Auteur Sujet: Les chiens dans la gendarmerie, une histoire méconnue  (Lu 48723 fois)

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En 2025, le Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG), implanté à Gramat, dans le Lot, fête ses 80 ans.

Aujourd’hui, la gendarmerie compte 475 équipes cynophiles et 630 chiens, engagés en métropole comme en outre-mer, aussi bien en gendarmerie départementale que dans les composantes spécialisées : gendarmerie maritime, gendarmerie de l’armement, gendarmerie des transports aériens, Garde républicaine ou encore GIGN.

Dix-huit technicités sont désormais déployées sur le terrain : de la recherche de personnes à la détection de stupéfiants, d’armes, d’explosifs, de billets, ou encore, plus récemment, de supports de données numériques, dernière technicité développée par le CNICG.

Ce dossier met en lumière l’histoire, les évolutions et les acteurs de la cynotechnie en gendarmerie, dont les témoignages vous plongent dans un univers à la fois exigeant et passionnant.

Le Centre national d'instruction cynophile de la Gendarmerie (CNICG) fête en ce mois de juin ses 80 ans d'existence. Gendinfo vous expliquera tout ce qu'il faut savoir sur le centre et sur l'instruction cynophile au cours d'une série d'articles. Commençons par le commencement avec l'histoire des chiens en gendarmerie.

Ce n'est qu'à partir de la seconde moitié du XXe siècle que le chien fait son arrivée dans les brigades de gendarmerie. Mais en quelques décennies, l'Institution a réussi à acquérir un savoir-faire cynotechnique reconnu au niveau international. Aujourd'hui, elle compte 630 chiens pour 475 équipes cynophiles et déploie dix-huit technicités, continuant à innover pour gagner toujours plus en efficacité opérationnelle, à l'instar de la dernière née : la recherche de supports de données numériques.

La gendarmerie, une « force humaine »… et canine !
Dès 1921, une circulaire évoque l'emploi de chiens de sécurité dans la compagnie autonome de Corse, mais l'expérience est abandonnée au bout de quelques années.

Il faut attendre 1943 pour qu’une instruction du 30 juillet autorise l’arrivée de « chiens policiers » dans quatorze brigades frontalières du Nord et cinq autres du Sud, ainsi que de « chiens de montagne » dans six brigades des Hautes-Pyrénées. L'expérience s'avérant concluante, elle est étendue, dès 1944, à l'ensemble du territoire métropolitain. Mais les dotations en chiens restent faibles.

1945 : installation d’un chenil central à Gramat
L'installation, en 1945, à Gramat, par l'institution, d'un chenil central et l’instruction du 7 décembre 1950 posent les fondements de la cynotechnie en gendarmerie. En quelques années, les effectifs canins passent de 83 chiens en 1947, à 200 en 1950, puis à 299 en 1960.

Les succès initiaux n'empêchent pas des critiques qui nuisent à l'essor de la filière. Les effectifs canins tombent de 270 à 233 chiens entre 1970 et 1980. Néanmoins, l'amélioration du recrutement et de la formation, ainsi que la diversification des technicités, contribuent à inverser la tendance. Les effectifs canins remontent à 288 en 1983, à 347 en 1992, à 384 en 2001.

De la gendarmerie départementale aux unités spécialisées
Les premiers chiens servent dans la gendarmerie départementale, notamment au sein des brigades de recherches, mais on en trouve aussi dans la gendarmerie mobile dès 1951. Ils intègrent ensuite plusieurs types d'unités, comme les Pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG), créés en 1977, le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), dès 1978, la Gendarmerie des transports aériens (GTA), depuis 1988, ainsi que la gendarmerie maritime et la garde républicaine, depuis 2010.

2025 : 630 chiens pour 475 équipes cynophiles
À partir de 2002, une véritable force cynophile s’établit dans la gendarmerie, à travers une refonte complète du dispositif canin réparti sur trois niveaux : les PSIG, les Groupes d'investigations cynophiles (GIC) et le Groupe national d'investigation cynophile de la gendarmerie (GNICG). Installé à Gramat, le GNICG propose des technicités rares, et peut être projeté en cas d’urgence. On trouve en outre un réseau de référents cynophiles régionaux et un référent national auprès du Directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN).

En 2025, la gendarmerie nationale possède 630 chiens pour 475 équipes cynophiles.

Un pôle de formation de référence cynotechnique à Gramat
Avec l'acquisition, en 1945, d'un ancien centre hippique militaire près de Gramat, la gendarmerie nationale se dote de son premier centre de formation spécialisé. L’établissement, situé à la sortie nord-est de Gramat, au lieu-dit « Le Ségala », s’étend sur une emprise de 14 hectares.

Durant les premières années d'après-guerre, dans un contexte de pénurie générale, les moyens sont limités, mais la détermination des premiers chefs du chenil central, notamment les capitaines Gervaise et Lacaze, permet de développer un véritable savoir-faire. Certaines pratiques initiales sont très tôt remises en cause, comme l'élevage, abandonné dès 1952.

Dès 1970, diversification des technicités, au nombre de dix-huit aujourd’hui
Toutefois, les cadres de Gramat parviennent à améliorer la formation des maîtres de chiens et surtout à diversifier les technicités de recherche des chiens avec : les victimes d'avalanche en 1970, les stupéfiants en 1973, les explosifs en 1988, les traces de sang en 1999, les armes et munitions en 2001, les produits accélérateurs d’incendie en 2004, les billets en 2007, les explosifs sur personnes en mouvement en 2016, le chien stupéfiants et défense renforcée, c'est-à-dire la recherche de stupéfiants sur personnes en mouvement (2021) et la recherche de supports de données numériques en 2024.

Au total, il existe aujourd’hui dix-huit spécialités différentes. La circulaire du 1er juin 2017 précise que les équipes cynophiles peuvent être qualifiées dans une technicité unique ou multiple (ex. : stupéfiants/armes - munitions/billets).

Plus de 18 races différentes
En matière de chiens, les races employées ne se sont jamais limitées au berger allemand. Elles ont évolué dans le temps. Au total, la gendarmerie a utilisé 18 races différentes et des chiens croisés : le berger belge, l'English Springer Spaniel, le Saint-Hubert, le berger hollandais, le Stafford Bull-Terrier, le braque allemand, le Jack Russel Terrier, le bouvier des Flandres, le labrador retriever, le berger de Beauce, le Rottweiler, le Fox-Terrier Smooth, le boxer, le Terre-Neuve, le Dobermann, le Pitbull...

Si la piste froide est toujours une technicité essentiellement mise en œuvre par les Saint-Hubert, une nouvelle race est actuellement testée : le black and tan coonhound.

Un musée et un jardin du souvenir à Gramat
Au cours de son histoire, le chenil central a changé plusieurs fois de nom. Le 23 novembre 1960, il est baptisé "Godefroid-Gamin". Il devient le Centre de formation des maîtres de chien de la gendarmerie (CFMCG) en 1972. En septembre 1984, il se voit attribuer le rang d’École de sous-officiers de la gendarmerie (ESOG). Il s'appelle le Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG) depuis 1996. En dehors de Gramat, un chenil central de la gendarmerie a existé en Algérie, à Beni-Messous, des années 1950 à 1962.

Le CNICG conserve la mémoire de son passé à travers son musée, accessible au public lors des journées portes ouvertes, et son jardin du souvenir rassemblant les cendres d'une partie des chiens ayant servi dans la gendarmerie. Parmi eux figure Gamin, qui a fait preuve d'une fidélité à toute épreuve à l'égard de son maître, le gendarme Godefroid, tué en Algérie en 1958. C'est le seul chien, avec Allan, à avoir reçu la médaille de la gendarmerie.

Source https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/histoire/les-chiens-dans-la-gendarmerie-une-histoire-meconnue2

Par par le commandant Benoît Haberbusch, du Centre de recherche de l'École des officiers de la gendarmerie nationale, et Lionel Mathieu, ancien maître de chien de la gendarmerie
Publié le 31 mai 2025

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Re : Les chiens dans la gendarmerie, une histoire méconnue
« Réponse #1 le: 23 juin 2025, 11:38:34 »
Trophées des chiens héros : l’adjudante Anne-Laure et son chien Phalko reçoivent le Prix Spécial J.O. Paris 2024

À l’occasion de la 5e édition des Trophées des chiens héros, qui s’est déroulée à Paris, ce mercredi 2 avril 2025, l’adjudante Anne-Laure et son chien Phalko, du groupe d'investigations cynophile d'Ambérieu-en-Bugey, dans l’Ain, ont reçu le Prix Spécial J.O. Paris 2024, qui vise à récompenser l’engagement des différents acteurs publics et privés ayant mobilisé des équipes cynophiles lors de cet événement d’ampleur. L’occasion de revenir sur le parcours et le quotidien de cette jeune équipe spécialisée dans la recherche d’explosifs, mais aussi sur le projet de maison de retraite pour les chiens de gendarmerie réformés porté par la militaire.

L’histoire de l’adjudante Anne-Laure et de son chien Phalko est celle de deux parcours atypiques qui se sont croisés.
Atypique parce qu'Anne-Laure a décidé il y a longtemps d'intégrer la gendarmerie avec la ferme intention de devenir maître de chien. Son choix de carrière s’est forgé dès la troisième, puis a été confirmé par un stage auprès des chiens guides d’aveugles. Mue par son attrait pour les animaux en général, et plus particulièrement pour les chiens, et par sa volonté de servir dans un corps armé, la gendarmerie s’impose comme une évidence : « Être au service de la population et de sa sécurité, cette mission me correspondait parfaitement. »

Après avoir obtenu son baccalauréat à 17 ans et demi et une licence en STAPS en poche, elle se sent émotionnellement prête et dotée de la maturité nécessaire pour faire face aux difficultés du métier. En 2011, à 22 ans, sans passer par la case « Gendarme adjoint volontaire (GAV) », elle réussit le concours du premier coup et intègre l’école de sous-officiers de Châteaulin. Douze mois plus tard, elle est affectée en brigade territoriale en région Rhône-Alpes (d’abord à Bourg-Argental, dans la Loire, puis à Thoiry, dans l’Ain), conformément à son choix, là encore motivé par son objectif professionnel, car « la région comptait le plus de postes de maîtres de chien ». Elle se présente rapidement aux tests de maître de chien, sans les réussir. En attendant de pouvoir les repasser, elle se présente à l'examen d'Officier de police judiciaire (OPJ), qu’elle obtient en 2015. Durant cette période, elle fait également partie de l'équipe de France militaire de rugby. En 2016, elle retente, cette fois avec succès, les tests de sélection, mais doit attendre avril 2021, en raison de la pandémie de COVID-19, pour partir en stage à Gramat.

