Portabilité du DIF : Informations du salarié - mardi 9 novembre 2010, par Webmaster du site -http://www.droit-individuel-formation.fr/article.php3?id_article=774
http://www.droit-de-la-formation.fr/?L ’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2009 a crée la portabilité du DIF, c’est à dire la possibilité d’utiliser les droits au DIF à trois occasions :
•lors de la rupture du contrat de travail, la demande est faite à l’employeur ;
•pendant une période de chômage, la demande est faite auprès du référent de Pôle emploi ;
•au cours des deux premières années suivant l’embauche auprès du nouvel employeur, la demande est faite à ce dernier.
La loi du 24 novembre a transposé, dans le Code du travail, le contenu de l’accord national interprofessionnel permettant son application à l’ensemble des salariés.
Pour faciliter l’utilisation de la portabilité, il a été prévu deux informations :
•dans la lettre de licenciement qui doit préciser :
. les droits en matière de DIF,
. et la possibilité de demander à bénéficier d’un bilan de compétences, d’une validation des acquis de l’expérience, ou d’une action de formation (art. L6323-19 du Code du travail).
•sur le certificat de travail qui doit mentionner :
. le solde du nombre d’heures acquises au titre du DIF et non utilisées ;
. la somme correspondant à ce solde ;
. l’Opca compétent pour verser la somme prévue dans le cas d’une portabilité durant une période de recherche d’emploi (art. L6323-21 du Code du travail).
L’information dans la lettre de licenciement est expressément prévue pour le licenciement et le licenciement économique. Le Code du travail ne fait pas de référence aux autres modes de rupture du contrat de travail. Par ailleurs, il n’a pas été prévu de sanction si l’employeur ne respecte pas son obligation d’information dans la lettre de licenciement.
Dés lors, l’employeur doit-il procéder à l’information pour les licenciements n’ouvrant pas droit à portabilité : soit lorsque le salarié n’a pas de droit acquis, soit en cas de rupture pour faute lourde ? Qu’en est-il des autres procédures de rupture du contrat de travail : l’information doit-elle être faite lors d’une résiliation judiciaire, une convention de rupture ou une prise d’acte ?
Pour la lettre de licenciement, l’employeur doit procéder à une information sur la portabilité pour le licenciement pour faute simple ou grave et pour le licenciement économique. Dans les autres cas de rupture du contrat de travail, il n’existe pas d’obligation d’information à la charge de l’employeur (A). Si le salarié n’a pas acquis de droits au DIF, l’employeur n’a pas à procéder à une information dans la lettre de licenciement (B). Toutefois pour limiter les risques contentieux et développer l’utilisation du DIF une information peut être conseillé pour toutes les ruptures du contrat de travail (C). Dans les cas de licenciement pour faute simple ou grave et pour le licenciement économique s’il ne respecte pas son obligation, il s’expose à des sanctions (D).
Pour le certificat de travail, l’information doit être faite pour toute rupture du contrat de travail. Cela fera l’objet d’un prochain zoom.
Antérieurement à la portabilité, il a existé la transférabilité du DIF : le salarié pouvait demander à utiliser son crédit d’heures acquis au titre du DIF lors de la rupture du contrat, mais après cette dernière et à défaut d’accord de branche, les droits étaient perdus. La transférabilité a été remplacée par la portabilité par la loi du 24 novembre 2009.
Lors de la transférabilité, une obligation d’information sur le DIF existait déjà. La jurisprudence sur la transférabilité permet de fournir une grille d’analyse pour la portabilité lors de la rupture du contrat de travail. Bien évidemment, la jurisprudence sur la portabilité pourra faire évoluer le contenu de l’obligation d’information.
Il est à noter que les références au code du travail ne sont pas identiques dans les deux dispositifs. La rédaction de l’article du code du travail relatif à l’information est légèrement différente pour chaque dispositif, mais le contenu est identique.
A) Pas d’information en dehors d’un licenciement pour faute simple ou grave
Le législateur mentionne une obligation d’information dans la lettre de licenciement, sans préciser si l’information doit être faite pour chaque type de licenciement. Si l’information est utile pour un licenciement pour faute simple ou faute grave qui ouvre droit à portabililté, qu’en est-il d’un licenciement pour une faute lourde qui exclut la portabilité ? Ainsi le salarié licencié pour une faute lourde doit-il être informé de ses droits à DIF ?
