Aux portes de la Haute-Vallée de l’Aude pas question de fanfaronner mais juste un sentiment d’avoir accompli un long chemin et d’être arrivé au bout. Un peu comme un pèlerin qui a rallié Saint Jacques de Compostelle.
C’est désormais écrit, attesté par un document rédigé en vieux français : c’est à Limoux qu’apparaît pour la première fois dans l’histoire mondiale, un vin effervescent. La blanquette fabriquée par les moines bénédictins de Saint Hilaire donnera des idées à d’autres, moines et bénédictins eux aussi, mais plus au Nord.
Mais c’est ici, dans un petit village lové entre Limoux et Carcassonne, secoué par l’histoire (de la guerre de 100 ans à l’épopée cathare) que le premier flacon effervescent a vu le jour. Ici et nulle part ailleurs.
Le mythe de Dom Pérignon
Richard Planas, directeur du syndicat du Cru de l’AOC Limoux ne veut plus rentrer dans la polémique qui longtemps a opposé les Champenois aux Limouxins : «nous avons désormais la certitude d’avoir le vin le plus anciennement cité, c’est un fait indiscutable».
Et il préfère se concentrer sur cette invention qui a transformé l’histoire du vin. «L’effervescence, on sait que c’est un phénomène naturel ; le fait de l’homme, c’est la domestication de la bulle. Et ça, c’est une notion, ou un savoir-faire récent».
Il y a les faits et il y a l’histoire. Dom Pérignon était bénédictin… comme les moines de Saint-Hilaire. Est-il venu en terre d’Aude dans sa jeunesse ? A-t-il emporté dans son pays le secret ? Une théorie que les vignerons d’ici diffusaient avec une pointe de malice. Mais qui n’est étayée sur aucun fondement historique.
«La seule trace, avant 1544 c’est la date de 1531 qui fut citée par un scientifique dans les années 30» poursuit Richard Planas. Une date cohérente dans la mesure où on imagine qu’avant 1544, les moines maîtrisaient déjà leur sujet.
À l’Abbaye de Saint-Hilaire, tous les documents écrits, les archives ont brûlé. Ce qui excite le plus les chercheurs désormais, c’est comment la blanquette a pu naître.
La Blanquette de Limoux, le plus vieux brut du monde… fut inventée par les moines de Saint Hilaire en 1531. Cette invention fut apparemment fortuite par un moine qui découvrit que le vin, qu’il avait mis en bouteilles et soigneusement bouché de liège, formait des bulles comme s’il commençait une nouvelle fermentation…
Cette Blanquette originelle appelée aujourd’hui « Blanquette Méthode Ancestrale » est élaborée à partir d’un cépage unique dont les sucres et ferments suffisent à l’élaboration d’un vin léger et pétillant, peu alcoolisé (6 à 7°). La mise en bouteille se fait à la vieille lune de Mars.
Un accident de l'histoire :ange:
Comme pour beaucoup d’inventions culinaires, la blanquette, le premier vin effervescent du monde pourrait avoir vu le jour par accident.
«L’hypothèse se tient, confirme Richard Planas, et les premières bulles pourraient être liées à un redémarrage de fermentation. Ce serait un accident dû à un événement climatique. On peut imaginer un coup de froid après la mise en bouteille, puis un coup de chaud qui ait fait repartir la fermentation et qui explique les bulles». Bien sûr, à partir de ce moment-là, l’art de l’homme, sa main, la main des moines, interviennent dans le processus pour maîtriser cette fermentation.
Merci aux Anglais
Le deuxième clin d’œil de l’histoire de la blanquette vient des Anglais : Au XIV et XVe siècles, un des amiraux de la Navy a convaincu des risques de la déforestation (on rasait des forêts entières pour se chauffer) et insiste pour le développement de la houille. Richard Planas conclut : «Cela a permis des verres de plus grande qualité, et donc par ricochet, ça a facilité le commerce de la bulle».
Le reste appartient à l’histoire moderne. Crémant et blanquette de Limoux sont désormais connus dans le monde entier.
Un précieux document conservé aux archives départementales de Carcassonne atteste que Limoux est à l’origine du plus vieil effervescent du monde. En 1544, le calvaire de Limoux consigne dans un de ses livres de comptes que la Blanquette a été fournie au sieur d’Arques. C’est écrit en ancien français.
«Journées et fournitures faites par moy, Bertrand Pellet (...) Le XXVe d’octobre au sieur d’Arques, pour six justes claret pour son souper et quatre pinctes blanquette et deux vin clairet pour disner et pour quatre flascons de vin claret (...). ». Comprenne qui pourra, mais la blanquette est bien là !
10 millions de bouteilles.
Les bulles dans leur version moderne se divisent en trois catégories, le Crémant, la blanquette et la méthode ancestrale. 10 millions de bouteilles sont produites chaque année. 5 millions pour le Crémant, qui est de plus en plus plébiscité, 4, 5 pour la blanquette et 500 000 pour la blanquette ancestrale. Le tout fait par 50 vignerons ou caves. L’alcool est dangereux pour la santé, consommer avec modération.
1531 : le Plus Vieux Brut du Monde PDB
C'est en 1531 que les abbés de St Hilaire (à quelques Kms de Limoux), qui cultivaient le Mauzac à grains dorés (appelé "Blanquette"), découvraient ainsi le vin pétillant naturel, la véritable Blanquette de Limoux, le Plus Vieux Brut du Monde.
Après 3 siècles de "Méthode Ancestrale", la Blanquette de Limoux est à ce jour une Appellation d'Origine Contrôlée (AOC), ayant une règlemention stricte au plus haut niveau, pour maintenir sa qualité. Production volontairement limitée et exclusivement en coteaux, vendanges manuelles, transport du raisin en caisse de 35 kgs.
Une 2ème fermentation naturelle en bouteille, qui produit la mousse naturelle. Vieillissement long. Labélisation obligatoire. Remuage manuel sur pupitre (1/4 de tour par jour pour amener le dépôt de fermentation sur le bouchon). Dégorgement (expulsion du dépôt). Bouchage liège et muselets. Sa typicité vient du cépage traditionnel de Limoux : le Mauzac présent au moins à 90 % dans l'assemblage.
Elle est le reflet de la richesse exceptionnelle de notre terroir et de notre histoire.
La Blanquette de Limoux se décline aussi en Brut et en Demi-sec.
Sébastien Dubos
http://www.ladepeche.fr/article/2014/01/05/1788167-a-limoux-les-premieres-bulles-ont-pres-de-500-ans.html