Une prise en main déstabilisante
À son arrivée au CNICG, elle passe d’abord des tests physiques. Puis, le troisième jour, elle fait enfin la connaissance de son futur partenaire lors de la « cérémonie du mariage ». Mais cette rencontre n’est pas celle à laquelle la jeune militaire s’attendait. Phalko est un jeune berger belge malinois de deux ans à peine, particulièrement méfiant envers les êtres humains et imprévisible dans ses réactions. Leur première prise de contact est particulière, voire déstabilisante, « car il était très attaché à son instructeur et moi j’étais juste celle qui tenait sa laisse. Les premiers temps, il grognait, me montrait même les crocs. Son comportement était très certainement lié à son histoire, mais on l’ignore. Il a donc fallu gagner sa confiance à grand renfort de câlins. Il ne la donne pas facilement, mais une fois qu’elle est donnée, c’est pour toujours. Nous nous sommes progressivement apprivoisés. Il a arrêté de me montrer les dents, mais il continuait de le faire avec les autres personnes. »

Après trois mois et demi de formation, le binôme est opérationnel et rejoint sa nouvelle affectation au Groupe d'investigations cynophile (GIC) d'Ambérieu-en-Bugey, dans l’Ain, dès le 15 juillet 2021. Toutefois, si Phalko a acquis toutes les technicités requises pour être opérationnel en matière de recherche d’explosifs, il n’est toujours pas apte à la vie en société, que ce soit au contact des hommes ou de ses congénères. « Au cours des deux premières semaines, il a mordu trois de mes collègues. Il n’avait aucun des codes ou des signaux que les chiens envoient habituellement avant d’attaquer. C’était une situation très compliquée dans une technicité où le chien travaille souvent en liberté. Il a donc fallu lui inculquer ces codes et le réadapter à la vie aux côtés des humains. Cela a suscité beaucoup de remises en question, mais j’ai eu la chance d’être accompagnée et conseillée par mes collègues du GIC. »

« Le chien d’une vie »
Au cours de cette phase de réadaptation, qui a duré environ un an et demi, il a aussi fallu rééduquer Phalko dans ses rapports sociaux avec les autres chiens. « Au début, c'était catastrophique. Alors je l’ai mis au contact d’un de mes chiens personnels, qui l'a aidé à reprendre confiance avec ses congénères. Aujourd'hui, ça se passe bien avec les autres chiens du chenil, et avec Stark, mon second chien opérationnel, spécialisé en piste-défense, ils sont toujours en train de jouer. Mais lors de cette cérémonie, j’ai quand même préféré qu’il soit muselé pour éviter tout incident. »

Loin d’être simple, ce premier binômage aura eu l’avantage, de son propre aveu, de faire « grandir » l’adjudante Anne-Laure dans le domaine cynophile. « Il m’a poussée à chercher des solutions et à mettre en place de nouvelles méthodes de travail. Aujourd’hui, il a vraiment changé. Il me fait totalement confiance et je peux tout faire avec lui ; je suis devenue son repère. Mais je n’aurais pas réussi toute seule, nous nous sommes investis tous les deux. Même si j’ai un second chien depuis avril 2023, et que j’en aurai d’autres par la suite, je pense que Phalko sera vraiment le chien d'une vie. En plus d'être le premier, c'est le chien qui m'a vraiment tout appris et il est vraiment très attachant. »

L’heure des premiers engagements
Tout en poursuivant cet apprentissage comportemental, Anne-Laure et Phalko font très rapidement leurs premiers pas sur le terrain. Une semaine après la fin du stage, l’équipe était ainsi engagée à Ambert à l’occasion de la visite officielle du Premier ministre, venu décorer les gendarmes intervenus lors de la tragique nuit du 22 au 23 décembre 2020, au cours de laquelle trois gendarmes avaient été tués et un quatrième blessé par les tirs mortels d’un homme retranché. « C'était ma première mission de décontamination, ma première visite officielle. J'étais en binôme avec un autre collègue explo pour assurer un tuilage lors de mes premières interventions. »

Après une année 2021 assez calme pour les chiens explo, les missions vont s’enchaîner sur fond de menace terroriste prégnante  : visites officielles, événements sportifs tels que le Tour de France, puis le procès des attentats à Paris en juin 2022, « ma première mission en autonomie totale, particulièrement intense et marquante de par son ampleur et son caractère historique ». À l'automne 2023, l'ancienne joueuse de rugby participe à la sécurisation des épreuves de la Coupe du monde de rugby, un avant-goût de ce qui l'attend l'année suivante, marquée par les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

« Je suis descendue à Marseille pour l'arrivée de la Flamme le 8 mai. Il devait bien y avoir une cinquantaine de chiens issus de toutes les administrations possibles. En deux jours, nous avons décontaminé près de 3 000 bateaux. C'était plutôt intense, mais vraiment chouette d’assister à cet événement et d’y contribuer à mon niveau. Ensuite, j'ai suivi toutes les étapes des Relais des Flammes Olympique et Paralympique en région Rhône-Alpes. Pendant les Jeux, je suis restée mobilisée en Rhône-Alpes, car depuis le mois de juin 2024, Phalko est le seul chien explo de la région en gendarmerie départementale. Il y a trois autres chiens explo en gendarmerie des transports aériens et un cinquième en police. Mais cela reste peu pour notre zone d’action. Nous avons principalement décontaminé le Groupama Stadium, des sous-sols au plafond. Le jour de la première décontamination, il devait y avoir une trentaine de chiens, avec des renforts européens. Ensuite, lors des Jeux, nous étions deux équipes cyno, accompagnées des EOR (Explosive Ordnance Reconnaissance) et des démineurs. »

Sa dernière intervention marquante a eu lieu en mars 2025, sur un véhicule suspect, dans un contexte de menaces terroristes visant la société de la victime. « Le contexte était très tendu. La situation a nécessité la mise en place d’un périmètre de sécurité, l'évacuation des habitations voisines, une interaction avec les pompiers, la préfecture et les démineurs. C’était vraiment une situation où le risque était élevé. »

Œuvrant le plus souvent dans l’ombre, les équipes cynophiles explo sont plus régulièrement engagées qu’on ne le croit : « Nous sommes appelés sur de nombreuses missions de décontamination en amont des visites officielles d’autorités ou de grands événements, y compris les concours de sous-officiers ou d’OPJ. On intervient aussi sur les colis ou véhicules suspects. »

En 2024, avec l’impact des JOP, l’adjudante et Phalko ont ainsi mené 57 interventions (contre 39 en 2023), soit en moyenne une par semaine, représentant quelque 238 h 30 de recherche.

Un projet de maison de retraite pour les chiens réformés
Outre la promotion de sa spécialité et la reconnaissance du travail de Phalko, l’adjudante a aussi vu dans cette candidature pour les Trophées des chiens héros l’occasion rêvée de sensibiliser le monde cynophile comme l’institution à la situation des chiens gendarmerie réformés ne pouvant pas rester avec leur maître ou être placés en famille d’accueil pour des raisons comportementales, comme Phalko.

« Pour faire face à ce problème, j’ai monté une association avec une camarade, « K9 Unit, Mission Retraite », dans le but de créer la première maison de retraite Gendarmerie pour accueillir ces chiens et les sauver d’une issue souvent fatale. L’idée est d’abord de monter une structure à vocation locale, où les maîtres de chien continueraient à s’occuper de leur compagnon. Dans un second temps, nous espérons que notre projet inspirera d’autres initiatives sur le territoire, explique la militaire. De notre côté, les choses avancent bien. Avec l’aide du groupement de l’Ain, nous avons potentiellement trouvé un terrain. Par ailleurs, le CNICG nous a invitées à tenir un stand lors de la cérémonie célébrant ses 80 ans d’existence, c’est une belle preuve de soutien de la part du Centre. »

Un projet que l’adjudant-chef Anne-Laure compte bien soumettre aux prochains Trophées des chiens héros, cette fois dans la catégorie « partenaires ».

Source https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/temoignages/trophees-des-chiens-heros-l-adjudante-anne-laure-et-son-chien-phalko-recoivent-le-prix-special-j.o.-paris-2024

Par le commandant Céline Morin
Publié le 03 avril 2025

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Re : Les chiens dans la gendarmerie, une histoire méconnue
« Réponse #2 le: 24 juin 2025, 10:32:58 »
Le « mariage », début de l’aventure pour les équipes cynophiles de la gendarmerie

Ce mercredi 16 avril 2025, s’est déroulé l’emblématique mariage des équipes cynophiles de la gendarmerie, au Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG), à Gramat, dans le Lot (46). Ce moment symbolique, lors duquel sont constitués les binômes cynophiles, représente pour chacun le début d’une aventure au service de la France et des citoyens.

Également nommée « camp de Lacalm », ou « camp Viroulou » (par les locaux), la Base aérienne 265 Rocamadour - ancienne base de l’armée de l’Air - est située à 8 kilomètres au nord-ouest de Gramat (Lot). C’est ici, sous une pluie battante, que 25 candidats maîtres de chien s’apprêtent à prendre le départ de la course-marche, ce mardi 15 avril 2025 au matin. À quelques minutes du coup d’envoi de l’épreuve physique, l’heure est aux dernières recommandations. « Légèrement vallonné et recouvert de nombreux cailloux, le terrain est glissant du fait des conditions météorologiques. La boue, ainsi que l’eau dont vont se gorger les vêtements, constituent aujourd’hui la première difficulté, observe le capitaine (CNE) Philippe Dubourg, chef de la Compagnie d'instruction maîtres de chiens / Département formation opérations, au sein du Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG). Les candidats devront parcourir une boucle de 8 kilomètres pour les hommes, et 6,5 pour les femmes, en moins de 45 minutes (ou moins d’une heure pour les plus de 50 ans). L’épreuve est éliminatoire. Sa réussite conditionne l’intégration des candidats à la formation de maître de chien ». Le projet d’une vie pour beaucoup d’entre eux. « Je suis entré en gendarmerie à l’âge de 25 ans, avec comme seule idée en tête de devenir cynotechnicien », confie le gendarme Steven, suppléant maître de chien au sein du Peloton de surveillance et d’intervention de gendarmerie (PSIG) de Saint-Dié-des-Vosges (88), aujourd’hui âgé 31 ans.

Ce jour-là, tous les candidats terminent la course dans les temps requis, sous les encouragements et les félicitations de l’équipe encadrante du CNICG. « La condition physique est primordiale pour un maître de chien. Le militaire doit sans cesse s’entraîner afin d’être en capacité de suivre l’animal sur le terrain », souligne le CNE Dubourg. Fraîchement qualifiés, les candidats regagnent soulagés la commune de Gramat, où se trouve le CNICG. C’est ici que sont formées toutes les équipes cynophiles de la gendarmerie nationale, soit une centaine chaque année. Les cynotechniciens y passeront les quatorze prochaines semaines pour y faire l’apprentissage du métier ou d’une nouvelle technicité, sous l’égide de dresseurs-instructeurs expérimentés. Éloignés de leur environnement professionnel et familial le temps de la formation initiale, ils vivront et partageront cette expérience intensive et exigeante aux côtés d’autres passionnés, entièrement tournés vers le même objectif final. Tous devront en effet décrocher leur validation opérationnelle afin d’exercer leur technicité sur le terrain, au sein d’une unité.

« Cet instant, je l’ai imaginé des centaines de fois »
Il est 8 h 30, ce mercredi 16 avril. Aux abords du chenil n° 2 du CNICG, six stagiaires s’apprêtent à rencontrer pour la première fois le chien qui leur a été attribué. Celui avec lequel ils feront équipe durant de nombreuses années. L’émotion est palpable. « Cet instant, je l’ai imaginé des centaines de fois, glisse Steven. Je suis hyper impatient ! »

La porte du chenil s’ouvre enfin. Tour à tour, chacun pénètre dans un couloir, le long duquel sont alignés les boxes où se trouvent les six chiens : Arrow, Blaco, Vicking, Vinuk, Vischer et Vulcain. Tandis que les stagiaires s’avancent afin de découvrir leur animal, les aboiements résonnent dans le chenil. « La semaine précédant le mariage, les chiens ont eu une activité très réduite et peu d’interactions avec l’humain, de façon à casser la routine »,  explique le chef d'escadron (CEN) Damien Courton, chef du département formation – opérations du CNICG. Une pratique visant à amorcer d’emblée le lien entre le maître et l’animal, alors qu’un sentiment de frustration commence à naître chez le chien.

