TÉLÉPHONER SUR LE LIEU DE TRAVAIL ET L'UTILISATION DE L'INTERNET
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Le lieu de travail, était traditionnellement considéré comme un espace professionnel, dans lequel la vie privée ne trouvait pas forcément sa place.
Cependant, avec l’évolution en matière sociale et les droits de plus en plus reconnus au salarié au sein même de l’entreprise, la question du respect de la vie privée est mise au devant de la scène.
Dès lors, le salarié se voit reconnaître une place pour sa vie privée dans son travail et le respect de celle-ci. La question de l’utilisation du téléphone mais également d’Internet est alors de plus en plus posée devant les tribunaux.
A. Concernant l’utilisation du téléphone :
La jurisprudence française, contrairement à la logique outre Atlantique a déjà consacré la tolérance de l’employeur vis à vis de l’utilisation du téléphone portable à des fins personnelles.
La CNIL (commission nationale informatique et liberté) évoque ainsi un usage admissible du téléphone à des fins personnelles selon la doctrine, usage normal et nécessaire tant au travail qu’à la paix sociale de l’entreprise. Il a également été jugé qu’un licenciement fondé sur une utilisation abusive du téléphone était dépourvu de cause réelle et sérieuse d’autant plus quand l’interdiction ne figure pas dans le règlement intérieur de l’entreprise, cette dernière est largement présumée tolérante.
Cependant, le fait pour un salarié d'user du téléphone de son entreprise « de façon continuelle et journalière à des fins privée » constitue pour la jurisprudence une faute réelle et sérieuse de licenciement (chambre sociale de la Cour de cassation, 7 novembre 1995).
B. Concernant l’utilisation d’Internet pendant les heures de travail :
L’utilisation de l’Internet au travail, bien qu’à prime abord, puisse apparaître comme nécessaire s’avère très vite problématique.
Cette pratique a certes, dans un premier temps considérablement facilité la tâche du salarié au sein de l’entreprise, ce qui a pour conséquence d’augmenter sa compétitivité, cependant, lorsque, durant les heures de travail, le salarié use de cet outil à des fins personnelles, le coût de consommation d'Internet va bien au-delà des simples frais de la location de lignes spécialisées facturées par un opérateur et l'entreprise perd de l'argent dans le meilleur des cas en le rémunérant, et dans les pires en prenant du retard dans les projets et en monopolisant sa bande passante .
C’est à partir de cette constatation qu’est née l’idée d’une « cybersurveillance » du salarié au sein de l’entreprise découlant du rapport de subordination qui le lie à son employeur, mais surtout des moyens appropriés pour le faire. En effet, ceci risque de se heurter à certains obstacles d’ordre législatif, notamment au principe de liberté professionnelle, mais plus important encore, à l’exigence du respect de la vie privée consacrée par l’article 6 CEDH.
Il convient alors de pouvoir concilier le droit du salarié au respect de sa vie privée, mais également le droit de l’employeur à la supervision du travail effectué pour son compte.
Il serait illusoire pour l’employeur, même par règlement intérieur, d’interdire toute utilisation personnelle de l’Internet, mais il peut s’avérer nécessaire, de contrôler celle- ci afin de ne pas nuire à la qualité de travail du salarié.
Une utilisation personnelle excessive de l’Internet au travail, peut justifier en France un motif de licenciement pour cause réelle et sérieuse, cependant, le contrôle par l’employeur de certains courriers à caractère personnel constitue une violation de la vie privée de son salarié.
Outre cette question des courriers électroniques, la visite de sites pornographiques pendant les heures de travail est également très présente. Les entreprises se rendent compte avec effroi que le nombre de sanctions disciplinaires pour des questions liées à l’Internet, dépasse le nombre de sanction pour comportement déloyal, violence etc.
La CNIL s’est penchée sur la question de l’utilisation d’Internet au travail tout comme elle s’était penchée sur l’utilisation du téléphone portable et en conclut dans un rapport rendu en février 2002 sur la cybersurveillance des internautes en milieu de travail, que les salariés utilisant Internet jouissent d’un droit à la vie privée.
Ainsi, au même titre que pour les conversations téléphoniques et les correspondances postales privées sur le lieu de travail, les employeurs ne devraient pas avoir un droit de regard sur les sites visités par leurs salariés ni imposer une censure sur les courriers électroniques reçus.
La commission précise en outre que le fait d’avertir les salariés qu’une surveillance sera effectuée à leur encontre ne suffit pas à tout justifier. La commission suggère alors l’établissement d’un contrat de transparence et de proportionnalité entre les patrons et les employés afin d’éviter les abus d’un côté comme de l’autre.
C'est dans le cadre du contentieux relatif aux sanctions disciplinaires et aux licenciements que le juge trouve l'occasion de déterminer les limites de l'utilisation d'Internet. Les litiges portent généralement sur le problème de la preuve, c'est-à-dire sur la possibilité pour l'employeur (privé ou public) d'invoquer l'utilisation d'Internet à des fins personnelles par le salarié pour justifier la prise de sanctions à son encontre.
Le problème de la validité de la preuve confère en effet au salarié un minimum de protection.
Néanmoins le juge n'hésite pas à sanctionner certaines pratiques. En outre, les récentes décisions de jurisprudence rendues en matière de cybersureveillance semblent témoigner d'une forme d'accroissement de la sévérité des juges à l'encontre des salariés.
Pour la jurisprudence, le principe de base est le suivant : « si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail, tout enregistrement, quels qu'en soient les motifs, d'images et de paroles, à leur insu, constitue un mode de preuve illicite » (Chambre sociale de la cour de cassation, 20 novembre 1991, Néocel c/ Spaeter).
Cependant, l’arrêt Nikon rendu par la cour de cassation le 2 octobre 2001 la cour s’est prononcée en faveur du salarié en rappelant le principe de l’interdiction faite à l’employeur de lire les messages personnels émis ou reçus par un salarié.
La Cour de Cassation a en effet jugé le licenciement dont a fait l’objet le salarié comme abusif au motif que « le salarié a droit, même au temps et lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur ».
En outre il apparaît alors que le principe du secret de la correspondance s'applique donc bel et bien à la correspondance « papier », mais aussi à la correspondance électronique.
Les solutions jurisprudentielles retenues en matière d'utilisation d'Internet à des fins personnelles s'inspirent très largement du droit applicable en matière de surveillance des écoutes, de correspondances privées et de vidéosurveillance des salariés.