Et aujourd'hui .... Jamais les professionnels de santé n'ont été aussi mal répartis en France. Cette fracture territoriale, profonde et persistante, n'est pas près de se réduire, comme le démontre une étude que "L'Expansion" publie en avant-première.
-http://www.lexpansion.com/economie/la-verite-sur-le-desert-medical-francais_239661.html
L'accès aux soins, c'est pouvoir trouver près de chez soi un kiné, un généraliste, un dentiste, des infirmières et, pas trop loin, des spécialistes.
Or cet accès devient compliqué. Dans le nord du pays, seules les villes sièges d'une fac de médecine sont épargnées. Au sud, la situation des zones rurales se dégrade, parfois à quelques dizaines de kilomètres seulement du littoral.
Rouge : alarmant.
Saumon : difficile.
Vert clair : dans la moyenne.
Vert : bon.
Vert foncé : excellent.
Un score est attribué à chaque canton. Il est établi à partir de la densité de chaque profession de santé. Pivot du système, celle des généralistes est notée sur 20. Les dentistes et les podologues, auxquels le recours est moins fréquent, sont notés sur 10, comme les infirmiers libéraux et les kinés. Comme il est naturel que les spécialistes libéraux et salariés ne soient pas présents dans l'ensemble des cantons, la note, attribuée ici sur 30, est celle du territoire de santé auquel le canton est rattaché. La note totale est obtenue sur 90, donnée en moyenne sur 10, et regroupée ici en cinq catégories.
Brossac, dans la campagne charentaise. Depuis le départ à la retraite du seul généraliste du village, en 2008, le maire ne sait plus que faire pour le remplacer. Joseph Rousselière a fait construire une maison médicale. Il a tenté d'appâter des étudiants en médecine. Il a songé à faire venir un médecin de l'étranger, avant de renoncer - dans un bourg voisin, l'expérience avait tourné court. "Chez nous, la population est âgée. Or le médecin le plus proche est à plus de 10 kilomètres", déplore-t-il.
Un scénario classique ? Certes. Mais aussi de plus en plus fréquent, comme le confirme le directeur d'une agence régionale de santé de l'Ouest : "A chaque réactualisation de nos statistiques, nous voyons les zones en difficulté s'étendre", soupire-t-il. Au total, la dégradation de l'offre de soins touche désormais plus du tiers de la population : c'est l'une des conclusions chocs du rapport réalisé par les géographes de la santé Emmanuel Vigneron et Sandrine Haas (1) pour la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés (Fehap) non lucratifs, que L'Expansion présente ici en avant-première. L'intérêt de leur travail : avoir exploité les données les plus récentes (mai 2010) à une échelle très fine (les cantons ou les territoires de santé), quand les études officielles restent souvent à l'échelon départemental, avec une année au moins de décalage. Surtout, un vaste spectre est balayé : médecins généralistes et spécialistes, infirmières, kinés et dentistes, mais aussi centres de rééducation postopératoire ou de dialyse, hospitalisation à domicile, maisons de retraite et structures pour handicapés. Autant de données croisées avec les caractéristiques de la population. Et un résultat sans appel : "Jamais l'offre de soins n'a été aussi mal répartie", martèle Emmanuel Vigneron.
Concentration autour des facs de médecine
Prenons l'exemple des professionnels de santé. Au-delà de la fracture entre le Nord et le Sud, un phénomène nouveau se dessine : le décrochage des petites villes par rapport aux grands centres urbains. "Les jeunes médecins s'installent près de leur faculté. Les infirmiers et les kinés vont là où sont les docteurs, car ils dépendent de leurs prescriptions pour travailler. On voit donc apparaître de véritables métropoles médicales, avec un nombre de soignants démesurément élevé", notent les auteurs de l'étude. Une tendance accentuée par les dentistes et par les podologues, dont la répartition suit celle des médecins alors que ces deux professions travaillent sans prescription. "Il ne faut pas de tout partout, bien sûr. Mais la géographie de l'offre devrait correspondre à celle des besoins. Or c'est de moins en moins le cas", ajoute Emmanuel Vigneron. Des exemples ? L'absence de corrélation entre la répartition des gynécologues obstétriciens et celle de la natalité.
Ou, plus connu, le manque de généralistes dans les territoires ruraux, peuplés de personnes âgées.