Oloron (64) : des gendarmes spéléo au cœur des faits divers emblématiques
Uniques en France, les gendarmes spéléos participent à des enquêtes criminelles au retentissement national. Plongée dans leur quotidien des gendarmes spéléo au cœur des faits divers emblématiques
Dépêchés dans le Gard pour rechercher Chloé, les militaires du Groupe spéléo de la gendarmerie nationale (GSGN) n'ont pas fait de funeste découverte dans l'un des puits qu'ils ont inspectés. Le lendemain de leur arrivée, l'adolescente de 15 ans originaire de Barjac était découverte en Allemagne, dans le coffre de la voiture de l'homme de 32 ans qui l'avait enlevée.
Le dénouement n'a pas toujours été heureux pour ces gendarmes au profil unique qui interviennent en France, et même au-delà de l'Hexagone.
Basé à Oloron-Sainte-Marie, le GSGN est l'un des deux existants en France, avec une unité équivalente située à Grenoble.
Des égouts aux fosses à lisier
Mais à l'inverse des Isérois qui ont compétence uniquement dans les Alpes, les Pyrénéens se déplacent sur tout le reste du territoire et participent à des enquêtes criminelles au retentissement national.
Il s'agit des seuls gendarmes habilités à mener des enquêtes de police judiciaire sous terre. Dans l'eau et sous terre, éclairés par le clair-obscur de leur lampe à acétylène, ils effectuent des missions variées : élucider les circonstances du décès des spéléologues morts pendant l'exercice de leur loisir, déterminer l'origine d'une pollution d'une rivière, etc…
Le tout en se préservant des multiples dangers qui surgissent dans les profondeurs : émanations toxiques, éboulements, crues, etc.
Méconnu parfois même parmi ses collègues gendarmes, le GSGN est pourtant né en 1974. « À l'origine, il était constitué de gendarmes de Tardets », explique l'adjudant-chef Eric Teillet, à la tête du groupe - dont il est le doyen - depuis deux ans. Ce militaire affecté au peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) d'Oloron a intégré le groupe en 1987 et est l'un des deux membres titulaires du brevet d'État spéléo.
Particularité du groupe spéléo : le regroupement s'est formé avec des gendarmes issus de différentes unités, brigades et services. Six militaires viennent ainsi du PGHM d'Oloron ; quatre sont des plongeurs de la brigade nautique d'Hendaye ; d'autres viennent du Psig (peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie d'Oloron), de la brigade de recherches d'Oloron. L'unité comprend aussi un technicien en identification criminelle (TIC) rattaché au groupement départemental à Pau, qui intervient notamment quand un corps est retrouvé, qu'il ait été évacué ou non.
« La 14e mallette »
Ce matin-là de novembre, le TIC est justement à pied d'œuvre dans une cavité proche d'Oloron. Un homme gît à terre, un fusil à portée de main, des traces de sang sur une joue. Sitôt arrivé, l'adjudant-chef Denis G. prend des photos de la scène, note chaque pièce et dessine des croquis à la main. Aujourd'hui ce n'est qu'un exercice.
C'est un gendarme qui mime une personne suicidée. « Nous sommes un bras de plus au technicien d'investigation criminelle qui accomplit les mêmes taches en surface », explique le TIC. Mais sous terre, il n'enfile pas les fameuses blouses blanches qui sont le corollaire des expertises sur les scènes de crime.
Il ne se déplace pas non plus avec les 13 mallettes nécessaires à tous les relevés. Mais il embarque quand même des échantillons, gants, masques, matériel de prélèvement biologique et d'empreintes, moulages. « Je suis la 14e mallette », sourit celui qui insiste sur la dimension collective de son travail. « Il y a toujours quelqu'un avec moi pour assurer la sécurité. » Les anfractuosités cachées peuvent devenir des pièges.
Toute traces suspectes est recherchée. Voilà quelques années, il avait ainsi relevé une empreinte digitale sur de la glaise, dans le causse du Massif Central. Elle a été précieuse dans la résolution d'une enquête visant à mettre fin à un trafic de cristaux d'aragonites.
D'abord la géologie des lieux
Sous terre, les enquêtes se scindent en deux grands volets : à côté des investigations criminelles, l'environnement prend une importance accrue, par le filtre de la pollution de l'eau ou du déversement sauvage de déchets. Ou encore pour jauger les activités industrielles ou agricoles près des sites classés (Natura 2000, grottes préhistoriques, etc.).
« Les cours d'eau alimentent les zones polluées. Notre but est de trouver l'origine physique de la pollution ainsi que le produit incriminé », souligne le maréchal des logis chef Olivier B.., un enquêteur environnement et santé publique. Ils doivent articuler les prélèvements pratiqués à la surface et sous terre. Et donc étudier la géologie des lieux. « Les cavités souterraines et naturelles sont bien répertoriées », glisse l'enquêteur.
Recueillis dans des flacons, plusieurs prélèvements sont effectués en amont et en aval du lieu de la découverte d'une pollution. Une fois les scellés posés, des analyses biologiques et chimiques seront pratiquées au laboratoire de l'Institut de la recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), à Rosny-sous-Bois, près de Paris. Ou dans un laboratoire privé en cas d'urgence.
Des mesures sont aussi effectuées sur place : température de l'eau, taux d'oxygène dissous qui mesure la possibilité pour les espèces de vivre en milieu aquatique, ou encore le PH. Un indicateur très important. « S'il est basique, c'est-à-dire proche de 14, on pencherait vers une pollution d'origine chimique, comme un déversement de soude. S'il est acide et donc proche de zéro, on tendrait vers une pollution d'origine agricole (nitrates, épandage de lisiers, déversement d'une cuve de lait) », détaille Olivier B... « Le plus souvent, il s'agit d'une pollution d'origine accidentelle, c'est-à-dire provenant d'une erreur humaine ou technique », observe le militaire.