Les maîtres font alors connaissance avec leur coéquipier selon un rituel immuable. Premier regard, premiers mots, premières caresses… et distribution de friandises. La connexion s’établit aussitôt.
Les duos alors formés sont désormais indissociables. Ce lien indéfectible constitue un atout majeur au service de la mission opérationnelle, ainsi qu’en témoigne la devise du centre : « Toi et moi pour eux ».

Destinés à la technicité « Piste - Défense », les chiens quittent ensuite leur box pour une première promenade en compagnie de leur maître. Ce groupe compte trois jeunes maîtres ainsi que trois anciens, possédant une expérience dans la conduite d’un chien. Mais pour tous, c’est une première dans cette technicité. « La plus difficile à acquérir, car la plus exigeante. Rien ne doit être laissé au hasard. La réussite de la mission en dépend, observe le CEN Courton. La recherche de personne disparue implique une parfaite maîtrise de l’environnement et la prise en considération de nombreux paramètres, aussi bien physiques que géographiques. La lecture de l’animal est fondamentale et nécessite une vigilance de chaque instant pour éviter que le chien ne s’engage sur une fausse piste. La position du maître, ainsi que la méthode de conduite de l’animal, sont essentielles afin de ne pas induire le chien en erreur ». Outre la piste, ces chiens seront également engagés à l’appui d’interpellations de personnes en fuite ou dans la défense de personnes ou de sites.

Ce mercredi matin, plusieurs cérémonials identiques se déroulent en plusieurs endroits du CNICG. « Nous avons cinq groupes aujourd’hui. Les stagiaires sont répartis par technicité, soit deux groupes spécialisés dans la recherche de stupéfiants, armes, munitions et billets de banque, deux autres dans la recherche de matières explosives, et le dernier en piste - défense, précise le CEN Courton. Au total, 18 technicités sont aujourd’hui enseignées au CNICG. Les plus récentes, “recherche de produits stupéfiants - défense renforcée” et “recherche de supports de données numériques” ont fait leur apparition en 2021 pour la première et en 2024 pour la seconde. » Porté par des professionnels passionnés et engagés, ce développement constant témoigne d’une volonté d’innovation continuelle, à l’image de cette filière d’excellence.

Nous retrouvons Steven, alors qu’il raccompagne Blaco au chenil. Un magnifique Malinois doté d’un fort tempérament. « Lorsque j'ai vu Blaco, la surprise a été totale ! Je n'avais aucune attente particulière, ni aucune idée préconçue sur mon futur chien. L'émotion était au rendez-vous, reconnaît-il. Cela fait cinq années que j'attends ce moment. J’aborde cette aventure avec confiance et humilité. Je sais pouvoir compter sur les conseils et l’expertise des dresseurs-instructeurs tout au long de la formation. »
Steven possède une grande expérience des chiens. « J’en ai cinq autres à la maison. Des chiens de chasse exclusivement. Blaco est mon premier Malinois ! » Son objectif prioritaire ? « Gagner la confiance de Blaco, tout en parvenant à s’imposer. »

La sélection et l’affectation des chiens relèvent de la compétence des dresseurs-instructeurs.
Afin que le « mariage » soit harmonieux, ces derniers constituent les binômes en tenant compte de plusieurs facteurs clés : caractère, expérience, environnement ou souhaits exprimés par le cynotechnicien.

« Trouver la bonne position du curseur »
La formation démarre sitôt la cérémonie du mariage achevée. Les quinze premiers jours, maîtres et chiens s’apprivoisent. « La construction du lien s’effectue progressivement, à travers les nombreux exercices proposés aux binômes. L’obéissance est primordiale dès les premiers instants. Les entraînements permettent au chien de jauger le maître ainsi que son niveau d’exigence, estime le CEN Courton. Le cynotechnicien doit quant à lui s’adapter au tempérament de l’animal. Certains sont soumis, d’autres récalcitrants… C’est au maître de trouver la bonne position du curseur. »

Au lendemain de la cérémonie, le groupe « Piste - Défense » fait ses premiers pas en pleine campagne, à quelques encablures du CNICG, sous la houlette des dresseurs-instructeurs.
« Pour l’heure, les stagiaires ne connaissent pas encore leur chien. C’est donc en tant qu’observateurs qu’ils participent à ce premier exercice, explique Sébastien, instructeur au CNICG. Mais dès demain, ce sont eux qui seront aux manettes. Nous serons à leurs côtés afin de superviser les exercices et observer les moindres détails. Le démarrage marque une étape décisive. En présence de son nouveau maître, le chien prend parfois des libertés. Nous sommes donc très vigilants. »

Alors que les cynotechniciens entament les exercices à tour de rôle, la cohésion s’installe déjà au sein du groupe. « Nous veillons à l’équilibre du groupe. Nous sommes tous dans le même bateau pour quatorze semaines », poursuit Sébastien.
« Ici, à Gramat, on est dans notre bulle, entre passionnés. On apprend beaucoup les uns des autres. C’est très enrichissant », explique l’un des stagiaires, maître de chien depuis plusieurs années, ayant déjà fait l’expérience de Gramat.

Lorsque débute la formation des équipes, les chiens ont déjà fait l’apprentissage des fondamentaux durant la phase de « débourrage » précédant le mariage, qui s’étale sur une période de deux à trois mois. Ils ont ainsi un temps d’avance sur le maître, celui-ci démarrant son cursus le jour du mariage.
« Les sept premières semaines, le chien régresse, tandis que son maître progresse. Tous deux atteignent alors un niveau équivalent à mi-stage, pour ensuite progresser ensemble au cours des sept dernières semaines », explique le CEN Courton.

Les binômes sont d’abord évalués à la mi-stage. Sont alors examinées les premières bases, à la fois en termes de compétences techniques que d’obéissance. « Ce premier examen nous permet d’apprécier les acquis du maître en matière de conduite du chien ».
Le deuxième et dernier examen a lieu au cours de la treizième semaine. Les binômes sont alors évalués sur différentes situations opérationnelles. « On multiplie les paramètres. Dans le cadre de la technicité “Piste – Défense”, les équipes sont jugées sur leur capacité à pister, aussi bien en pleine nature, qu’en centre-ville, sur le bitume. Elles seront également testées sur le mordant », précise le CEN Courton. Le chien doit alors mordre et maintenir sa prise, sur les ordres de son maître. Considéré comme une arme de force intermédiaire, l’animal est mis en œuvre selon un cadre réglementaire très précis. Les équipes qui réussissent l’examen final obtiennent leur validation opérationnelle.

Également au cœur des préoccupations institutionnelles, la bientraitance de l’animal fait l’objet d’une attention particulière durant toute sa carrière. « Le chien est considéré comme un militaire, membre à part entière de l’unité au sein de laquelle il est affecté. Aussi, la conduite de l’animal, ses conditions de travail, sa santé et son bien-être constituent un point central tout au long de la formation », souligne le CEN Courton.

Source https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/terrain/immersion/2025/le-mariage-debut-de-l-aventure-pour-les-equipes-cynophiles-de-la-gendarmerie

Par Hélène THIN
Publié le 19 juin 2025

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Re : Les chiens dans la gendarmerie, une histoire méconnue
« Réponse #3 le: 27 juin 2025, 11:35:56 »
GIGN : les binômes du Groupe appui cynophile au cœur des opérations (épisode 1/2)

Né en 2018, de la fusion des équipes cynophiles d’assaut et de détection d’explosifs, le Groupe appui cynophile (GAC) du GIGN travaille au profit de toutes les forces, même si l’essentiel de ses engagements se fait aux côtés de l’intervention. Fort de neuf maîtres de chiens, tous opérationnels, et de quatorze chiens, principalement des bergers belges malinois, le GAC déploie au quotidien plusieurs spécialités : assaut, pistage, recherche d’explosifs et dirigement. Cette polyvalence, au service de l’efficacité opérationnelle, est le fruit d’une sélection exigeante, d’une formation longue associée à un entraînement permanent, ainsi que d’une recherche constante d’innovation.

Ils sont quatorze. Ce sont des équipiers bien particuliers du Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale. Opérationnels, discrets et dotés de leur propre équipement high-tech, ils participent à la plupart des missions à haut risque conduites par l’unité. Eux, ce sont les chiens d’élite du Groupe appui cynophile (GAC).

La cynotechnie est apparue au sein du GIGN en 1976, peu de temps après sa création. Deux spécialités vont dès lors y coexister : l’assaut, au sein du GIGN, et la détection d’explosifs, au sein de l’EPIGN (Escadron Parachutiste d’Intervention de la Gendarmerie Nationale).

Lors de la réforme du Groupe, en 2007, les deux unités cynophiles sont affectées à la F.I. pour l’assaut et à la force appui opérationnel pour la recherche « explo ». Il faudra attendre 2018 pour assister à leur fusion, avec la création du GAC, armé aujourd’hui par neuf maîtres de chiens, chef de cellule compris, tous opérationnels.

Quant au cheptel du GIGN, il est principalement composé de bergers belges malinois. L’un d’eux, Olto, spécialisé dans la recherche d’explosifs, est aussi l’unique chien « dirigement » du groupe. Trois chiots de cette même race, Vorace, Venom et Valko, âgés de sept mois, sont actuellement préparés depuis l’âge de deux mois pour assurer la relève de leurs aînés prochainement à la retraite. On trouve aussi un surprenant jagdterrier, nommé Jaffar, chien « explo », également en cours de formation piste.

Le binôme cynophile au cœur de la colonne d’assaut
Le GAC, qui travaille essentiellement avec la Force intervention (F.I.), fonctionne sur le même régime qu’elle, avec deux alertes, afin de se greffer à chaque mission. Généralement intégrée dans la colonne d’assaut, l’équipe cynophile, qui forme un binôme à part entière, va mettre à profit sa capacité de détection d’explosifs pour sécuriser la progression des équipiers de la F.I. Le chien peut également être utilisé « au mordant » (assaut) pour intercepter un individu, dans un cadre d’emploi préalablement défini avec le chef des opérations.

Sa casquette « explo » peut aussi conduire le chien à réaliser des levées de doute sur une porte, un véhicule ou un objet, en étant « piloté » à distance au laser par son maître.

En outre, une semaine sur deux, le GAC assure une alerte GSPR (Groupe de Sécurité de la Présidence de la République), avec deux opérateurs dédiés, qui peuvent être amenés à suivre les déplacements du Président nécessitant la présence des chiens. Il s’agit notamment de réaliser des détections d’explosifs en amont des déplacements.

