
En quittant une aire de repos, un homme de 83 ans s'est retrouvé à contresens sur l'autoroute A9 entre Montpellier et Nîmes. Il a péri en heurtant un véhicule, dont les passagers, un couple de 25 et 26 ans, ont été grièvement blessés.
Autre exemple : sur une autoroute dans le Var, un conducteur se rend compte au péage qu'il n'a pas d'argent, fait marche arrière puis demi tour et roule 10 kilomètres en sens inverse. Il avait 84 ans. Ces affaires relancent le débat sur un contrôle médical au-delà de 70 ou 75 ans.
Les personnes âgées ont-elles consciences du danger ?
Il y a quelques mois, Paulette, une octogénaire est arrêtée au volant alors qu'on lui avait retiré son permis il y a 5 ans. Cette femme était conductrice de taxi. Elle ne s’est pas rendue compte du danger qu’elle pourrait occasionner : "quand on sait conduire au bout de cinquante ans, on n’a pas besoin de leçons. Je me suis dit allez, tout le monde me connaît."
"Je n’ai pas pensé aux accidents" :
Vidéo :
http://www.europe1.fr/France/Route-les-seniors-dans-le-viseur-912443/Selon les statistiques de la prévention routière, les plus mauvais conducteurs sont les 18-24 ans mais les plus de 75 ans arrivent en deuxième position. Près de 20.000 d’entre eux font un stage de remise à niveau chaque année. Mais la plupart n’ont pas conscience que leurs réflexes ne sont plus les mêmes au volant et ce malgré les avertissements des enfants et des petits-enfants.
C’est le cas d’Evelyne qui s'est fâchée avec son père de 88 ans le jour où elle a voulu prendre le volant à sa place. "Il m’a dit ce n’est pas toi qui va gérer ma vie. Il a résisté jusqu’au dernier moment et moi j’avais dit que je prenais un taxi. J’ai peur à côté d’une personne de 88 ans qui conduit. Je pense qu’il n’a pas les mêmes réflexes qu’à 35 ou 50 ans", témoigne Evelyne. Pour les personnes âgées, la voiture symbolise la liberté et surtout un outil de tous les jours pour rester autonome.
Qui plaide pour un contrôle des personnes âgées ?
Il s’agit principalement des assureurs. Ils poussent les personnes âgées à faire des stages. Mais plusieurs d’entre eux ont constaté qu’il y avait des abus de la part de leur compagnie d’assurance.
A 77 ans, Marie-Pierre conduit tous les jours et possède un bonus au maximum depuis presque cinquante ans. Et pourtant début janvier, elle a reçu une lettre de son assurance lui demandant d’arrêter de conduire. "On m’a dit que je suis trop âgée et qu’à 77 ans, je ne faisais plus partie de l’assurance. Cela a été un choc, la dégringolade. On n’est plus bon à rien."
"De senior, je suis passée à vétéran d'emblée" :
Le cas de cette personne n’est pas isolé. La Halde, la haute autorité de lutte contre les discriminations, confirme qu'elle a été saisie de plusieurs plaintes car la loi interdit d’invoquer l’âge comme un motif de rupture de contrat.
Que font les pouvoirs publics ?
L’idée de limiter le permis de conduire pour les personnes âgées est revenue plusieurs fois au menu des discussions du comité interministériel de sécurité routière. Les pouvoirs publics ont évoqué des contrôles médicaux ou une interdiction de conduire la nuit sauf qu'à chaque fois, ils n’ont pas légiféré. "Aucun n’ont abouti. Clairement, c’est un sujet tabou à une veille d’élections. Ce n’est surtout pas le moment de s’attirer la colère de bons électeurs", explique Pascal Pennec, journaliste à Auto-plus.
L'année prochaine, le permis européen arrive en France. Une carte à puce renouvelable tous les 15 ans sera éditée pour les conducteurs. Selon les informations d’Europe 1, l’Assemblée n'exclut pas d'en profiter pour introduire une forme de contrôle médical. L'idée vient du député socialiste du bas-Rhin, Armand Jung : "ceux qui ont des problèmes de vue, on pourra demander un contrôle de médecins et une ordonnance. Mais ce phénomène peut arriver à quarante ans". Les contrôles pourraient donc être élargis à partir de 2013.
Dès 2002, l'instauration d'un contrôle médical pour tous les conducteurs et à rythme régulier pour les plus de 75 ans avait été envisagée. Mais les opposants à ces examens avaient fait reculer le pouvoir politique, nombre d'associations et représentants du corps médical estimant que cette mesure stigmatiserait les plus âgés. À cela s'ajoutent les chiffres: les personnes âgées ne sont pas, en réalité, plus dangereuses sur les routes que d'autres catégories de conducteurs. Elles représentent 16% de la population, mais seules 9 % sont mises en cause dans des accidents.
À l'étranger, la question a été tranchée autrement. Des pays ont mis en place des systèmes d'évaluations. C'est le cas de l'Espagne, de l'Italie ou encore des Pays-Bas. En Suisse encore, des contrôles médicaux ont lieu tous les deux ans pour les automobilistes à partir de 70 ans.
Seniors au volant : le rôle crucial des médecins :brice:
Des annonces toujours très délicates
Quand les médecins préviennent leurs patients qu'ils ne sont plus en assez bonne santé pour conduire, ils réduisent de 45 % les risques d'accident par la suite.
Les médecins ne devraient pas hésiter à conseiller à leurs patients d'arrêter de conduire pour des raisons médicales, d'après une étude menée au Canada. Quand les patients reçoivent ce genre de conseil, que ce soit de renoncer totalement à la conduite ou d'être très vigilant au volant, les risques d'accident grave sur la route sont réduits de 40 à 50 %, d'après le Dr Donald Redelmeier de l'université de Toronto, principal auteur de l'étude.
En nombre absolu, les conducteurs de plus de 65 ans n'ont pas plus d'accidents que les autres classes d'âges, et même bien moins que les jeunes, mais cela ne veut malheureusement pas dire que les risques pour les conducteurs seniors sont les mêmes que pour les autres, bien au contraire. Quand on rapporte le nombre d'accidents au nombre de kilomètres parcourus, les risques croissent très vite à partir de 70 ans, d'après des statistiques américaines. Malgré ce net progrès, les risques pour les personnes averties par leur médecin demeurent un peu plus élevés que pour le reste de la population générale.
Si les avertissements des médecins portent clairement leurs fruits et permettent de sauver des vies, les professionnels de santé notent que leurs actes sont loin d'être anodins pour ceux qui les reçoivent, et peuvent même affecter la relation avec le patient. Les auteurs de l'étude ont noté une augmentation de 25 % du nombre de consultations pour dépression dans l'année qui suivait la mise en garde, et 20 % des personnes ne retournaient ensuite plus chez le même généraliste.
«Annoncer à quelqu'un qu'il ne devrait plus conduire pour des raisons médicales est toujours un moment très délicat, témoigne le Dr Jacques Battistoni, secrétaire général du syndicat des médecins généralistes. Ce n'est jamais agréable de s'entendre dire que son état de santé va entraîner une perte d'autonomie.»