Pompiers pyromanes : «un risque difficile à détecter»
INTERVIEW - des sapeurs-pompiers volontaires figurent parmi les incendiaires.
Pascal Perez Guertault, psychologue du travail et des organisations, secrétaire de l'Association européenne des psychologues sapeurs-pompiers (AEPSP), explique au figaro.fr ce qui peut pousser des pompiers à mettre le feu.
Peut-on parler de «pathologie» pour la pyromanie ?
La pyromanie est une forme de passage à l'acte, ce n'est pas une pathologie à proprement parler. C'est une situation où la personne pyromane n'est pas en situation de frein mental par rapport à son potentiel d'actes.
Quelles peuvent être les motivations des pompiers pyromanes ?
Au-delà du simple passage à l'acte, il peut y avoir une certaine cohérence. Avant tout cela permet une nouvelle intervention. Un feu, c'est de la jouissance, sortir sur un feu est excitant pour un pompier. Il y a également l'aspect financier, surtout pour des pompiers volontaires qui peuvent ainsi augmenter leur rémunération variable.
Des tests psychologiques sont-ils effectués sur les pompiers ?
Il n'y a pas véritablement de dépistage. Tout d'abord, au sein des pompiers, le métier de psychologue est assez récent. C'est en 1995 qu'on a compris l'enjeu d'en avoir en interne.
Par ailleurs, le risque de pyromanie est difficile à mesurer. Des tests psychologiques sont effectués lors du recrutement et il n'en existe pas de spécifique pour détecter des pyromanes. On peut évaluer aussi les risques au cours d'enquête et de recherches sur le passé des jeunes recrues. J'ai eu par exemple le cas d'un excellent pompier qui a avait mis le feu à son établissement scolaire, lorsqu'il était jeune.
Attention cependant : l'attrait pour le feu peut également signifier l'attrait pour la profession de pompier. Un gamin qui joue avec des pétards et de l'alcool à brûler peut tout à fait devenir un bon pompier, sans forcément être un pyromane.
La mise en danger de la vie de personnes, notamment de collègues, n'influe-t-elle pas sur le comportement des pompiers incendiaires ?
C'est sûrement difficile à comprendre, mais le métier de pompier fait cohabiter l'excitation d'intervenir, de peut-être réaliser «l'intervention de sa vie», avec l'horreur indicible que vivent les victimes. Le plaisir de «décaler» (partir en intervention dans le jargon pompier, ndlr) est mis en face de la souffrance des personnes. Lorsqu'un pompier met le feu à une forêt, il ne pense pas aux dégâts et souffrances que cela va engendrer. Il y a un filtrage mental des conséquences de l'acte. Plus généralement dans la profession, il existe un très fort déni du risque, c'est tout simplement ce qui leur permet de continuer à travailler.
L'auteur : Propos recueillis par Mathieu Szeradzki (lefigaro.fr)