Un long apprentissage
Le recrutement au GAC se fait par le biais d’un appel à volontaires publié en fin d’année dès lors que le besoin existe. Comme tout opérationnel, le candidat doit d’abord se présenter à la semaine de tests opérationnels. S’il les réussit, il suivra le préstage, d’une durée de huit semaines, avant d’entamer une année de formation, à l’instar de tous les stagiaires. Tout au long de l’année, des séances d’entraînement avec son futur chien sont planifiées durant certains week-ends ou autres moments de disponibilité, afin que le stagiaire commence à créer un lien de confiance avec son animal. Ce lien, qui se renforcera au fil du temps, est essentiel pour que le chien soit capable de travailler en toute autonomie, à distance et de passer des paramètres difficiles sur le terrain.

Entre-temps, le GAC commence à préparer le chien en s’appuyant aussi sur l’expertise de réservistes professionnels, notamment pour l’apprentissage du mordant. « Cela permet de le débourrer et de commencer son éducation. Cette préparation parallèle garantit une bonne qualité de formation du chien et compense le manque d’expérience du stagiaire, surtout s’il n’a jamais eu de chien. D’autant que le mordant est une technicité particulière : si le chien n’apprend pas à mordre correctement et se blesse, cela peut lui laisser des séquelles durables et le faire hésiter à mordre par la suite, explique Jérémie, à la tête du GAC du GIGN. Dans le même temps, le stagiaire aura également acquis un certain nombre d’outils lui permettant d’aborder son stage à Gramat avec de bonnes bases et en étant familiarisé avec ses futures missions, puisqu'il nous accompagne sur nos exercices dès que c’est possible. Ce format nous apporte un gain de temps et d'efficacité. »

L’un des trois chiots malinois acquis à l’automne dernier est d’ailleurs destiné à l’un des stagiaires de cette année.

S’adapter aux spécificités opérationnelles du GIGN
Une fois breveté, le militaire pourra entamer sa formation de maître de chien à Gramat, au Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie nationale (CNICGN), « maison mère de la cynotechnie en gendarmerie », afin de suivre le cursus socle de trois mois en recherche d’explosifs, puis au cours de trois mois supplémentaires pour la formation au mordant (assaut).

Une fois le binôme validé, il sera progressivement intégré aux missions. Ce temps d’adaptation est nécessaire afin d’acclimater le chien et son maître aux contextes très spécifiques de leurs futurs engagements. « La formation à Gramat est de grande qualité, mais elle ne couvre toutefois pas tous les besoins spécifiques du GIGN », confirme le militaire.

Outre la spécialité dans laquelle ils seront amenés à opérer, les chiens seront formés durant plus d’un an aux techniques et aux spécificités des missions du GIGN. Le chien devra ainsi apprendre à progresser au sein de la colonne d’assaut avec discrétion, à franchir des obstacles, des hauteurs, des passages souterrains, à évoluer de nuit ou dans des environnements très dégradés, par exemple sous les tirs ou dans un nuage de gaz lacrymogène. Il devra également s’habituer au fracas des explosions, au transport aérien, à l’hélitreuillage ainsi qu’au parachutage.

« La sélection du chien, selon des critères propres au GIGN, est donc primordiale. Nous avons besoin de chiens posés, calmes, sociables et surtout stables. La stabilité est le point clé. Il ne doit éprouver aucune crainte ni aucune angoisse au contact de l'humain et doit être capable de travailler en équipe, de prendre en compte son environnement et les équipiers. Sur le plan physique, nous recherchons vraiment de l’endurance. Le chien doit aussi être capable de surmonter les différents obstacles et paramètres auxquels il sera confronté. Sur ce point, le lien de confiance entre le maître et son chien est vraiment essentiel, c’est pour ça que je souhaite qu’il se crée au plus tôt et que le maître commence avec un chiot. »

Et comme tous les chiens de la gendarmerie, ceux du GIGN sont formés à travers le jeu, tant pour le travail d’olfaction, « en le rendant dingue de sa balle », que pour le mordant. Il doit donc aussi être joueur.

Enfin, quand le GAC estime que le maître et son chien sont prêts, ces derniers sont intégrés aux missions d'alerte, d'abord en binôme avec un maître expérimenté, puis en solo.

Un équipement de protection spécifique
Le GAC veille à l’intégrité physique de ses chiens, que ce soit lors des entraînements ou lors des opérations. En effet, si ces derniers sont dotés d’équipements spécifiques à l’accomplissement de leurs missions, tels que des casques munis d’une caméra ou encore des radios émettrices (fixées à leur collier), ils sont également pourvus d’équipements de protection : harnais tactique, en matériau résistant, pouvant être renforcé de plaques balistiques légères, lunettes de protection contre les éclats et les fumées, protections auditives intégrées dans les casques ou encore protections en néoprène permettant de réduire le bruit de l’hélicoptère et, enfin, chaussons de protection pour préserver les coussinets.

Un entraînement quotidien
Pour autant, la formation des équipes cynophiles du GAC ne s’arrête pas là. « L’entraînement des chiens est d'une importance capitale afin d’être toujours prêts à répondre rapidement aux attentes des chefs dans diverses situations opérationnelles. Au GAC, en plus de l’entraînement physique et au tir, on fait travailler le chien toute la journée, confirme Jérémie. Cela implique aussi de se rapprocher des conditions d’engagement opérationnel, par exemple en s’exerçant de nuit ou dans un environnement pouvant perturber le chien. »

Outre cet entraînement personnel et les exercices internes à la cellule, les maîtres de chien se greffent également sur ceux de la F.I., avec laquelle ils sont le plus souvent amenés à travailler. Chaque exercice et chaque mission donnent ensuite lieu à un RETEX (retour d’expérience), d’abord avec les « ops de l’inter », puis en interne à la cellule afin d’étudier, vidéo à l’appui, ce qui a fonctionné et ce qui aurait pu être fait différemment. « Chaque expérience nous fait évoluer. »

La fréquence et l’intensité de ces entraînements permettent ainsi de maintenir un haut niveau de condition opérationnelle, mais aussi d’acquérir et de développer des compétences complexes de manière progressive, à l’instar du pistage ou du « dirigement ».

Source https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/terrain/immersion/2025/gign-les-binomes-du-groupe-appui-cynophile-au-caeur-des-operations-episode-1-2

Par le commandant Céline Morin
Publié le 26 juin 2025

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Re : Les chiens dans la gendarmerie, une histoire méconnue
« Réponse #4 le: 27 juin 2025, 11:45:27 »
GIGN : la polyvalence des chiens d’élite au profit de missions à haut risque (épisode 2/2)

Les maîtres de chiens du Groupe appui cynophile (GAC) du GIGN, tous opérationnels, cherchent sans cesse à faire évoluer leur discipline afin d’élargir leurs capacités et de répondre aux besoins de la mission. Ainsi, si leurs chiens restent avant tout spécialisés dans les missions d'assaut et de recherche d'explosifs, ils ont également développé d'autres spécialités, comme le guidage au laser, systématique en recherche d'explosifs, le « dirigement », une méthode de conduite à distance à la voix, au moyen d'un émetteur radio, ou encore le pistage tactique. Une pluridisciplinarité au service de l’efficacité opérationnelle.

Si la priorité missionnelle du GAC demeure « l’assaut » et « l’explo », les maîtres de chiens sont toujours en quête d’innovation pour répondre aux besoins opérationnels. « L’idée est de pouvoir apporter des outils supplémentaires lors des opérations. Nos chiens travaillent déjà l’olfaction sur les explosifs, alors les former au pistage n’est pas incompatible, ni incohérent. Nous avons étudié cette possibilité en effectuant du bench-working chez nos homologues et en travaillant avec Gramat. Aujourd’hui, nous avons formé plusieurs de nos chiens. L’objectif n’est pas qu’ils soient officiellement validés piste, mais qu’ils soient en mesure de faire un départ véhicule, un départ sur un objet au sol, ou autre, et de donner une direction de fuite, voire plus en fonction du niveau du chien et du terrain. L’avantage de généraliser cette capacité à tous nos chiens est de pouvoir faire travailler deux ou trois chiens en relais sur la même mission, comme une traque, explique Jérémie. Par ailleurs, le pistage est une discipline très exigeante, notamment en termes d'endurance. Cela permet donc d'augmenter les facultés olfactives du chien et sa résistance cardio, ce qui lui est bénéfique. »

Du guidage laser…
L'utilisation du laser pour guider le chien à distance est une technique employée depuis très longtemps par le GIGN.

Le laser permet au maître de se positionner en toute sécurité et d'envoyer le chien dans une direction spécifique, principalement pour réaliser rapidement une recherche d’explosifs, dans le cadre d’une levée de doute ou d’un contrôle rapide. Le chien peut ainsi vérifier un objet, une porte, un véhicule ou même une personne à distance.

Le laser peut également être utilisé dans certaines situations de mordant, pour envoyer le chien dans une zone définie, par exemple à travers une fenêtre ou dans un couloir, sans que l'opérateur n'ait à s'exposer.

Son utilisation est toutefois limitée par la ligne de visée, qui dépend de la configuration du terrain (angle de rue, obstacle, etc.). Le système de caméra sur le casque de l’animal est alors essentiel pour que le maître puisse voir ce que fait le chien, s'il marque quelque chose ou s'il est en danger, et pouvoir le rappeler immédiatement au sifflet à ultrasons.

… au « dirigement » !
Le « dirigement » est finalement l’émanation du guidage au pointeur laser. Si les premières expérimentations de cette technique au sein du GIGN remontent aux années 2010-2013, son développement, fruit d’échanges avec la Belgique notamment, est relativement récent. Elle est d’ailleurs encore peu utilisée en mission, contrairement à d'autres unités étrangères.

Équipé d’un casque muni d’une caméra et d’un récepteur radio fixé à son collier, le chien est dirigé à distance à la voix, au moyen de mots bien spécifiques, par son maître, qui suit sa progression via le retour caméra sur une tablette. À ce jour, seul Olto, le chien de Jérémie, est en mesure d'exécuter cette technique sur le terrain. « Le « dirigement » permet de travailler avec le chien à distance sans contact visuel direct avec le maître, par exemple pour des missions de reconnaissance et d’acquisition de renseignements en toute discrétion. C’est un peu comme avoir un "drone sur pattes" », sourit le militaire du GIGN.

Le « dirigement », qui reste tributaire de la portée de la radio et de la caméra, permet ainsi de donner au chien des ordres plus complexes que le laser et de manière séquencée : aller tout droit, s'arrêter, aller à droite ou à gauche, monter un escalier, s’arrêter devant une porte, effectuer une détection. Il peut également amener le chien à transporter et déposer des objets, comme un brouilleur ou un petit drone, ou inversement, récupérer un élément, comme un sac ou une arme.

Cette technicité ne peut s’adapter qu’à « un chien hyper-réceptif, capable d’assimiler un grand nombre d’informations complexes et de travailler en toute autonomie sans avoir le visuel de son maître, ce qui demande là encore de la confiance », précise Jérémie. La formation est donc assez longue et nécessite de nombreuses heures de travail supplémentaire.

