Pourquoi les pompiers sont-ils moins volontaires qu’avant ?
DÉCRYPTAGE
Manque de reconnaissance, indemnisation insuffisante, fermeture des casernes... La fédération nationale des sapeurs-pompiers est inquiète.
Il y a une chute du nombre de pompiers volontaires en France. Six mille de moins qu’il y a six ans. Rien qu’en un an, leur nombre a diminué de 2 200, pour se porter à 195 200 début 2012. D'où l'alerte lancée par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSPF), actuellement en congrès à Chambéry. Cette érosion met en danger le système de secours français, assure la FNSPF qui rappelle que les effectifs des pompiers volontaires représentent 79 % des troupes. Ce samedi, à Chambéry, François Hollande leur a promis un «plan national». Vendredi, Manuel Valls avait déjà signé une charte pour relancer le volontariat.
Retour sur les raisons de cette crise des vocations. Des pompiers sous pression
Les demandes d’intervention grimpent d’année en année, d’environ 3% par an. En 2011, les pompiers sont intervenus 4,2 millions de fois sur le territoire. Ce qui équivaut à une intervention toutes les 7,4 secondes. «Et dans le même temps, nos effectifs de pompiers volontaires baissent… Vous voyez le problème ? Ceux qui sont encore là sont de plus en plus sous pression et finissent par craquer et quitter les troupes», explique le colonel Heyraud, secrétaire général de la FNSPF. Dans certaines casernes, notamment en zones rurales où les pompiers sont pour l'essentiel des bénévoles, les astreintes reviennent très (trop) souvent. Parfois une semaine sur deux, voire parfois tous les jours de l’année.
Un manque de reconnaissance
«Depuis Pâques 2012, il y a eu cinq promotions de la Légion d’honneur et seulement un pompier de décoré», a dit à l'AFP Eric Faure, président de la fédération. Derrière le sentiment d'un manque de reconnaissance, apparaît aussi la question de l’indemnisation, comme le souligne le colonel Heyraud : «Bien entendu, on ne devient pas pompier volontaire pour se faire de l’argent. C’est évident. Mais de là à en perdre…» Pendant une astreinte, lorsqu'il est appelé pour se rendre d’urgence à la caserne, le sapeur-pompier volontaire est indemnisé 7 euros de l’heure. Un pécule censé couvrir les frais d’essence et d’usure du véhicule. Sauf qu’il suffit d’habiter loin de la caserne, et le sapeur-pompier en est de sa poche.
La fermeture des casernes
571 casernes ont fermé en cinq ans. Or, c’est le point de ralliement des pompiers. Sans caserne, pas de pompiers. Quand l'une disparaît, les volontaires rangent souvent leur uniforme. C'est surtout le cas dans les petites communes, où les casernes, qui ne tournent parfois qu'avec des volontaires, sont les premières visées. «On résume la rentabilité au seul nombre d’interventions : une logique purement comptable de court terme. C’est le même problème que pour les petites maternités qui ferment car on considère qu’elles coûtent trop cher», regrette la fédération. On compte encore 7 300 casernes ouvertes.
La gestion des troupes
«On traite les sapeurs pompiers volontaires comme s’ils étaient des fonctionnaires alors que ce sont des citoyens engagés, s'indigne Heyraud. Il y a une volonté de tous les manager de la même façon, de les mettre tous dans le même moule. C’était une erreur et ça participe à l’érosion des troupes.» Il prend un exemple. Quand un volontaire s'engage, il doit suivre une formation pour savoir conduire tous les véhicules possibles… même si dans sa caserne, il n’y a qu’une ambulance et un petit camion incendie. «A quoi bon ?, commente-t-il. On alourdit pour rien les obligations, cela démotive les volontaires.»
La baisse du nombre de jeunes sapeurs-pompiers
La fédération souhaite que soit lancée une grande campagne de recrutement au niveau national pour susciter des vocations. En ciblant notamment les femmes (elles représentent 13 % des effectifs aujourd’hui) et les jeunes. On peut devenir sapeur-pompier volontaire à partir de 16 ans. Dans le passé, avant de devenir pompiers, les enfants passaient par la case «Jeunes sapeurs-pompiers», ouverte aux 11-18 ans où ils apprenaient les gestes de premiers secours. Ce vivier de recrutement s’est raréfié au fil des années, faute de bénévoles pour les encadrer. Ils étaient 26 000 en 2011, 2000 de moins qu’en 2007.
Marie PIQUEMAL : 12 octobre 2013
http://www.liberation.fr/societe/2013/10/12/pourquoi-les-pompiers-sont-ils-moins-volontaires-qu-avant_938807