La jurisprudence a répondu négativement à cette question en retenant que l’absence de droit permettait à l’employeur de ne pas délivrer l’information : « L’article L6323-18 du code du travail impose à l’employeur d’informer le salarié sur son droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement ; l’article L6323-17 du code du travail dispose que le droit individuel à la formation n’est pas transférable en cas de licenciement pour faute grave ; La SARL V ET N qui a procédé à un licenciement pour faute grave n’avait donc pas à délivrer d’information à X... sur son droit individuel à la formation ; En conséquence, X... doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour défaut d’information sur son droit individuel à la formation » Cour d’appel de Lyon chambre sociale du 6 février 2009, n° 08/00975
Rappelons que cette jurisprudence a eu lieu sous le dispositif juridique de la transférabilité, qui ne donnait pas de droit en cas de licenciement pour faute grave. La question de l’information avec un licenciement qui n’ouvre pas de droit est identique dans les deux dispositifs : transférabilité et portabilité. Seul le motif de licenciement change. Depuis la loi du 24 novembre 2009, la portabilité est ouverte lors d’une faute grave.
Aussi, le législateur mentionne uniquement une obligation d’information pour le licenciement, ce qui semble exclure une information lors des autres procédures de ruptures du contrat de travail : démission, rupture négociée, prise d’acte, résiliation judiciaire.
Avec la résiliation judiciaire, c’est le salarié qui est à l’origine de la procédure de rupture. L’employeur doit-il alors faire une information sur les droits au DIF ?
La Cour de cassation répond négativement à cette question en retenant que puisque l’employeur n’est pas à l’initiative de la rupture du contrat, il n’est pas en mesure de procéder à l’information. Cette absence d’information ne cause alors pas un préjudice au salarié. Dans les faits, une salariée demande une résiliation judiciaire, son employeur est condamné en appel à lui verser une somme en réparation du préjudice lié à la non information de ses droit au DIF. Il se pourvoit en cassation. « Alors qu’en faisant droit à la demande de la salariée aux motifs qu’elle n’avait pas été mise en mesure, du fait de l’employeur, de solliciter le bénéfice d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation, quand les circonstances de la cause enseignaient que l’employeur n’avait pas eu l’occasion, du fait de la salariée, de l’informer de la possibilité qu’elle avait de demander, pendant son préavis, à bénéficier d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation dès lors que cette dernière avait sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la Cour d’appel a violé les articles 1134 du Code civil et L6323-17 du Code du travail. ». Cour de cassation, chambre sociale, 19 mai 2010, n° de pourvoi 08-45090
Il découle de cette jurisprudence que l’employeur n’est pas tenu à une information lors de la rupture du contrat de travail s’il n’est pas à l’origine de cette dernière. L’employeur pourrait évoquer ce principe lors d’une rupture initiée par le salarié : c’est en particulier le cas pour une démission, ou une prise d’acte.
Pour les cas de rupture négociée (convention de rupture) : « Le salarié doit avoir été mis en état de formuler une demande avant la rupture et la convention de rupture doit mentionner les droits acquis » (Cour d’appel de Rouen du 27 avril 2010, pourvoi n° 09-4140). Même si la jurisprudence complète le contenu de la convention de rupture, il ne s’agit pas d’une obligation d’information comme pour un licenciement.
Pour la prise d’acte : « si elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié perd une chance de faire liquider, à l’issue de la relation salariale, ses droits en matière de DIF et subit donc un préjudice » (Cour d’appel de Montpellier du 12 novembre 2008, n° 08-03719). Ici encore, il ne s’agit pas d’une obligation d’information. Avec une prise d’acte l’employeur n’est pas à l’origine de la rupture du contrat, l’information paraît dès lors difficile à mettre en œuvre. De plus, la prise d’acte peut produire les effets d’une démission. Dans cette hypothèse une lecture à contrario de la jurisprudence précitée permet de conclure que le salarié ne subit pas de préjudice.
B) Pas d’information sans droit au DIF
Ici, ce n’est pas la procédure de rupture du contrat de travail qui pose question, c’est le fait de savoir si l’information doit être réalisée, y compris si le salarié n’a pas de droit au DIF.
Une cour d’appel a répondu négativement à cette question en se fondant sur l’absence de préjudice : n’ayant pas acquis de droit au DIF, la salarié n’aurait pas pu en faire la demande. Par conséquent une information lui aurait été inutile.