« Il y a encore tellement de choses à faire avec le chien et comme nous sommes une équipe de passionnés ultra-motivés, on y va !, conclut Jérémie. En plus, le fait de travailler avec le vivant, avec les aléas que cela comporte en termes de sensibilité, est vraiment intéressant. Cela demande une remise en question permanente. On teste des choses pendant l'entraînement. Parfois ça marche et parfois non. Nous nous filmons beaucoup et nous travaillons ensuite en équipe pour corriger nos éventuels défauts et progresser. Le regard des autres est vraiment important et ensemble, on avance plus vite. »

Source https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/terrain/immersion/2025/gign-la-polyvalence-des-chiens-d-elite-au-profit-de-missions-a-haut-risque-episode-2-2


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Re : Les chiens dans la gendarmerie, une histoire méconnue
« Réponse #5 le: 06 juillet 2025, 11:35:14 »
Rencontre avec le maréchal des logis Théo, suppléant maître de chien à la Garde républicaine.
À tout juste 22 ans, le maréchal des logis Théo est déjà un visage familier au sein du Groupe d’intervention cynophile (GIC 75) de la Garde républicaine. Suppléant maître de chien depuis janvier 2024, ce jeune gendarme incarne l’engagement, la curiosité et la volonté d’apprendre, dans un univers où l’humain avance au rythme de son binôme canin.

Passionné d’histoire, notamment de la Seconde Guerre mondiale, Théo entre en gendarmerie à 18 ans, poussé par le goût de l’engagement et du service. Détenteur du galop 6, il se tourne d’abord vers la cavalerie, avec en tête l’idée de rejoindre les rangs équestres de la Garde. Après une sortie d’école en 2022 à Châteaulin, il est affecté à la caserne Carnot, mais son projet d’obtenir le CAPEG (Certificat aptitude de la pratique équestre en gendarmerie) n’aboutit pas. Il se réoriente alors vers l’infanterie au sein du quartier Kellermann, avant de bifurquer vers la cynotechnie.

« Ce n’était mon choix initial, confie-t-il, mais j’ai retrouvé avec les chiens ce lien que j’aimais avec les chevaux : une complicité, un échange. » Curieux, il se rapproche des équipes cynophiles pour mieux comprendre ce métier. Séduit, il suit la formation de suppléant maître de chien à Gramat en janvier 2024. Un mois intense mêlant cours théoriques, évaluations et mises en situation pratiques (conduite en laisse, pose du collier, mise en condition du binôme).

Un travail en trinôme
Aujourd’hui, Théo est suppléant de la gendarme Sandra, maître de Naskya, une malinoise de quatre ans recueillie par la gendarmerie à l’âge d’un an auprès d’une association. Spécialisée dans la recherche d’explosifs traditionnels et en Recherche d’explosifs sur personne en mouvement (REXPEMO), cette équipe est affectée au GIC 75, rattaché à la 6e compagnie du 2e régiment d’infanterie de la Garde.

Le rôle de suppléant demande rigueur, anticipation et discrétion. « Naskya est très intelligente, il faut sans cesse la surprendre et la stimuler. Ça me pousse à me remettre en question constamment. Au début, ce n’était pas simple. Il faut apprendre à lire le chien, à prédire ses réactions. »

En mission, Théo assure la sécurité du binôme : il peut gérer Naskya seul quand le maître-chien doit, par exemple, recueillir des renseignements sur le terrain. Il sécurise également les lieux en amont du passage de Naskya, par exemple en s'assurant qu'il n'y ait pas d'objets dangereux dans une voiture.

À l’entraînement, il élabore les cachettes. « Le plus difficile, c’est de bien les préparer, note Théo. Il faut se mettre à la place du chien, anticiper sa réaction. » Puis, pendant les séances il devient observateur, guide le maître-chien, ajuste les méthodes et apporte un retour constructif.

Mais son travail ne s’arrête pas là. Entre deux interventions ou entraînements, Théo veille au bien-être de Naskya : sorties quotidiennes, surveillance de son état de santé, exercices physiques indispensables à son équilibre.

Des missions hors normes
L’été 2024 restera un moment fort dans la carrière de Théo, marqué par deux missions d'envergure.
D’abord, Roland-Garros, où il intervient sur le stade, les vestiaires, les gradins, les loges VIP et participe au déminage du village du tournoi. « Étant issu d’une famille passionnée de tennis, sécuriser cet immense stade en tant que gendarme a été inoubliable », confie-t-il.

Quelques semaines plus tard, place aux Jeux olympiques, avec une mission au village olympique, au Trocadéro et sur d’autres sites emblématiques. « J’ai eu la chance de voir les appartements des athlètes, d’avoir un accès privilégié aux coulisses de l’événement. C’était extraordinaire. »

Admis au concours de sous-officier, Théo est en attente de convocation en école. Son souhait pour la suite ? Rejoindre dans un premier temps un Escadron de gendarmerie mobile (EGM), avant de revenir vers la cynotechnie, cette fois en tant que maître de chien. « Le poste de suppléant m’a permis de découvrir cette spécialité de l’intérieur. Ça m’a donné envie d’aller plus loin. »

Source : https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/temoignages/rencontre-avec-le-marechal-des-logis-theo-suppleant-maitre-de-chien-a-la-garde-republicaine

Par Colombe Delons
Publié le 02 juillet 2025

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Re : Les chiens dans la gendarmerie, une histoire méconnue
« Réponse #6 le: 06 juillet 2025, 11:39:21 »
Pierre, dresseur-instructeur au Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie : le choix d’un métier passion
L’adjudant Pierre exerce le métier de dresseur-instructeur au Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG), à Gramat, dans le Lot. À la fois gendarme et cynotechnicien, le sous-officier évoque ce métier hors du commun, alliant passion et engagement.

« J’exerce un métier passion. J’apprends et progresse chaque jour ! », confie d’emblée l’adjudant Pierre. Né dans les Yvelines (78), il y a trente-sept ans, Pierre se destine très tôt à devenir gendarme. « Je n’avais pas dix ans lorsque j’ai participé à une Journée Portes ouvertes organisée par la Garde Républicaine, au quartier des Célestins, à Paris. Ma vocation est née ce jour-là. C’est alors que j’ai décidé de devenir gendarme. » Son amour pour les chiens fera le reste.

Après des débuts en  qualité de suppléant maître de chien au sein du Peloton de surveillance et d’intervention de gendarmerie (PSIG) de Biganos (33), Pierre intègre la Marine nationale. Durant cinq ans et demi, il exerce en tant que fusilier marin spécialisé cynotechnicien. En 2015, il réintègre les rangs de la gendarmerie, direction l’école de sous-officiers de Châteaulin, dans le Finistère (29). Ce retour aux sources s’impose à lui comme une évidence. « Je suis profondément attaché aux valeurs de l’Institution, ainsi qu’au fait de travailler sur le territoire national. »

À l’issue de sa formation, Pierre rejoint l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) de Hyères-les-Palmiers, dans le Var (83). Ses compétences cynothechniques le conduisent rapidement vers d’autres fonctions. C’est ainsi qu’il intègre, en 2017, le Groupe d’investigation cynophile (GIC) de Salon-de-Provence, dans les Bouches-du-Rhône (13). En 2019, Pierre franchit la porte du Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG), à Gramat, dans le Lot (46), où il est nommé dresseur-instructeur. C’est le début d’une nouvelle aventure. « Instructeur à Gramat, c’est le Graal dans une carrière de cynotechnicien ! »

La passion du chien
Pierre acquiert son premier chien alors qu’il est en poste au GIC de Salon-de-Provence. « Kyron, magnifique berger belge malinois, était spécialisé dans la recherche d’explosifs sur personne en mouvement. Il était extraordinaire, se souvient-il. Très courageux mentalement, ce chien a été engagé sur des missions d’envergure. Il vivait au sein de la famille, dont il était un membre à part entière. »

En 2019, Pierre se met en quête d’un second chien de travail. « Les militaires exerçant au sein d’un GIC possèdent souvent deux chiens, issus de technicités différentes », explique-t-il. C’est ainsi que Panache, jeune malinoise de neuf semaines, rejoint à son tour la famille de Pierre. Destinée à la technicité « recherche de produits stupéfiants », la chienne provient de l’élevage professionnel du Banc des Hermelles, qui jouit d’une notoriété incontestée dans le milieu du sport canin français, grâce à une sélection rigoureuse des reproducteurs.

Après avoir acquis l’animal à titre personnel, puis l’avoir éduqué, Pierre en fait don à la gendarmerie, les examens techniques et médicaux s’étant révélés concluants. « Je lui ai tout appris. Le chiot est une éponge qui absorbe et assimile toutes les informations qui lui sont présentées. Acquérir un animal âgé de seulement quelques semaines facilite grandement l’avenir. » Kyron et Panache cohabiteront durant une année, jusqu’au décès prématuré de Kyron.

« Le Malinois fait preuve d’une faculté d’apprentissage très rapide, souligne Pierre. Tout comme des athlètes de haut niveau, ces chiens suivent un entraînement intensif. Rien n’est jamais acquis ! » Depuis qu’elle a rejoint le CNICG, Panache est également chien de démonstration de la Gendarmerie nationale.

Porté par la volonté d’expérimenter une nouvelle race sur la technicité « piste chaude » (recherche de personnes disparues depuis moins de quarante-huit heures), Pierre a acquis l’an passé une chienne Staffordshire bull-terrier. Prénommé Navy, l’animal, aujourd’hui âgé d’un an, est en cours d’apprentissage. « La formation se déroule de façon progressive. Pour l’heure, Navy montre de belles capacités olfactives, relève Pierre. Si ses qualités se confirment, elle suivra la voie de Panache et intégrera également la gendarmerie. Outre les capacités intrinsèques de l’animal, la motivation est un critère essentiel à la réussite de ce challenge. » Quant à Pierre, sa détermination et sa passion pour les chiens, qui demeurent intactes après dix-sept années de service, constituent son principal moteur.

Objectif final : maîtrise, confiance et autonomie
En tant que dresseur-instructeur, Pierre a pour mission de recruter les chiens suivant des critères précis, dans la perspective de leur intégration au sein de la gendarmerie. Dans un second temps, il dresse les canidés ayant satisfait aux tests de sélection, qui présentent le potentiel pour devenir chien de travail. Cette étape, appelée « débourrage », s’étale sur une période de deux à trois mois, durant lesquels le chien fait l’apprentissage des fondamentaux. Si l’animal démontre les qualités attendues, il est alors attribué à un maître, selon plusieurs critères : technicité, environnement, tempérament ou expérience du maître, etc.

Une fois les binômes constitués, la formation initiale des équipes cynophiles démarre. Une mission qui incombe également au dresseur-instructeur. « Le chien est partiellement formé lorsqu’il rencontre son maître, lors de la cérémonie du mariage. L’apprentissage se poursuit donc à deux, durant quatorze semaines. Mon travail s’inscrit dans une réelle continuité, observe Pierre. J’assure pour l’essentiel la formation d’équipes destinées à la technicité "recherche de produits stupéfiants / défense renforcée”. Ces chiens ont pour la plupart vocation à exercer au sein d’un PSIG et sont susceptibles d’être engagés dans des environnements très dégradés. » C’est pourquoi Pierre travaille en collaboration avec le Centre national d'entraînement des forces de la gendarmerie (CNEFG), situé à Saint-Astier, en Dordogne, où les stagiaires se rendent régulièrement, afin d’accoutumer les chiens aux interventions de rétablissement de l’ordre en milieu hostile.

Les équipes cynophiles sont évaluées à la mi-stage, puis à l’issue du cursus. « L’objectif final de la formation est de donner aux équipes les outils qui leur permettront d’obtenir de bons résultats et aux maîtres d’évoluer en confiance lorsqu’ils seront sur le terrain, en totale autonomie, explique Pierre. Outre l’acquisition et la maîtrise des compétences liées à la technicité, l’obéissance est aussi un point essentiel ! Elle témoigne de la capacité du maître à contrôler son chien, mais engage aussi la crédibilité de l’équipe sur le terrain, notamment dans les situations difficiles. Elle permet en outre de renforcer le lien entre le maître et l’animal. »

Pour mener à bien ses missions, Pierre s’appuie sur une équipe d’assistants-dresseurs qui participent aux exercices et à l’entretien des chiens, et dont il assure le management.

Le rôle du dresseur-instructeur ne s’arrête pas là. Il participe également à faire vivre et rayonner le CNICG, tant à l’international qu’à l’échelle locale. « Nous organisons et animons des démonstrations canines à destination du grand public, l’objectif premier étant de créer des vocations, explique Pierre. Quant aux opportunités de voyages à l’étranger, dans le cadre de missions de coopération, elles constituent une ouverture sur l’extérieur qui est très stimulante. »

Ponctuellement, Pierre et Panache sont également engagés sur des missions opérationnelles, sur demande de la région de gendarmerie Occitanie, lorsque les effectifs cynophiles viennent à manquer. « C’est aussi l’occasion de garder contact avec le terrain ! » Un point auquel il est très attaché.

Au travers de ses différentes missions, Pierre est en lien avec l’ensemble des acteurs de la filière cynophile. « La cyno est un petit monde de passionnés. Ce sont moins de 500 équipes au total réparties sur le territoire national et représentant 0,5 % de la masse salariale de la gendarmerie, souligne-t-il. Devenir cynotechnicien, c’est une chance et un privilège ! »

Gendarme avant tout
« Le métier de dresseur-instructeur me permet de transmettre et d’apprendre chaque jour. C’est un aboutissement, après un parcours entièrement dévolu à la cynotechnie », confie Pierre.
Comme tous les métiers passion, celui-ci implique un engagement total. « C’est un gros investissement. Il faut être très travailleur et rigoureux, mais aussi très disponible. Il faut être présent, notamment lorsque l’animal est malade. La patience est primordiale. Le dresseur-instructeur doit aussi savoir se remettre en question, se poser les bonnes questions et faire preuve d’ouverture d’esprit, indique Pierre. À la différence de l’instruction classique, il y a dans cette fonction une dimension affective liée à la relation que nous développons avec les chiens lors du débourrage. C’est un paramètre qu’il nous faut gérer lorsque le nouveau maître entre en scène. En résumé, la fonction requiert des qualités, notamment pédagogiques, que doit posséder n’importe instructeur, auxquelles s’ajoutent de fortes spécificités. La complexité, mais aussi la richesse du métier, résident dans sa dimension multidimensionnelle. Il est à la fois question de relation au chien, à l’humain, mais aussi d’interaction entre les deux. »

« Rôle commercial, dans le cadre du recrutement des chiens auprès de son réseau de fournisseurs canins, rôle pédagogique, ou encore chef militaire… Le dresseur-instructeur a plusieurs cordes à son arc, note le chef d'escadron (CEN) Damien Courton, chef du département formation – opérations au sein du CNICG. La fonction nécessite une grande autonomie ».

Tout au long de son parcours professionnel, Pierre a côtoyé de nombreuses technicités cynotechniques. C’est ainsi qu’il a acquis une solide expérience et développé des facultés d’adaptation, aujourd’hui essentielles dans l’exercice de sa fonction.

Le partage et les nombreux échanges entre dresseurs-instructeurs du centre tiennent aussi une place importante. « Nous sommes 24 au total. Nos méthodes pédagogiques diffèrent parfois. Nous confrontons ainsi nos visions et nos connaissances, et nous nous nourrissons de nos expériences respectives. »

Alors que la mission de Pierre au Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie devrait prochainement toucher à sa fin, le dresseur-instructeur envisage l’avenir des projets plein la tête. Avec l’envie, tout d’abord, de rejoindre un jour le Groupe national d’investigation cynophile de la gendarmerie (GNICG), également basé à Gramat, et seule unité en France spécialisée dans la recherche de restes humains. « Ce serait pour moi l’occasion de découvrir une nouvelle technicité, et ainsi de poursuivre mon évolution. » Pierre aspire aussi à renouer avec le terrain. « Je suis avant tout gendarme, insiste-t-il. Je suis passionné par la cynotechnie, mais le suis tout autant de mon métier de gendarme. »

Mais pour l’heure, il entame un nouveau débourrage avec un jeune chien spécialisé dans la recherche de données de supports numériques, une toute nouvelle technicité développée en gendarmerie depuis 2024. Il fait ainsi équipe avec Gone, un berger belge malinois de quinze mois, dont il a fait l’acquisition en mai 2025. Nouveau challenge en perspective pour ce passionné !

NOTA : Le métier de dresseur-instructeur au CNICG s’adresse aux sous-officiers maîtres de chien expérimentés, passionnés par le travail cynophile et désireux de transmettre leur savoir. Être moniteur homme d’attaque ou volontaire pour le devenir est un atout essentiel. Ce poste requiert un sens pédagogique affirmé, une grande autonomie, des capacités d’organisation éprouvées et une curiosité constante pour l’ensemble des technicités cynophiles enseignées. Le dresseur-instructeur recrute et débourre ses chiens, encadre des formations, participe à des missions de rayonnement en France et à l’étranger, et prend part à des démonstrations publiques de haut niveau. Une semaine de tests probatoires permet d’évaluer les compétences en détection, le recrutement et la prise en main d’un chien, l’animation d’un groupe de stagiaires et la capacité à exposer clairement un sujet technique. Rejoindre le CNICG, c’est s’investir dans un métier exigeant mais valorisant, au cœur de l’excellence cynotechnique de la gendarmerie.

Pour plus d’informations, adressez un e-mail à l’adresse dfo.org@gendarmerie.interieur.gouv.fr

https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/temoignages/pierre-dresseur-instructeur-au-centre-national-d-instruction-cynophile-de-la-gendarmerie-le-choix-d-un-metier-passion

Par Hélène THIN
Publié le 17 juin 2025

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Re : Les chiens dans la gendarmerie, une histoire méconnue
« Réponse #7 le: 23 juillet 2025, 12:46:19 »
Dans les coulisses du 26e Groupe vétérinaire de Gramat, essentiel au binôme maître-chien

Créé en 1945, le Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG) à Gramat est une référence mondiale dans la cynotechnie. Ici, la formation des maîtres de chien va de pair avec le soin méticuleux porté à leurs compagnons à quatre pattes, au sein du 26e Groupe vétérinaire. Rencontre avec la vétérinaire en chef, la colonelle Karine.

Qu’ils soient pensionnaires permanents ou en passage temporaire, tous les chiens du Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG) bénéficient d’un suivi vétérinaire rigoureux. Chaque jour, les équipes veillent à leur bien-être, anticipent les blessures, interviennent en urgence, pratiquent des actes chirurgicaux ou des examens de pointe.

Au sein du 26e Groupe vétérinaire, deux vétérinaires du Service de santé des armées (11e Centre médical des armées) et une assistante vétérinaire du CNICG se relaient pour veiller à leur bien-être. En cas de besoin, ils sont également renforcés par des vétérinaires réservistes qui font partie intégrante de l’équipe. Leurs missions ? Soigner, prévenir, former, conseiller le commandement, mais aussi sélectionner les futurs chiens de la gendarmerie.

Le groupe vétérinaire joue en effet un rôle décisif dans le recrutement. En complément des évaluations cynotechniques, un examen complet est réalisé : systèmes musculo-squelettique, cardio-respiratoire, ophtalmologique, dentaire (essentiel pour les chiens de mordant) sont minutieusement expertisés. Un premier aperçu comportemental y est également associé. « Un chien trop agressif, serait une difficulté pour les manipulations quotidiennes mais certains chiens ont du tempérament et pimentent notre pratique », affirme la colonelle Karine, vétérinaire en chef de l’unité. Chaque chien passe ensuite par une anesthésie générale pour une série de radiographies, afin de détecter d’éventuelles fragilités articulaires. Un passage incontournable : près de 1 500 radios sont réalisées chaque année sur le centre. L’objectif ? Garantir une carrière opérationnelle longue et sans blessure évitable.

Transmettre le savoir pour mieux prévenir
Dans le cadre de la formation des maîtres de chien et de leurs suppléants et des hommes d’attaque, les vétérinaires enseignent les bases de l’anatomie canine, les gestes de premiers secours, la reconnaissance des pathologies et les bonnes pratiques d’hygiène. De quoi assurer une première ligne de vigilance sur le terrain. Ils tiennent également un rôle de conseil stratégique auprès du commandement, apportant leur expertise sur toutes les questions de santé animale.

Une expertise reconnue
Grâce à son plateau technique équivalent à celui de la médecine humaine, le centre peut aujourd’hui assurer tous les soins nécessaires à la bonne santé des 80 chiens résidents, auxquels s’ajoute une quarantaine d’animaux de passage pour évaluation ou formation. Une montée en puissance qui illustre l’évolution d’un métier historiquement centré sur les chevaux, et ici entièrement adapté aux exigences de la cynotechnie. Pourtant, malgré l’émergence de la technologie et de l’intelligence artificielle (IA), une chose ne changera jamais : « Il y aura toujours besoin de l’expertise du vétérinaire, assure la colonelle Karine. Malgré le matériel high-tech, malgré l’IA, il y a besoin de ce rapport humain, de l’homme au chien. »

Le choix du cœur : le parcours inattendu de la colonelle Karine, vétérinaire militaire
Elle pensait ne jamais porter l’uniforme. Et pourtant, Karine, vétérinaire depuis plus de vingt ans en clientèle civile, a changé de vie du jour au lendemain. Un virage radical, qu’elle ne regrette pas une seule seconde. « Le fait de venir travailler ici ne m’avait jamais traversé l’esprit. Et pourtant, quand j’étais jeune, j’étais déjà venue visiter le centre en tant que touriste, car ils font des démonstrations tous les étés… », se souvient-elle.

Originaire de la région lyonnaise, Karine a longtemps exercé en clientèle exclusivement canine avant de ressentir une envie de renouveau. Une annonce sur LinkedIn la mène à Gramat. « Je me suis dit : ce job est pour moi ! » Elle quitte tout, s’installe dans le Lot et tombe littéralement sous le charme de cette région qu’elle redécouvre : « Ici, on fait 10 kilomètres, le paysage change. C’est magnifique. »

Karine reconnaît que l’adaptation a nécessité un temps d’apprentissage, mais salue l’accueil qu’elle a reçu : « Il y a une bienveillance générale ici, du commandement aux maîtres de chien. C’est un milieu respectueux et soudé. »

Des journées rythmées, sans jamais tomber dans la routine
À Gramat, aucune journée ne se ressemble. Le quotidien de Karine alterne visites sanitaires, examens médicaux, radios, anesthésies, gestion des urgences matinales et suivi administratif. Un rythme dense, mais loin d’être monotone. Ce qui lui plaît particulièrement ? La diversité des tâches, la variété des cas, l’aspect à la fois médical, technique et humain de son travail. Chaque chien représente un enjeu opérationnel pour la gendarmerie. Ce contexte, bien différent de la clientèle civile, lui permet de donner du sens à son engagement : contribuer à la santé de ces chiens d’élite, tout en jouant un rôle dans le bon fonctionnement des unités de terrain. « Rendre service au chien, former les maîtres, accompagner la gendarmerie… C'est un rôle beaucoup plus large que ce que je faisais en clinique. »

Colonelle, trois mots pour décrire votre métier ? « Disponibilité, expertise, sensibilité ! »

L’uniforme et les cérémonies : des émotions inattendues
Si Karine s’est vite adaptée à la rigueur du milieu militaire, certains moments ont marqué son arrivée dans ce nouvel univers. Elle se souvient notamment de sa première cérémonie officielle au sein du centre, où elle a découvert les codes et les symboles de l’institution : le lever des couleurs, les rangs impeccables des gendarmes, la solennité de la Marseillaise. Pour une vétérinaire venue du civil, ce sont des instants forts, chargés d’émotion, qui lui ont rappelé la portée collective de son engagement. Ce ne sont pas de simples rituels : ce sont des signes d’appartenance à une communauté, à une mission nationale, à une même patrie.