« Ayant été licenciée le 15 juillet 2004, madame X... ne comptait donc pas douze mois de présence dans l’entreprise depuis la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 instituant le droit individuel à la formation (DIF), qui lui aurait permis d’acquérir 20 heures de formation ; elle ne peut ainsi soutenir avoir subi un préjudice lié au défaut de mention, dans la lettre de licenciement, de ses droits en matière de droit individuel à la formation ; le jugement qui l’a débouté d’un tel chef de demande mérite également confirmation. » Cour d’appel de Montpellier du 16 janvier 2008 n° de RG : 07/0305
C) Une information recommandée
Au-delà de toute obligation prévue par les textes ou la jurisprudence, pour se prémunir de tout risque contentieux quant au défaut d’information et pour permettre une utilisation du DIF, il est conseillé à l’employeur d’informer le salarié par lettre recommandée avec avis de réception :
•du montant de ses droits au DIF ;
•de la possibilité de demander une portabilité durant une recherche d’emploi ou auprès d’un nouvel employeur si la rupture du contrat de travail ouvre droit à une prise en charge par le régime d’assurance chômage ;
•de la possibilité de demander une portabilité durant le préavis (dans le cas d’une démission) ;
•de la possibilité de demander d’utiliser les droits au DIF avant le terme du contrat de travail (pour une rupture conventionnelle dans l’hypothèse où ce délai existe ; pour rappel il ne s’agit pas d’un préavis).
Si le salarié n’a pas de préavis (ce qui est le cas lors d’une prise d’acte, résiliation judiciaire, pour une rupture négociée, le terme d’un CDD, une faute grave), l’information peut être faite avec une lettre recommandée avec avis de réception lorsque arrive le terme du contrat de travail.
D) Sanction financière en cas de défaut d’information
L’obligation d’information a été illustrée par la jurisprudence : le salarié licencié doit être informé de ses droits. « Alors qu’il résulte de l’article L6323-18 du Code du travail que, dans la lettre de licenciement, l’employeur informe, s’il y a lieu, le salarié de ses droits en matière de droit individuel à la formation, notamment de la possibilité de demander pendant le préavis à bénéficier d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation ; qu’en affirmant qu’aucun texte n’impose à l’employeur de signifier au salarié, ses droits à la formation dans le cadre d’un tel licenciement, la Cour d’appel a violé la disposition précitée ». Cour de cassation chambre sociale du 2 juin 2010, n° de pourvoi : 09-41409
La Cour de cassation censure la cour d’appel qui avait débouté le salarié de sa demande de paiement de dommages et intérêts. La Cour de cassation se fonde sur l’article du Code du travail prévoyant l’obligation d’information. Pour le montant de cette sanction financière, la Cour de cassation renvoie les parties devant la Cour d’appel.
La jurisprudence avait déjà sanctionné les employeurs qui ne respectaient pas cette obligation. L’absence d’information faite par l’employeur cause un préjudice au salarié qui doit être réparé : « La lettre de licenciement ne précise pas que le salarié peut bénéficier du droit individuel de formation ; cette omission lui a nécessairement causé un préjudice qui doit être réparé ». Cour d’appel de Rouen du 4 mars 2008, n° 07/3917
Dès lors en cas de contentieux, si l’employeur n’a pas respecté son obligation d’information, il devra verser une réparation au salarié. On constate par ailleurs que le mode de calcul de l’évaluation du préjudice n’a pas encore été précisé.
Il est à noter que la portabilité peut être utilisée après l’expiration du contrat de travail, contrairement au dispositif de la transferabilité où le salarié devait faire une demande avant l’expiration du contrat. Après l’expiration du contrat de travail, il y a un transfert financier de la portabilité : c’est l’Opca qui sera débiteur de la somme finançant la portabilité, et non plus l’employeur. Dès lors, il n’y a pas à proprement parlé une « perte de droit » pour le salarié si ce dernier ne fait pas de demande durant son préavis puisqu’il pourra toujours utiliser ses droits lors d’une recherche d’emploi ou auprès d’un nouvel employeur.
Cet argument sera-il retenu pour exonérer l’employeur de son obligation d’information ? Rien n’est moins sûr mais il conviendra de suivre les prochaines jurisprudences sur la portabilité pour confirmer qu’il n’y a pas de revirement à ce sujet.
Dernière précision, un défaut d’information dans la lettre de licenciement ne fait pas perdre au salarié ses droits à portabilité. La portabilité du DIF fait également l’objet d’une information dans le certificat de travail qui permettra au salarié de faire valoir ses droits auprès de Pôle emploi et de son futur employeur (objet de notre prochain zoom).
Source : Droit de la Formation.fr
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