Et un conseil qu’elle adresse à ceux qui hésitent à se lancer : « Dans n’importe quel domaine, ce qui fait la différence, c’est notre singularité. Mon parcours atypique a été une force. Il ne faut pas vouloir faire comme les autres à tout prix. »

A noter
La voie choisie par Karine est accessible à tous les profils : il est possible de s’engager dès l’école vétérinaire, mais aussi en tant que vétérinaire diplômé dans le civil, en devenant réserviste pour quelques jours par an. Une manière d’apporter son expertise… sans forcément tout quitter.

En résumé, le groupe vétérinaire de Gramat c’est :

le suivi médical des chiens opérationnels
les visites d’achat des nouvelles recrues
la formation des gendarmes cynophiles
le conseil au commandement

Source https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/temoignages/dans-les-coulisses-du-26e-groupe-veterinaire-de-gramat-essentiel-au-binome-maitre-chien
Par Doria Belkacemi
Publié le 21 juillet 2025

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Re : Les chiens dans la gendarmerie, une histoire méconnue
« Réponse #8 le: 10 août 2025, 17:06:11 »
Des équipes cynophiles " piste froide " nouvellement formées.

La piste froide est la capacité pour un chien de suivre la trace d’un individu plusieurs jours après son passage, malgré la météo, le relief ou les perturbations olfactives. Une technicité rare, mise en œuvre sur des disparitions inquiétantes ou des recherches judiciaires sensibles.

Depuis quelques mois, quatre nouvelles équipes cynophiles spécialisées en piste froide sont opérationnelles au sein de la Gendarmerie nationale. Certaines ont déjà permis de retrouver des personnes disparues grâce à leur flair hors du commun.

En 2023, des chiens – trois Saint-Hubert et un black and tan coonhound – ont été sélectionnés et pris en charge dès le plus jeune âge. Ils ont suivi une formation progressive, débutée au Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG) de Gramat, avec de nombreux modules jusqu’en 2024. Ils ont ensuite été confrontés au terrain via des stages spécifiques réalisés à Caen, Biscarrosse, Thonon-les-Bains, Melun et Besançon. Ils ont enfin réalisé un stage final en altitude à Pra-Loup, dans la vallée de l’Ubaye (Alpes-de-Haute-Provence).

Les 4 équipes sont désormais affectées à :
Melun (77) – avec "Urus"
Digne-les-Bains (04) – avec "Unai"
Ambérieu-en-Bugey (01) – avec "Ubby"
Gramat au sein du CNICG (46) – avec "Uno"
Ces binômes viennent renforcer un dispositif national. Leur efficacité est déjà démontrée, avec des résultats positifs sur le terrain.

Le black and tan coonhound : un nouveau chien fait son entrée en gendarmerie
La validation opérationnelle d’une nouvelle équipe cynophile dans la technicité « piste froide », le 8 janvier 2025, par le Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG), marque l’entrée officielle d’une nouvelle race de chien au sein de l’Institution : le black and tan coonhound. Dérivée du Saint-Hubert, cette race constitue une ressource alternative, employable à l’appui des opérations de recherche de personnes disparues depuis plusieurs jours.

Au cœur du Parc naturel régional des Causses du Quercy, la commune de Gramat (Lot) héberge le Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG). Ici sont formées toutes les équipes cynophiles de la Gendarmerie nationale. Dans les allées de ce vaste domaine qui s’étend sur 14 hectares, un chien se démarque de ses congénères. Uno, premier black and tan coonhound à avoir rejoint la gendarmerie, fait en effet figure d’exception. Prénommé ainsi en référence à l’élevage du nord de l’Italie (Frioul) dont il est issu, ainsi qu’au caractère novateur du projet, le jeune canidé arbore un magnifique pelage noir et feu, signe caractéristique de la race. Arrivé en France en juillet 2023, à l’âge de quinze semaines, Uno fait équipe avec Christopher A., dresseur-instructeur au CNICG, et instigateur de ce projet expérimental. Le 8 janvier dernier, le binôme a obtenu la validation opérationnelle dans la technicité « piste froide », fruit d’un travail obstiné et d’un engagement total.

Sur les traces du Saint-Hubert…
Créée en 2005, la technicité « piste froide » relevait jusqu’alors de la compétence exclusive du Saint-Hubert. Doté de facultés olfactives exceptionnelles, ce « chien de sang » constitue un auxiliaire hors pair, employé à l’appui des recherches de personnes disparues depuis plusieurs jours. « Contrairement aux bergers belges malinois, qui constituent la quasi-totalité du cheptel de la gendarmerie, le Saint-Hubert est aussi performant en milieu urbain que rural. Il est ainsi capable d’isoler la signature olfactive de la piste recherchée, quels que soient le terrain et l’environnement sur lesquels il est engagé, observe le chef d'escadron (CEN) Damien Courton, chef du département formation – opérations au sein du CNICG. Efficace jusqu’à cinq jours après la disparition, voire davantage, le Saint-Hubert délivre une puissance impressionnante lorsqu’il travaille. »

La Gendarmerie nationale compte actuellement une quinzaine d’équipes cynophiles formées d’un Saint-Hubert. « C’est une ressource rare et précieuse, nécessitant la mise en œuvre d’une formation très spécifique », poursuit le CEN Courton.
La race est en effet peu développée en France. « Cette rareté implique une acquisition précoce des chiens. C’est pourquoi nous recrutons exclusivement des chiots. Or, il est impossible à cet âge de savoir si l’animal sera par la suite doté des qualités requises pour exercer en gendarmerie, aussi bien du point de vue olfactif que de sa santé », souligne le CEN Courton. À cette difficulté s’ajoute une contrainte supplémentaire. Le Saint-Hubert est un chien de meute, et doit en tant que tel vivre au sein de la cellule familiale de son maître, condition essentielle à son équilibre.

Chaque Saint-Hubert qui intègre le CNICG suit une formation de dix-sept semaines, échelonnées sur deux ans. Celle-ci débute par un stage de trois semaines, intitulé « déclenchement olfactif ». C’est une étape cruciale, lors de laquelle sont présentées au chien un maximum d’odeurs, afin de le préparer aux multiples situations opérationnelles auxquelles il sera confronté au cours de sa carrière.

Si le Saint-Hubert présente des aptitudes remarquables, s’exprimant également sur les terrains les plus complexes, il est néanmoins sujet à divers problèmes de santé. « Sa grande taille l’expose au syndrome de dilatation-torsion de l'estomac. Il présente aussi une prédisposition aux maladies articulaires (dysplasie de la hanche et du coude en particulier), explique le CEN Courton. Ces dernières années, plusieurs Saint-Hubert ont ainsi été réformés précocement, en raison de pathologies. » Enfin, son espérance de vie est inférieure à celle du berger belge malinois. Au regard de ces fragilités et des difficultés de recrutement des Saint-Hubert, les équipes du CNICG se sont engagées dans une démarche de diversification canine. Objectif : atteindre l’effectif cible de formation à la technicité « piste froide ».

« C’est ainsi que nous nous sommes tournés vers le black and tan coonhound, un chien capable de performances similaires. Bien que présentant un morphotype visuellement proche de celui du Saint-Hubert, son cousin, ce chien se différencie par une robe plus sombre et un poids inférieur d’une vingtaine de kilos. Soit une trentaine de kilos en moyenne pour le black and tan coonhound, contre une cinquantaine pour le Saint-Hubert », rapporte le CEN Courton.

Bien que prometteuse, cette nouvelle race n’a pas vocation à se substituer au Saint-Hubert, qui conservera la primauté. Le black and tan coonhound constitue ainsi une ressource supplémentaire, destinée à pallier les difficultés de recrutement de son cousin. Ce projet totalement inédit est alors confié à Christopher A. Ce dernier se lance dans l’aventure, prêt à relever le défi.

Pari gagné
Ancien maître de chien au sein de la Marine nationale, Christopher A. rejoint le CNICG en 2019 en tant que personnel civil. « D’abord positionné sur les technicités piste-défense et recherche d’explosifs, j’ai ensuite eu l’envie et la chance d’élargir mon spectre de compétences », confie-t-il. Recherche de produits accélérateurs d’incendie, puis recherche de Stupéfiants, armes, munitions et billets de banque (SAMBI), l’instructeur-dresseur ajoute plusieurs cordes à son arc.

C’est sous son impulsion que le CNICG acquiert Uno, un jeune chiot black and tan coonhound. Issu d’un élevage italien sélectionné par Christopher, l’animal est âgé de quinze semaines lorsqu’il arrive en France, à l’été 2023. C’est alors que débute son apprentissage, suivant le même programme que celui des Saint-Hubert, sous la conduite de Christopher, qui devient officiellement son maître. Au regard de la doctrine de la Gendarmerie nationale, un chien ne peut avoir qu’un seul maître. Christopher et Uno sont désormais indissociables, alors que débute l’éducation du chiot. « Un important travail a été entrepris dès le départ afin qu’Uno apprenne à se familiariser avec l’homme », précise Christopher. Outre l’instinct de chasse, l’amour de l’homme est l’une des qualités que doit posséder un chien de piste.

Traditionnellement développé pour chasser le raton laveur, le black and tan coonhound est originaire des États-Unis. Son flair très puissant fait de lui un excellent chien de piste, au même titre que le Saint-Hubert. Encore peu connu en France, le black and tan coonhound est doté d’un tempérament sociable et équilibré. Mais c’est aussi un chien très têtu. « Le black and tan coonhound a besoin d’être cadré. L’autorité est un paramètre essentiel de la formation, souligne Christopher. L’apprentissage passe également par la régularité, la répétition et le conditionnement. L’animal doit ainsi associer le harnais et la longe au travail de recherche. Mais c’est aussi, et avant tout, un travail d’équipe. »

Autre acteur essentiel, le suppléant maître de chien tient le rôle fondamental du traceur. Il réalise ainsi la piste et représente la cible que le chien doit débusquer. C’est lui, enfin, qui récompense l’animal une fois la mission accomplie.

La piste est une technicité difficile et exigeante. Les missions opérationnelles peuvent conduire l’équipe sur tous types de terrain (plaine, montagne, littoral…). L’animal est donc entraîné en ce sens tout au long de la formation, afin de développer des facultés d’adaptation qui lui permettront d’être projeté sur n’importe quel site. « Il y a eu des hauts et des bas, reconnaît Christopher. L’acquisition s’est faite par paliers. La cynotechnie implique humilité et remise en question permanente. Rien n’est jamais acquis ! »

À force de travail, de rigueur et de persévérance, le binôme a obtenu ,le 8 janvier dernier, sa validation opérationnelle, et ce, dès le premier coup ! Une grande satisfaction pour l’ensemble de l’équipe. « Ce challenge représente une belle opportunité. Le développement de nouvelles races nous permet d’enrichir et d’améliorer nos connaissances, estime Christopher. J’ai ici pour objectif d’adapter la formation aux besoins et au rythme du black and tan coonhound, car le processus d’apprentissage est différent de celui du Saint-Hubert. »

Si Uno a démontré d’excellentes aptitudes au pistage et exprimé des facultés de réflexion supérieures à celles du Saint-Hubert, l’expérimentation se poursuit. « D’autres black and tan coonhound devraient prochainement rejoindre la gendarmerie, indique le CEN Courton. Nous pourrons alors établir des comparaisons entre les différents sujets et ainsi tirer des conclusions. »

Du point de vue sanitaire, une robustesse supérieure à celle du Saint-Hubert est espérée, grâce à des proportions nettement inférieures. « Moins de problèmes de santé, c’est aussi une meilleure capacité de vie opérationnelle. Mais ça, nous le saurons dans les prochaines années ! » Uno, qui pèse aujourd’hui trente kilos, a quasiment atteint son poids maximal. « Il va s’étoffer au niveau du poitrail, mais ne grandira plus. Il devrait ainsi prendre encore trois ou quatre kilos au maximum », précise son maître.

À l’occasion du 80e anniversaire du Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie, célébré le 5 juin 2025, à Gramat, Uno réalisera une démonstration en présence de nombreux invités. Moment symbolique d’une belle aventure, ayant ouvert des perspectives aussi passionnantes que prometteuses.

Un second chiot de la même portée qu’Uno a été offert par l’éleveur à la Gendarmerie nationale, en signe de reconnaissance. Nommé Udine, en référence à la ville où est implanté l’élevage, l’animal a été attribué au Groupe d'investigation cynophile (GIC) de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, en Loire-Atlantique (44). Il officie aux côtés de son maître, l’adjudant-chef Guillaume, dans la technicité « piste chaude » (recherche de personnes disparues depuis moins de 48 heures). Le binôme a été validé le 25 mars 2025.

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Re : Les chiens dans la gendarmerie, une histoire méconnue
« Réponse #9 le: 10 août 2025, 17:24:49 »
Chiens de recherche de supports numériques : une nouvelle technicité pour la chaîne cynophile de la Gendarmerie nationale.
Depuis deux ans, des maîtres de chien de la Gendarmerie nationale explorent une nouvelle spécialité, déjà mise en œuvre dans d’autres pays : des chiens formés à la détection de supports numériques. Un atout précieux pour les enquêteurs de l’Institution.

Blanchiment d’argent, trafic de stupéfiants, pédopornographie, enquêtes criminelles… Autant d’enquêtes qui pourront être résolues grâce à la saisie de supports numériques.
C’est au début de l’année 2023 que la « chaîne cyno » de la gendarmerie se lance dans une technicité un peu particulière, alors utilisée aux États-Unis et dans certains pays d’Europe, comme la Suisse ou les Pays-Bas : la recherche de supports numériques par les chiens des forces de l’ordre.

Il existe bien sûr des moyens technologiques pour détecter ces objets, mais ils nécessitent que ces derniers émettent des ondes, là où le chien parvient à les localiser qu’ils soient « froids » et cachés.
Le major Arnaud, alors affecté au Groupe d’investigation cynophile (GIC) de Valdahon [NDLR : il a aujourd’hui rejoint celui de Dijon en tant que chef], proche de la frontière helvétique, est en relation régulière avec des membres de la police suisse. L’un d’entre eux travaille depuis quelques années avec un chien formé dans cette spécialité.

Alors que l'idée de se former à cette technicité germe, les gendarmes entament des premiers contacts avec les forces de police de plusieurs pays pour échanger sur la discipline, effectuer des recherches sur le procédé, recueillir des éléments, connaître les méthodes de travail, etc. C'est avec les Suisses, qui détiennent quatre chiens formés, que ces échanges sont les plus évidents. Mais c’est aussi là que la méthode semble la plus intéressante pour les gendarmes, qui commencent à développer ce qui s’inscrit comme une véritable spécificité de la gendarmerie française.

Premiers tests et odeur de référence
La première étape consiste en une phase d’observation du travail d’une équipe cynophile de la police zurichoise, venue à Besançon pour l’occasion. Pour s’assurer de la fiabilité de l’exercice, ce sont les gendarmes français qui dissimulent la matière : c’est une réussite pour le chien suisse !
Étape suivante : exercer le chien sur cette nouvelle matière, comme pour chaque spécialité. Il faut donc déterminer une odeur de référence. Après une étude des méthodes existantes, c’est le tantale, comme chez les Hollandais et les Belges, qui est retenu. « Nous nous sommes donc procuré le métal et nous nous sommes retrouvés au Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG) de Gramat, explique l’adjudant-chef (ADC) David, instructeur au CNICG. La formation se passe de la même manière que pour les autres chiens de recherche : nous le faisons travailler sur son objet de recherche, en réduisant de plus en plus sa taille, pour affiner ses capacités d’olfaction et de détection. Une fois que le chien a compris qu’il doit se concentrer sur sa recherche pour trouver la matière, on lui fait mémoriser celle-ci. »

La différence réside dans un travail de détection beaucoup plus pointu et dans la mémorisation de la matière, qui est froide et ne se diffuse pas à distance. Une fois la détection réalisée, il faut apprendre au chien à marquer, sachant que ce sera ici du marquage passif : le chien devra s'asseoir ou se coucher devant l’objet détecté.

Vient ensuite le travail de désignation par le maître. « Nous indiquons au chien tous les points qui nous semblent judicieux et qui pourraient servir de cache, ajoute l’ADC David. Mais il nous faut être beaucoup plus précis, puisqu’il n’y a pas de diffusion d’odeur à distance. Nous devons donc proposer au chien quasiment chaque centimètre carré de l’espace concerné, de manière très minutieuse. » C’est pourquoi pour cette spécialité, il faut des chiens particulièrement endurants et pugnaces, mais aussi posés, ainsi que des maîtres de chien expérimentés.

Le travail sur l’odeur est un travail de mémorisation flash : le maître de chien donne la référence à l’animal et le récompense immédiatement, associant ainsi l’odeur au plaisir de la récompense. Cet exercice dure 4 à 5 jours.

De la théorie à la pratique
Afin de proposer une offre fiable et utile à la gendarmerie, les deux maîtres de chien débutent une phase d’entraînement avec leur animal au début de l’été 2023, comparant les solutions entre un chien « neuf » et un autre qui détient déjà une technicité. En revanche, ils ne souhaitent pas travailler sur un animal formé à la recherche de stupéfiants, car ce travail étant plus facile pour lui, il risquerait de passer à côté des supports informatiques.

Pour le major Arnaud, dont le chien, un berger hollandais, est déjà formé à la recherche d’armes, de munitions et de billets de banque, il va simplement s’agir d’ajouter une nouvelle odeur à son panel, puisqu’il connaît déjà la méthode de travail. Petit à petit, le maître l’entraîne : « Le chien se renforce, nous obtenons nos premiers résultats à l’entraînement, que ce soit sur des téléphones, des clés USB, etc. », explique le gradé.

Reste alors la question de l’application de ce type d’essai en situation opérationnelle. « Comme je travaille sur le terrain avec Ozark pour les recherches d’armes, etc., je peux déjà en voir les fruits, avec des trouvailles dans des endroits parfois improbables ! »

De son côté, l’adjudant-chef David forme à Gramat un jeune malinois, nommé Snatch, pour qui c’est le premier apprentissage. Une manière de spécialiser encore plus finement l’animal.
Fait intéressant, les gendarmes constatent que leurs limiers mémorisent aussi d’autres éléments, comme le lithium des téléphones ou d’autres composants, ce qui augmente d’autant leurs capacités et le champ possible des découvertes.

Au vu des résultats positifs, l’expérimentation est officiellement entreprise au mois de février 2024, et, le 2 juillet suivant, le chien de Valdahon découvre deux clés USB. Puis, le 6 novembre de la même année, alors qu’il est requis pour une perquisition pour recherche de supports numériques, il réalise une découverte à laquelle son maître ne s’attendait pas. Il marque au niveau d’un coffre-fort, à l’intérieur duquel se trouve une clé ledger, utilisée dans la gestion de la cryptomonnaie. Son maître comprend alors que son chien est aussi capable de les détecter !

D’autres découvertes sont réalisées, parfois par opportunité lorsque l’équipe est appelée pour son autre spécialité. L’expérimentation initiale s’avère concluante.

Les premières missions opérationnelles : un succès avéré
Avant de basculer sur l’opérationnel pur, les maîtres de chien français suivent un stage d’une semaine au CNICG en janvier 2025. Ils y invitent le policier suisse afin de tester le niveau des chiens et d’assurer la validation de leur formation, tout en venant chercher des connaissances supplémentaires. « Il s'est alors agi d'aller sur le terrain pour s'assurer que cela fonctionnait et savoir s'il y avait une demande de la part des unités, ajoute le major Arnaud. Le chef d’escadron Damien, commandant le département formation opérations du CNICG, a transmis un message aux officiers adjoints à la police judiciaire (OAPJ) des groupements de gendarmerie départementale, les incitant à faire appel à nous en cas de besoin dans le cadre d'une affaire. Très vite, nous avons reçu nos premières missions, couronnées par nos premières découvertes officielles. » Tablettes, cartes SIM, clés USB… ils sont au rendez-vous !

Aujourd’hui, l’expérimentation sur le terrain étant terminée et des magistrats ayant été présents sur certaines missions, la doctrine d’emploi est en cours d’élaboration au niveau de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

Un cadre d’emploi à élargir et une formation en construction
Dans une époque marquée par l'utilisation massive du numérique, de très nombreuses affaires peuvent trouver une résolution ou un intérêt en exploitant les téléphones ou autres supports. Cependant, certains dossiers peuvent être plus particulièrement concernés.

Les principaux cadres d’enquête sont à ce jour le blanchiment d’argent, les enquêtes liées à la pédopornographie ainsi que les affaires de terrorisme. « Cela nous donne un domaine d’action assez important, souligne l’ADC David. À une époque marquée par l'essor exponentiel du cyber et du numérique, ce cadre pourrait à terme s'avérer beaucoup plus large, d’autant qu’il suscite un réel intérêt de la part des enquêteurs. »

Afin de permettre à l’ensemble des militaires de la gendarmerie de disposer d’un tel atout avec un à deux chiens formés par région, le CNICG élabore un stage qui pourrait être dispensé dès le second semestre 2025. D’une durée de quatorze semaines, à l’instar des autres cycles dispensés à Gramat, il devrait concerner dans un premier temps quatre équipes cynophiles, puis le contingent se complétera au fur et à mesure.

Parallèlement, les contacts se poursuivent avec la Suisse ainsi qu'avec d'autres pays utilisant cette technicité, comme les Pays-Bas, la Belgique, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.